Recrutement: se réinventer pour attirer et retenir les talents
Les difficultés de recrutement constituent une plaie pour une majorité d'entreprises. La faute à pas de chance? Aux millennials? Aux PME et ETI elles-mêmes? Tour d'horizon des obstacles et des pistes à explorer.
Avec la reprise économique, les tensions sur le marché de l'emploi vont s'amplifier et aggraver les difficultés de recrutement des PME et ETI qui sont déjà 57% à manquer de talents pour grandir, selon l'étude "Attirer les talents dans les PME et les ETI " de Bpifrance Le Lab publiée en janvier.
Or, selon Pôle Emploi, entre 200 000 et 330 000 recrutements ont été abandonnés en 2017, faute de candidats. La pénurie de compétences n'est pas nouvelle et concerne souvent les opérationnels et les commerciaux. "C'est aussi le cas dans les métiers de la finance, où nous sommes quasiment en situation de plein-emploi, signale Bruno Fadda, directeur chez Robert Half France. Du gestionnaire de paie au Daf, tous les métiers sont très demandés."
Arrêter de courir après les clones et les moutons à 5 pattes
La pénurie est accentuée par le fait que les entreprises jettent leur dévolu sur les mêmes genres de profils, "bien souvent des candidats disposant d'une expérience entre cinq et dix ans", constate Bruno Fadda. L'aversion au risque pousse, en effet, les PME et ETI à convoiter soit des professionnels qui ont fait exactement la même chose dans le même secteur d'activité avec une expérience significative, soit purement et simplement le mouton à cinq pattes... Cette stratégie est le plus souvent vouée à l'échec. "Chercher un contrôleur de gestion, par exemple, qui a exercé cette fonction pendant plus de cinq ans et espérer qu'il cherche exactement le même poste paraît utopique", commente Bruno Fadda. Au contraire, en changeant de poste, il souhaite développer ses compétences, étoffer son CV, découvrir de nouvelles missions. Pour l'attirer, il faut donc proposer quelque chose de nouveau.
"Les employeurs doivent revoir leurs critères de sélection, rester ouverts à tous les types de profils, privilégier les soft skills et le potentiel du candidat", conseille Guillaume Coudert, consultant marque employeur. Marc Raynaud, président de l'Observatoire du management intergénérationnel, estime, pour sa part, que "les entreprises doivent se remettre en question, adopter des solutions créatives pour arriver à recruter et s'ouvrir aux nouvelles formes de travail". Par exemple: faire appel à un free-lance, revoir la définition de poste et embaucher plusieurs personnes pour remplir les missions ou encore mettre en place un programme de transmission des savoirs, où les seniors sont chargés de former les recrues. Dans ce dernier cas, l'entreprise peut se permettre d'ouvrir le champ des possibles en matière de profils recrutés, tout en maintenant dans l'emploi des seniors en réduisant la pénibilité au travail ou après leur départ à la retraite avec le cumul emploi-retraite par exemple.
"Les employeurs doivent revoir leurs critères de sélection et rester ouverts à tous les types de profils." Guilllaume Coudert, consultant marque employeur
Enfin, d'une manière générale, les process doivent être allégés pour gagner en rapidité. "Plus le recrutement s'éternise, plus l'entreprise se prive de candidats, affirme Bruno Fadda. Il faut planifier les différentes étapes, les communiquer aux candidats, les tenir informés. Puis être au clair avec toutes les personnes impliquées dans le process sur les atouts à valoriser, le contenu du poste et les critères de sélection. Sinon, le danger n'est plus de chercher un mouton à cinq pattes mais à 12!"
"Pourquoi ne pas créer un groupe de travail dédié à l'évolution des pratiques RH en pensant à y associer des jeunes pour vraiment faire bouger les lignes?" interroge Marc Raynaud, qui recommande, par exemple, de faire intervenir un salarié ambassadeur lors du recrutement simplement pour donner, "sans filtre ", sa vision de l'entreprise aux candidats et répondre aux questions.
Opération séduction
"Plus le recrutement s'éternise, plus l'entreprise se prive de candidats" Bruno Fadda,
Robert Half France
Car, pour être exigeant, il faut s'en donner les moyens. "Dans un contexte de marché qui leur est favorable, la plupart des candidats peuvent se permettre de faire la fine bouche", rappelle Bruno Fadda. Facteur aggravant, "les millennials sont des consommateurs qui aiment comparer et avoir le choix, résume Marc Raynaud. Ils agissent de même pour leurs jobs." Résultat: les entreprises doivent revoir leur manière d'envisager le recrutement et apprendre à se vendre auprès des candidats.
Lire aussi : 7 méthodes de recrutement innovantes
"Je suis étonné de constater que, chaque année, Google reste l'entreprise préférée des jeunes du monde entier, avoue Marc Raynaud. À travers ce plébiscite, on entrevoit bien leurs attentes: autonomie, convivialité, flexibilité, système hiérarchique allégé..." Le but est d'identifier et de mettre en valeur vos atouts, les éléments constitutifs de votre marque employeur, et d'adapter votre argumentaire au candidat. Car, à chaque âge ses aspirations.
Dans la chasse aux talents, vos salariés peuvent faire la différence. La cooptation est d'ailleurs une méthode couramment utilisée par les entreprises. "Une méthode rentable qui a fait ses preuves", précise Guillaume Coudert qui invite les entreprises à aussi mettre en place un programme d' "employee advocacy", c'est-à-dire qui encourage les salariés à devenir des ambassadeurs de leur marque employeur, en fonction de leurs appétences (réseaux sociaux, etc.).
Car, outre l'attractivité, l'enjeu est d'être visible! Dans cette optique, les réseaux sociaux constituent plus que jamais une option économique et efficace. Pour vous différencier, Guillaume Coudert recommande d'animer votre marque employeur et de publier vos offres d'emploi sur Instagram, "un réseau social prisé des jeunes mais assez peu investi par les entreprises".
Après le recrutement, l'épineuse question de la fidélisation
Mais bien recruter n'est pas suffisant. Ensuite, il faut arriver à fidéliser. "Les entreprises continuent de recruter la perle rare en s'imaginant qu'elle va rester, comme ses aînés, ad vitam æternam, déplore Marc Raynaud. Mais, si ses attentes ne sont pas satisfaites, elle n'hésitera pas à aller voir ailleurs si l'herbe est plus verte. Les employeurs doivent intégrer ce changement de paradigme."
L'évolution régulière de la rémunération n'est pas le seul facteur de rétention. Montée en compétences, diversité des missions, nouveaux challenges, association aux décisions, aux projets transverses ou encore au capital... Les PME et ETI ont un panel de solutions pour briser la routine et entretenir la motivation de leurs troupes. "Tous les ans, le "contrat " doit être remis en cause car les attentes évoluent", indique Guillaume Coudert. L'entretien individuel annuel et des échanges informels tout au long de l'année doivent permettre d'évaluer les satisfactions et insatisfactions des collaborateurs et d'apporter des ajustements, dans la limite du raisonnable.
Même si, malgré tous vos efforts, le salarié décide de partir, il est important de soigner son départ. Il reste ainsi un ambassadeur de l'entreprise qui peut la recommander à son réseau... ou même revenir ultérieurement!
À lire aussi:
Recrutement: quels profils recherchent les start-up, PME et grands groupes?
Recrutement : les PME & ETI ne font pas assez rêver les candidats
Sur le même thème
Voir tous les articles RH