Absentéisme : quels coûts cachés pour l'entreprise ?
L'absentéisme grimpe en flèche au sein des entreprises françaises. Baisse de productivité, désorganisation, remplacements temporaires... Ces arrêts sont responsables de nombreux coûts cachés, souvent ignorés ou mal-évalués par les entreprises.

En cinq ans, l'absentéisme des salariés du privé a bondi de 41 %, révèle le Datascope 2025 d'Axa France, publié en mars 2025. Avec un taux de 4,5%, l'absentéisme rejoint le niveau de 2022, une année « record » marquée par les vagues épidémiques Covid du variant Omicron. « Il convient de distinguer deux types d'absentéisme : l'absentéisme incompressible, sur lequel l'entreprise n'a aucune prise (lié à des épidémies ou catastrophes naturelles, par exemple) et l'absentéisme compressible qui, lui, peut être influencé par l'entreprise », analyse Laurent Cappelletti, professeur au Conservatoire national des arts et métiers (CNAM) et titulaire de la chaire comptabilité et contrôle de gestion. Selon lui, l'absentéisme incompressible représente environ la moitié des arrêts dans le secteur privé. Les dirigeants s'intéressent donc principalement à l'absentéisme compressible, c'est-à-dire celui sur lequel l'entreprise peut agir. Dans 90 % des cas, cet absentéisme est lié à six grands leviers qui façonnent la qualité du management : les conditions de travail physiques et psychologiques, l'organisation de travail, la communication et le sens donné au travail, la gestion du temps, la formation et les perspectives d'évolution et les politiques de rémunération. « Depuis cinq ans, les attentes des salariés en matière de qualité de vie au travail- en particulier celles des jeunes et des cadres - ne cessent de croître. Plus l'écart se creuse entre la réalité et les attentes, plus l'absentéisme augmente. Il s'agit d'un phénomène entropique », détaille Laurent Cappelletti.
Une facture salée
Cette montée en puissance s'accompagne d'une facture souvent méconnue par les entreprises. L'essentiel des coûts liés à l'absentéisme n'apparaît pas toujours dans les états comptables et financiers, ou n'y est pas identifié de façon distincte. « Lorsqu'un salarié absent est remplacé, le coût du remplaçant est intégré sans distinction dans les charges de personnel », pointe Laurent Cappelletti. De même, la non-production et la désorganisation liées à l'absence d'un salarié est rarement mesurée. En 2018, le CNAM avait participé à une étude sur le coût caché de l'absentéisme, en partenariat avec l'Institut Sapiens. Il s'établirait chaque année à 4 059 euros par salarié. Rapporté aux 26,6 millions d'actifs en France, cela représenterait 107,9 milliards d'euros, soit 4,7 % du PIB. « À l'échelle d'une entreprise, l'absentéisme représente une perte de valeur ajoutée considérable », estime Laurent Cappelletti.
Prévenir plutôt que subir
Pour réduire l'absentéisme, le professeur du CNAM préconise de travailler sur les six grands domaines qui façonnent la qualité du management. « Il n'existe pas de solution universelle. Chaque entreprise doit réaliser un diagnostic spécifique, au plus près de ses réalités de terrain », souligne-t-il. Il peut s'agir, par exemple, d'augmenter ou de réduire les jours de télétravail. « La solution se construit dans le dialogue, entre ce que l'entreprise est prête à accorder et ce que les salariés expriment. C'est une véritable négociation de proximité, où les managers d'équipe jouent un rôle clé », explique Laurent Cappelletti. Pour être efficace, la prévention de l'absentéisme doit s'inscrire dans une véritable politique d'entreprise. « Lorsqu'une entreprise s'engage dans cette voie, les résultats sont tangibles et il est possible de réduire considérablement l'absentéisme compressible », déclare-t-il. Avant de mettre en garde : « Comme il s'agit d'un phénomène entropique, dès que l'on cesse l'effort, l'absentéisme repart à la hausse ». D'où la nécessité de traiter la question durablement et d'en faire une pratique managériale continue.
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