Retour à l'équilibre budgétaire et redémarrage de la croissance : une équation incontournable pour la France
Dette publique, croissance, PIB, PLF... dans cette tribune exclusive, Emmanuel Millard, vice-président Sorbonne Business School, secrétaire général du Groupe ENDRIX et président de la Commission des Finances ETHIC revient sur les solutions qui existent pour transformer la situation économique française.

La trajectoire des finances publiques françaises est au coeur des préoccupations nationales et européennes. Face à un endettement persistant, la nécessité d'un retour à l'équilibre budgétaire est un mantra partagé par les pouvoirs publics, les institutions économiques et les observateurs. Mais cette quête ne peut être dissociée d'une stratégie parallèle et tout aussi cruciale : celle de la relance de la croissance économique. Au-delà des mesures d'austérité classiques, de nouvelles approches, innovantes et synergiques, doivent émerger pour concilier ces deux impératifs.
Quel niveau de corissance ?
Le gouvernement français a affiché des objectifs, à tout le moins ambitieux, pour les années à venir : ramener le déficit public à 5 % du Produit Intérieur Brut (PIB) dès 2025 et le réduire sous la barre des 3 % d'ici 2029. Le Projet de Loi de Finances (PLF) 2025 prévoit un effort budgétaire de 60 milliards d'euros, répartis entre une réduction des dépenses publiques (deux tiers) et un accroissement des recettes (un tiers). La Sécurité sociale est également mise à contribution, avec un plan de retour à l'équilibre de ses comptes attendu avant 2029, face à un déficit projeté à 24,8 milliards d'euros en 2029.
Cependant, comme le souligne la Cour des comptes, la première condition d'un retour à des finances publiques saines est bien le rétablissement d'un niveau de croissance économique élevé. Sans une dynamique de croissance robuste, l'effort de consolidation budgétaire risque de s'avérer plus difficile, voire récessif. L'enjeu est donc de trouver un équilibre délicat : assainir les comptes sans étouffer l'activité.
Mais les méthodes classiques de réduction du déficit, souvent axées sur des coupes linéaires ou des hausses d'impôts généralisées, montrent leurs limites. La suspension envisagée de dispositifs, tel que MaPrimeRénov, illustre les arbitrages complexes. Les tensions entre l'État central et les collectivités territoriales, accusées par Bercy de contribuer au déficit par l'augmentation de leurs dépenses, révèlent également le besoin d'une meilleure coordination plutôt que de simples transferts de charges. Plutôt que d'imposer des coupes, il est essentiel d'instaurer une gouvernance budgétaire collaborative et transparente avec les collectivités. Cela passerait par l'adoption de nouveaux outils d'analyse et de pilotage, des contractualisations pluriannuelles plus souples mais engageantes, et un accompagnement dans la recherche de gains d'efficience locale. Une meilleure coordination État-collectivités permettrait d'éviter des doublons et d'optimiser l'investissement public local.
Face à ces contraintes, l'innovation s'impose comme un levier indispensable pour le redressement. Tout d'abord, au niveau de l'État qui ne doit pas seulement couper dans les dépenses, mais aussi dépenser mieux. Une transformation managériale profonde au sein de la fonction publique pourrait générer des économies considérables en réduisant les "coûts cachés" et en améliorant l'efficience des services.
Le "BercyLab" et la "Mission Innovation" sont des initiatives qui, par l'expérimentation et l'intelligence collective, visent à moderniser l'administration et à la rendre plus performante, ce qui se traduirait par des gains budgétaires et une meilleure qualité des services.
Redomicilier la dette publique
Ensuite, en réduisant la dépendance aux marchés internationaux et en stabilisant la charge de la dette, l'idée d'une "redomiciliation" d'une part significative de la dette publique auprès des résidents, à l'instar du modèle japonais, est une piste intéressante. Cela pourrait renforcer la souveraineté financière de la France et atténuer l'impact des fluctuations des taux d'intérêt.
Mais le véritable tournant tient dans l'intégration de la croissance comme composante intrinsèque du redressement budgétaire. En effet, les investissements publics ciblés sont des catalyseurs de croissance. Le plan "France 2030", doté de 54 milliards d'euros, dont 15 milliards sont encore à investir, incarne cette stratégie. En soutenant des secteurs clés comme l'intelligence artificielle, le quantique, le spatial, le nucléaire et les technologies vertes, ce plan vise à "rattraper le retard industriel français" et à stimuler l'innovation. Ces investissements sont généreront de la richesse et des recettes fiscales.
Réformes structurelles
D'autre part, la Cour des comptes et le FMI insistent sur l'importance des réformes structurelles pour renforcer le potentiel de croissance de l'économie française. Ces réformes peuvent inclure l'amélioration de la flexisécurité sur le marché du travail, la simplification des réglementations, la réduction des barrières à l'entrée sur certains marchés, ou encore une politique de la concurrence dynamique. L'idée est de créer un environnement propice à l'investissement. Le FMI suggère même que des réformes structurelles couplées à un soutien budgétaire ciblé peuvent à la fois améliorer l'emploi, la croissance et réduire la dette publique.
Sans oublier la fiscalité qui doit être au service de la croissance. Cela implique de repenser les niches fiscales pour les réorienter vers le financement des dépenses d'avenir (recherche et développement, technologies vertes), de simplifier le système fiscal pour les entreprises et les particuliers, et de renforcer la lutte contre la fraude fiscale grâce aux nouvelles technologies (IA, big data). Une fiscalité stable et prévisible est un signal fort pour les investisseurs, ce qui fait souvent défaut en France.
Mais le retour à l'équilibre budgétaire de la France ne peut être une simple équation de coupes et de hausses. Il doit s'appuyer sur une démarche stratégique intégrant des solutions innovantes pour dépenser mieux et générer de nouvelles sources de recettes. Plus fondamentalement, cette consolidation budgétaire doit s'accompagner d'une politique résolument tournée vers la croissance, par des investissements ciblés, des réformes structurelles audacieuses et une fiscalité incitative. C'est dans cette synergie entre rigueur budgétaire et dynamisme économique que résidera la clé d'un redressement durable pour la France.
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