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[Dossier] CFO, prenez votre carrière en main !

human hand drawing career ladder with chalk
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Sommaire :

1. Quelles compétences pour les Daf aujourd'hui ?

2. Rester employable, entre opportunités et coups de coeur

3. A vos CV !

1. Quelles compétences pour les Daf aujourd'hui ?

Il est bien loin le temps où le Daf n'était que le gardien du temple. Cela fait plusieurs années que l'on parle d'un Daf business partner, à la fois bras droit du dg et fonction support des opérationnels. A cela s'ajoutent de nouvelles attentes, liées à la digitalisation des entreprises mais aussi à l'incertitude ambiante.

Prendre en main sa carrière c'est avant tout connaître les compétences attendues par le marché. Or, du côté des Daf, les évolutions sont de mises : après avoir été recruté pour ses compétences techniques, le Daf est aujourd'hui attendu sur des sujets plus opérationnels et stratégiques. A cela s'ajoutent des dimensions nouvelles comme la digitalisation et la RSE. Autant de compétences qu'il s'agit non seulement d'identifier mais aussi d'acquérir pour s'assurer de rester employable.

Un périmètre qui s'élargit

Premier élément à avoir en tête : les attentes vis à vis des Daf sont de plus en plus exigeantes. « La complexité réside dans le fait qu'il doit s'adapter à un métier de plus en plus multi tâches : en plus de ses tâches courantes, le Daf doit être business partner, prendre en charge la transformation digitale, accompagner les négociations liées aux financements ou s'occuper des dossiers de M&A..., énumère Aude Boudaud, directrice associée en charge du département Finance & IT chez Robert Walters. A cela s'ajoutent des compétences managériales pour déléguer, donner du sens dans un contexte de flexibilité des modes de travail, ajoutant de la pression supplémentaire ». Le Daf doit donc être capable de mener de nombreux sujets de front, y compris certains qui ne sont pas naturellement dans son scope. Axel de Schietere, partner Finance and Corporate Officers chez Heidrick & Struggles, raconte ainsi que ses clients lui demandent de plus en plus souvent que le Daf soit en capacité d'être un levier de performance pour les opérationnels.

Les nouvelles tendances de société affectent aussi les directions financières. A l'image de la RSE ou de la digitalisation. Ludovic Bessière, business director Hays Finance & Comptabilité et responsable du club carrière et évolution de la DFCG Ile-de-France, remarque par exemple qu'il est attendu des Daf qu'ils orchestrent la transformation des SI de l'entreprise. « Avoir accompagnée un changement d'ERP est une compétence très recherchée », abonde Cécile Vignial, principal au sein du cabinet Segalen+associés. Stéphanie Duthilleul Vasen, directrice de la practice finance chez Oasys, dit quant à elle commencer à voir apparaître des postes de directeurs de la transformation financière, qui prennent en charge les sujets de digitalisation et de robotisation. Pour elle, c'est cependant un autre grand sujet qui émerge au sein des directions financières : celui de la RSE. « Ce sujet est poussé par le régulateur, les consommateurs, les collaborateurs. Cela peut représenter pour le Daf l'opportunité de sortir du rôle de gardien du temple », mesure-t-elle. Les CFO doivent notamment être en mesure de comprendre les critères ESG des agences de notation et des investisseurs.

Ludovic Bessière constate cependant que les profils de Daf recherchés par ses clients n'ont pas énormément évolués depuis 20 ans. « Il est toujours demandé de fortes compétences en comptabilité et en contrôle de gestion afin de bien comprendre les rouages financiers mais aussi piloter la performance et réaliser des prévisions ». Il est rejoint sur ce point par Stéphanie Duthilleul Vasen : « On entend beaucoup parler de digitalisation, big data, transition environnementale et durable... Mais les attentes des dg restent les mêmes : qu'ils assurent leurs missions régaliennes, c'est-à-dire qu'ils sécurisent la pérennité de l'entreprise, qu'ils optimisent la marge et le cash-flow, qu'ils s'occupent du haut de bilan, de la conformité, des financements, etc... La base du métier ne doit pas être occultée par les sujets à la mode ». Elle remarque un recentrage du rôle de Daf sur son socle de base, notamment durant la crise du Covid.

Agilité et pédagogie

La crise du Covid a d'ailleurs généré de nouvelles attentes vis-à-vis des Daf : alors qu'ils avaient le souci de l'exactitude, ils doivent aujourd'hui composer avec l'incertitude. « Les Daf doivent être en mesure de gérer l'imprécision des chiffres dus à des imprévus ou des aléas. Ce qui n'est pas facile pour eux », note Emmanuel Dufour, partner chez Segalen+associés. Le nouveau Daf se doit donc d'être agile, une des nombreuses "soft skills" qu'il doit posséder. « 60 à 75% des critères de recherche sont des « soft skills ». Le comportement est en effet primordial », rapporte Ludovic Bessière. Il cite notamment, au-delà de l'agilité, des qualités de dynamisme, de communication, de curiosité ou encore d'écoute. « Le Daf doit être à l'écoute du terrain et capable de discuter des sujets stratégiques avec les BUs, les régions, et la direction générale », rapporte Cécile Vignial. Une capacité d'écoute qui va de pair avec une réelle ouverture. "Le Daf est aujourd'hui avenant, ouvert, en relation avec des personnes très différentes », avance Romain Le Levé, manager chez Fed Finance Lyon. Cette ouverture permet non seulement de se tenir au courant de ce qui se passe sur le terrain mais aussi de faire passer des messages auprès des parties prenantes, internes et externes. Le Daf doit donc aussi être un bon communicant. « Les aptitudes pédagogiques, la capacité à expliciter les états financiers en interne comme en externe sont clés pour mener les changements », relève Cécile Vignial.

Acquérir de nouvelles compétences par l'ouverture

Une des « soft skills » recherchée est aussi la curiosité, pour se tenir au courant de ce qui se passe aussi bien à l'intérieur qu'à l'extérieur de l'entreprise. Une curiosité qui permet aussi au Daf de se former, d'acquérir de nouvelles compétences. Charles Legrand, Daf de Culligan, raconte avoir acquis des compétences aux côtés de personnes inspirantes. « Des managers m'ont appris des éléments en BI, finance mais aussi en qualités comportementales. Des gens parfois très différents de moi qui avaient une approche différente, une compréhension autre des problématiques ». Cécile Salin Echalier, CFO conseille ainsi d'embaucher des gens plus brillants que soi, pour apprendre à leurs côtés.

La curiosité ne suffit parfois pas pour acquérir les compétences sus-mentionnées. Certains Daf décident ainsi de suivre un MBA : Charles Legrand s'est récemment lancé dans cette aventure. « J'ai été formé pour apprendre à travailler dans un environnement il y a 25 ans, je souhaitais remettre à jour ma formation. Par ailleurs, j'étais en situation de directeur général sur certaines filiales et j'avais besoin d'éléments théoriques en marketing et en stratégie pour renforcer mes compétences », explique-t-il. Il remarque déjà les répercussions de cette formation sur sa carrière : il fut par exemple invité à faire partie d'un groupe de travail pour la mise en place de la stratégie ESG de son entreprise.

Passer par la case MBA n'est cependant pas nécessaire pour acquérir de nouvelles compétences. On peut aussi suivre des formations plus courtes, en présentiel ou même en ligne mais également assister à des conférences, des webinaires, lire des ouvrages... L'essentiel est de rester ouvert, curieux. « Il est important de se tenir au courant des dernières évolutions, des nouvelles normes comptables par exemple », conseille Emmanuel Dufour. Pour Sébastien Denis, practice manager chez Michael Page, l'expérience professionnelle ne suffit en effet pas à rester frais culturellement : "Il faut chercher à développer ses compétences par soi-même", souligne-t-il. Stéphanie Duthilleul Vasen préconise de se former tout au long de sa vie : " Cela doit faire partie de sa feuille de route en tant que dirigeant car c'est ainsi qu'on reste créatif et innovant ». Elle conseille aussi de suivre des séances de coaching. « Cela peut être intéressant pour incarner une posture de dirigeant, travailler sur l'intelligence émotionnelle, améliorer sa capacité à déléguer ou encore se concentrer sur l'essentiel ».

On peut aussi se former grâce à son réseau. Cécile Salin Echalier cite ainsi le dernier événement 100% Finance de Daf Magazine qui lui a donné matière à réflexion. Fabien Dawidowicz, qui vient de quitter son poste de Daf chez Spendesk pour d'autres aventures en tant que CFO de Yespark, dit progresser en échangeant avec d'autres Daf afin d'avancer ensemble. « Cela permet de ne pas rater un virage ». Mêmes considérations du côté de Louis de Miscault : à la tête d'une Daf élargie (CFO + DRH + directeur juridique) chez Cooptalis depuis quelques mois, il avait rencontré d'autres Daf mais aussi des fonds, des techniciens après avoir quitté son précédent poste afin de « réseauter ». « Cela m'a révélé ce que ces ouvertures pouvaient apporter, c'est très enrichissant », indique-t-il, disant qu'il va désormais chercher à réserver du temps pour cela.

Et pour acquérir des soft skills ? Il existe aussi des formations sur des sujets comme "convaincre et persuader" ou encore "travailler en équipe". « J'ai pu suivre des formations managériales mais il est difficile de faire un apprentissage accéléré de soft skills telles que l'interaction avec les autres ou encore la prise de décision. Ces compétences de savoir-être viennent plus avec les années d'expérience, les responsabilités que l'on endosse », juge Arnaud Degreve, group financial controller de Clasquin. Et cela ne vaut pas que pour les soft skills : « Se former de manière uniquement théorique sans mise en oeuvre pratique ne fonctionne pas », met en garde Aude Boudaud. Une vision partagée par Axel de Schietere qui pense que la meilleure façon d'acquérir des compétences c'est l'expérience. « Il faut être au bon endroit au bon moment et tenir la barre quand ces événements arrivent ». Cécile Salin Echalier dit ainsi avoir acquis des compétences à chacune de ses expériences. « J'ai travaillé dans le domaine industriel, j'ai géré plusieurs devises, sur les contrats... J'ai aussi beaucoup travaillé sur les sujets de RSE, notamment au niveau des politiques sociales de nos prestataires mais aussi les achats de matière première ou encore l'éco-conception des sites Internet ». Aude Boudaud conseille de saisir des opportunités de nouveaux projets dans son entreprise afin de les mener et de se former en même temps. Un mélange d'expérience et de formation : voilà la clé pour acquérir les compétences attendues.

BON À SAVOIR

Bertrand de Belmont, coach et ex Daf : « Il est nécessaire que les Daf développent des compétences relationnelles »

Après 25 ans de carrière en direction financière, Bertrand de Belmont s'est tourné vers une carrière de coach. Un métier qu'il a découvert en se faisant lui-même accompagner par une coach. « Le coaching permet de mieux se connaître, son savoir-être et son savoir-faire, afin de savoir sur quelles ressources on peut s'appuyer. J'ai découvert avoir des qualités d'écoute, d'intérêt pour l'autre mais aussi la volonté d'apporter des solutions aux problèmes », explique-t-il. Diplômé depuis l'année dernière de l'école de coaching de Paris, il accompagne des personnes au sein notamment de directions financières. « Il est nécessaire que les Daf prennent toute leur place dans l'accompagnement du changement et développent des compétences relationnelles pour transmettre une véritable confiance aux équipes », juge Bertrand de Belmont. Ce qui passe, selon lui, par de l'écoute et de la prise de décision. « Chaque manager devrait être formé à une posture de coach pour savoir prendre en compte l'avis et le vécu des collaborateurs et savoir trancher », souligne-t-il. Devenir coach lui a aussi ouvert les yeux sur la nécessité de demander de l'aide quand on en a besoin, ce dont il était incapable lorsqu'il était Daf. « Ce n'est pas montrer ses faiblesses, c'est au contraire une force que d'accepter ses failles », analyse-t-il. Ecouter, prendre des décisions, demander de l'aide : autant de soft skills que les Daf doivent développer pour rester compétents tout au long de leur carrière.

2. Rester employable, entre opportunités et coups de coeur

Bien gérer sa carrière c'est aussi s'assurer de rester employable sur le long terme. Il est donc important de réaliser des choix qui permettent d'acquérir des compétences recherchées sur le marché. Sans oublier de faire aussi un travail qui fait sens avec ses valeurs et ses compétences intrinsèques.

Après son expérience de Daf chez Spendesk, Fabien Dawidowicz a constaté que les portes des autres entreprises s'ouvraient en grand. « C'est la première fois de ma carrière que se sont présentées autant d'opportunités d'emploi. Etre Daf de start-up, avec en plus la réussite de Spendesk, m'a permis de ne pas trop avoir à chercher », analyse-t-il. Cet exemple montre à quel point gérer sa carrière c'est aussi faire des choix d'entreprises, de missions, etc... qui permettent de rester employable. « Chez les Daf, c'est la gestion de projets spécifiques qui va leur permettre de développer leur employabilité », remarque Romain Le Levé, manager chez Fed Finance Lyon. Et de citer en exemple : implémentation d'un nouvel ERP, recherche de solutions de financements, croissance externe, mise en place d'un PSE, entrée en bourse, etc... Son conseil : sauter sur ces opportunités dès qu'elles se présentent pour pouvoir les mettre en avant sur son CV.

Cécile Salin Echalier, qui compte 20 ans de carrière dans la finance, peut en témoigner : « Si aujourd'hui, je peux prétendre à un poste de Daf avec un large périmètre, c'est grâce à mes différentes expériences et acquisitions de compétences tout au long de ma carrière ». Elle a en effet, mené des projets variés dans des domaines aussi divers que la digitalisation ou la RSE. Elle a notamment pris en charge la mise en place de SAP sur 3 pays. « Quand on vous propose d'aller sur ce genre de sujet, il ne faut pas hésiter car c'est très recherché », conseille-t-elle.

L'aspect primordial des missions menées

Les missions menées par les Daf sont donc primordiales en termes de gestion de carrière. Ce doit être au centre des préoccupations lorsque l'on change de poste : quelle est la mission que l'on me propose, quelles compétences vais-je acquérir, etc... Ainsi, lorsqu'Arnaud Degreve rejoint Clasquin au poste de group financial controller, c'est aussi la diversité du poste qui l'a séduit. « Je suis en charge du contrôle interne en plus de la consolidation. Et la taille de l'entreprise me permet d'être davantage business partner ».

Pour multiplier les expériences et donc acquérir de multiples compétences, il peut être judicieux de régulièrement changer de poste, voire d'entreprise. Ainsi, Aude Boudaud, directrice associée en charge du département Finance & IT chez Robert Walters, invite à éviter les cycles trop longs sur un même poste pour rester intéressant sur le marché du travail. « On peut rester dans la même entreprise à condition de porter de nouveaux projets », nuance-t-elle. Emmanuel Dufour, partner chez Segalen+associés, met cependant en garde contre l'inclination à changer d'entreprise tous les deux ou trois ans. « Une personne qui change tout le temps peut être considérée comme pas assez compétente pour évoluer en interne ».

Ainsi, il ne faut pas hésiter à saisir des opportunités en interne. C'est ce que fait Charles Legrand, Daf de Culligan, qui est dans la même entreprise depuis plus de 10 ans : « Quand je suis rentré chez Culligan, je pensais en avoir fait le tour au bout de 5/6 ans mais finalement je suis sans cesse confronté à de nouveaux défis : je suis entré comme directeur du contrôle de gestion, j'ai évolué au poste de Daf puis j'ai pris en charge la supervision opérationnelle des filiales belges et suisses. Et aujourd'hui je suis à la tête d'une Daf élargie, incluant l'IT, le juridique et la gestion d'une marque distincte ».

Autre question qui taraude les Daf : grande structure ou entreprise de taille plus modeste ? Que choisir pour développer son employabilité ? « Pour une personne plus jeune, travailler dans un grand groupe peut être intéressant pour apprendre à se structurer. Par contre, une petite structure permet d'être responsabilisé plus vite », remarque Stéphanie Duthilleul Vasen, directrice de la practice finance chez Oasys. Ainsi, c'est pour pouvoir évoluer au poste de Daf que Cécile Salin Echalier a pris la décision de rejoindre une structure de taille intermédiaire. « Dans un grand groupe, je n'étais pas partie prenante des décisions, qui se prenaient plutôt au niveau européen. Or, j'avais envie d'être au coeur du réacteur, d'être véritablement Daf et pas juste un super contrôleur financier », explique-t-elle.

Pour Axel de Schietere, partner, Finance and Corporate Officers chez Heidrick & Struggles, il peut en effet être intéressant d'aller voir ce qui peut se passer dans un groupe plus petit quand ses responsabilités dans une grande structure s'aplanissent. Emmanuel Dufour met cependant en garde contre une carrière qui ne se déroulerait que dans des petites structures inconnues. « Il est difficile de savoir ce que le Daf vaut. Alors que dans un grand groupe, on acquiert une exigence reconnue sur le marché ». Son conseil : mixer grand groupe et petites filiales pour étoffer son profil.

Attention, cependant : s'il est possible de passer d'un grand groupe à une petite entreprise, l'inverse est plus rare. Et il ne faut pas rester trop longtemps dans des grandes structures si l'on veut rejoindre ensuite une start-up. « Sortir d'un grand groupe à 50 ans peut faire peur à des dirgeants de plus petites structures. On peut vous penser moins agile », met en garde Stéphanie Duthilleul Vasen.

Se spécialiser, une bonne idée ?

Autre question que l'on peut se poser en termes de gestion de carrière : faut-il se spécialiser ou non ? En termes de secteur, cela semble toujours être la norme. « L'industrie et les services sont deux mondes à part et les passerelles de l'un à l'autre ne sont pas simples tant les problématiques mais aussi les attentes des dg sont différentes », note Romain Le Levé. Aude Boudaud rapporte en effet que les entreprises demandent toujours une connaissance sectorielle, ou au moins d'un business model similaire.

Pourtant, changer de secteur peut aussi être bénéfique : Cécile Salin Echalier aime l'idée de se donner la possibilité de changer de secteur : « Cela donne une nouvelle dynamique, de la créativité. Ce qui est nouveau apporte de l'énergie et on élargit sa zone de confort ». Louis de Miscault, Daf de Cooptalis, apprécie aussi ce type de défis. « C'est intéressant d'aller voir d'autres métiers, d'autres secteurs et d'y appliquer ce qu'on a pu voir par ailleurs ». En effet, une expérience dans un autre secteur, plus avancé dans certains domaines, peut être valorisée.

Les entreprises peuvent s'intéresser non pas à des spécialisation sectorielles mais techniques. « On peut être un expert des normes IFRS ou un spécialiste du management d'équipe », explique Ludovic Bessière, business director Hays Finance & Comptabilité et responsable du club carrière et évolution de la DFCG Ile de France. Certains Daf se spécialisent dans le restructuring, dans le développement à l'international ou dans les M&A. Ces spécialités techniques sont d'ailleurs parfois incontournables. « Pour les entreprises sous LBO, il est souvent demandé d'avoir connu cette situation », rapporte Aude Boudaud.

Attention cependant à ne pas gérer sa carrière en ne cherchant qu'à rester employable : le risque est d'être malheureux et donc moins performant... Et au final moins employable ! Arnaud Degreve invite à ne pas perdre de vue ses aspirations personnelles afin de s'épanouir dans son métier. « Il ne faut pas voir que sa carrière mais aussi se donner la possibilité de travailler dans un secteur d'activité qui nous tient à coeur, dans une zone géographique dans laquelle on se projette, avec des gens avec lesquels on a envie de collaborer... Suivre ses coups de coeur professionnels est également important ».

D'autant plus qu'une entreprise qui nous correspond réellement sera certainement à même de fermer les yeux sur certaines lacunes en termes de compétences et d'expériences. Car le recrutement c'est aussi des rencontres. Louis de Miscault rapporte ainsi qu'il a été recruté chez Cooptalis pour mener une levée de fonds... Alors qu'il ne l'avait jamais fait jusque- là. "On m'a quand même choisi parce que j'ai mené des projets compliqués et une levée de fonds est finalement un sujet complexe comme un autre », indique-t-il. Il raconte surtout la rencontre avec Olivier Desurmont, président et co-fondateur de la société : « Après notre premier contact, nous savions tous les deux que nous voulions travailler ensemble parce que nos valeurs étaient alignées. Un recrutement c'est avant tout une aventure commune à créer ».

Il y a une vie après la Daf

Comme le recrutement est aussi une histoire humaine, développer son réseau est primordial pour rester employable. Cécile Salin Echalier préconise, quand on recherche un nouveau poste, de prendre contact avec les chasseurs de tête qui nous suivent depuis longtemps pour faire savoir que l'on recherche un nouveau challenge. Une information qui peut ensuite être diffusée à l'ensemble de son réseau. Attention cependant à ne pas activer son réseau que quand on en a besoin : cela ne fonctionne pas. « Un réseau professionnel, ça se travaille, ça se construit, recommande Ludovic Bessière. D'autant plus qu'au-delà de l'employabilité, il y a un véritable intérêt à partager avec sa communauté». Cette construction du réseau peut passer par des associations professionnelles, des événements, des salons... Et même par LinkedIn.

Le réseau permet aussi d'évoluer vers des postes plus capés, de direction générale par exemple. En effet, à en croire Aude Boudaud, les Daf qui deviennent directeurs généraux bénéficient soit d'une évolution interne soit d'une recommandation de leur réseau. Mais cela ne suffit pas toujours : « En termes de gestion de carrière, il est intéressant de se projeter. Par exemple, si on a pour but de devenir directeur général, il faut se demander quels secteurs et quelles missions, quelles cultures d'entreprise peuvent aider à devenir dg », conseille Stéphanie Duthilleul Vasen. Il y a donc une stratégie à mettre en place.

Mais le futur des Daf n'est pas toujours dans la direction générale. Louis de Miscault dit en être revenu. « Je ne pense plus à mon titre mais à ma mission. Ce qui va prévaloir pour moi c'est l'aventure collective », raconte-t-il. Il invite à bien se connaître, afin de savoir ce que l'on veut réellement faire. « Avec le temps, beaucoup de Daf cherchent des missions qui font sens pour eux et rejoignent des secteurs ou une entreprise dotée d'une culture qui leur parle plus », observe Sébastien Denis, practice manager chez Michael Page. Cécile Salin Echalier ne dit pas autre chose : « Le début de ma carrière était marqué par le souhait d'acquérir des compétences. Aujourd'hui, j'ai plus envie d'aller sur des projets qui me ressemblent ». Les Daf peuvent donc s'épanouir en restant Daf mais en trouvant des missions qui les animent.

« Il y a également de nombreuses possibilités d'évolution en restant dans la fonction de Daf, par l'élargissement du périmètre couvert à de nouvelles géographies ou de nouvelles fonctions comme l'IT ou les achats », ajoute Cécile Vignial, principal au sein du cabinet Segalen+associés. Ainsi il n'est pas rare de voir des Daf endosser des fonctions de secrétaires généraux. D'autres deviennent Daf de transition ou exercent des missions de conseil. « Beaucoup de Daf qui ont acquis de l'expertise se retrouvent assez bien dans un exercice libéral où ils bénéficient de la reconnaissance de leurs pairs », rapporte Ludovic Bessière. Il observe aussi des Daf devenir créateurs d'entreprise, parfois en franchise. Tout est donc possible en matière de carrière, l'essentiel étant de bien se connaître pour faire les bons choix.

BON À SAVOIR

Bruno Vaffier, group managing director chez Webhelp « Garder un pied en-dehors de la finance est satisfaisant et sain » `

Si Bruno Vaffier a occupé le poste de CFO chez Webhelp et chez Worldline, il aime retenir comme moment important de sa carrière sa fonction de directeur des opérations au sein du groupe Atos. « Il faut avoir porté la complexité des opérations, afin de ne pas perdre de vue le terrain quant on occupe un poste financier », pense-t-il. Il conseille de toujours garder un pied en-dehors de la finance. « C'est à la fois satisfaisant et sain ». Bruno Vaffier a en effet toujours veillé à étendre son sujet au-delà de la pure production financière, afin d'être acteur au sein de l'entreprise et non pas seulement support. Ainsi, lorsqu'il est CFO de Worldline, il parvient à s'occuper également de l'IT et du programme d'intégration des acquisitions. Et aujourd'hui il est en charge de la transformation technologique de Webhelp après s'être occupé de la filiale allemande. « Cela permet de ne pas se laisser enfermer dans la finance, de s'appauvrir en traitant toujours les mêmes sujets », avance-t-il.

3. A vos CV !

Pour prendre sa carrière en main et rester employable sur le long terme, le processus de recrutement doit être bien assimilé. Le CV, tout d'abord, doit être bien structuré pour mettre en avant les compétences acquises et répondre sur ce point aux attentes des recruteurs. L'entretien, quant à lui, ne doit pas être négligé pour montrer la meilleure facette de soi-même. Et décrocher le job de ses rêves !

Le CV, toujours incontournable

Même si des voix s'élèvent contre le CV, qui serait à la fois un mauvais reflet des candidats mais aussi un élément de discrimination, cet outil est toujours incontournable en matière de recrutement : la première étape d'une candidature est, dans la grande majorité des cas, le fameux curriculum vitae. Alors autant bien le maîtriser ! Premier élément à avoir en tête : ce sont souvent des logiciels qui se chargent du tri des CV. « Les ATS (applicant tracking system, logiciels de gestion des candidatures) fonctionnent à partir de mots clés : il est donc important d'identifier les mots clés à faire apparaître dans son CV et donc de bien comprendre son éco-système », prévient Ludovic Bessière, business director Hays Finance & Comptabilité et responsable du club carrière et évolution de la DFCG Ile de France. Romain Le Levé, manager chez Fed Finance Lyon, conseille de faire apparaître ces mots-clés à travers une rubrique « compétences », qui permettra de bien les faire ressortir.

Autre conseil, délivré par Ludovic Bessière : « Le CV doit à la fois qualifier et quantifier les expériences professionnelles : il s'agit de décrire ses missions en donnant des éléments chiffrés sur, par exemple, le nombre de personnes managées, le volume du budget, les résultats.... ». Pour Axel de Schietere, partner, Finance and Corporate Officers chez Heidrick & Struggles, ces éléments chiffrés doivent traduire l'impact du Daf : « Il est bien de parler d'amélioration de l'EBITDA ou de la productivité, en donnant des chiffres concrets, factuels. Cet exercice est très important car le métier de Daf reste un métier dans lequel les metrics tiennent une grande place ».

Attention cependant à ne pas noyer le recruteur sous des tonnes de chiffres et de détails. Il s'agit de les adapter aux attentes de son interlocuteur mais aussi à son projet professionnel. « Le CV n'est pas là pour parler du passé mais pour projeter le Daf dans son projet professionnel : les expériences choisies doivent donc éclairer ce projet », indique Stéphanie Duthilleul Vasen, directrice de la practice finance chez Oasys. Elle conseille donc, avant de rédiger son CV, de réfléchir à quel professionnel on est et vers où on veut aller.

Le CV doit aussi faire transparaître d'une manière ou d'une autre les qualités de « soft skills », ces dernières prenant de plus en plus d'importance dans les recrutements. « Les Daf oublient parfois leurs réalisations en tant que personnes et ne parlent que de leurs projets. Faire ressortir une réalisation individuelle peut permettre de se différencier », avance Sébastien Denis, practice manager chez Michael Page. Avoir pratiqué un sport de haut niveau ou s'être engagé dans une association sont des éléments révélateurs de sa personnalité qui peuvent intéresser les entreprises.

Un entretien, ça se prépare !

Ce travail de réflexion mené lors de la rédaction du CV permet, par la même occasion, de préparer son entretien. Car, pour être réussi, un entretien se prépare ! « Un entretien se travaille finement afin d'être en mesure d'apporter des exemples pertinents, illustrés par des détails, des résultats chiffrés, des précisions sur son apport personnel... », met en avant Aude Boudaud. Il faut en effet réfléchir aux exemples que l'on souhaite mettre en avant et surtout à la manière de les raconter. « Dire que l'on sait faire quelque chose n'est plus suffisant. Il faut raconter une histoire, raconter qui on est et ce qu'on a fait, trouver l'angle qui saura valoriser nos expériences », pointe Arnaud Degreve, group financial controller de Clasquin. Il recommande de faire un travail sur soi, sur ses expériences au fur et à mesure des années afin de réfléchir sur ce qui a permis d'avancer, de grandir. Mais aussi de la valeur ajoutée que l'on a pu apporter. « Cela parlera plus qu'un déroulé de CV ».

Pour que cette présentation soit vivante, Romain Le Levé invite à s'entraîner à l'entretien devant un miroir et de prévoir une présentation de 15 minutes sur ses différentes expériences, afin d'expliquer de manière pertinente ses choix de carrière et attentes professionnelles. « Ainsi, rien n'est oublié », explique-t-il. Attention cependant à ne pas sombrer dans un long monologue. « Il faut être le plus succinct possible au début et réagir en fonction de ce que l'interlocuteur attend », précise Axel de Schietere.

Cette préparation vise à arriver le plus détendu possible à l'entretien et à bien se vendre. Mais elle ne doit pas non plus faire perdre tout naturel : c'est lors de l'entretien que les deux parties se rendent compte si elles veulent travailler ensemble. Stéphanie Duthilleul Vasen intime donc de rester soi-même : « On recrute une personne avant de recruter un professionnel. Il faut donc accepter d'être soi pour réussir à créer du lien et laisser une empreinte émotionnelle positive ». Un soi quand même travaillé.

Le discours que l'on prépare en vue de l'entretien doit aussi être adapté à l'entreprise auprès de laquelle on postule. Ainsi, Ludovic Bessière conseille de regarder l'actualité de l'entreprise, l'évolution du business model, les nouveaux enjeux. Il recommande même de se renseigner sur la personne qui va mener l'entretien. « Se renseigner sur le produit et les activités du groupe, son marché, son image, la concurrence, etc... est tout aussi important que de connaître le résultat », pointe Axel de Schietere qui conseille de se rendre dans un point de vente ou de discuter avec des opérationnels de l'entreprise.

Pour Sébastien Denis, c'est la curiosité qui doit guider tout l'entretien. « Il faut arriver à transfomer l'entretien en échange afin de ressortir non pas comme le meilleur Daf mais comme le Daf le plus adapté pour le poste. Ce qui nécessite de passer par une phase d'écoute, de prise d'informations afin d'illustrer chacune de ces informations sur la société et sur le poste par sa personnalité et ses compétences ». On ne se dépêche donc pas de dérouler son CV mais on essaie d'entrer dans une phase de dialogue. Un exercice qui permet de mieux se mettre en avant mais aussi de s'assurer que le poste et l'entreprise convient bien à ses attentes.

A retenir :

- Les compétences attendues des Daf varient en fonction du poste, de l'entreprise, mais aussi de l'environnement

- Pour acquérir de nouvelles compétences, rien ne vaut des expériences professionnelles... qui peuvent être complétées par des formations théoriques

- Il faut donc choisir avec soin ses missions et faire en sorte qu'elles soient les plus variées possibles, aussi bien en termes de projets que de secteurs ou même de taille d'entreprise

- Ne pas oublier de se faire plaisir : il est important de sélectionner des missions et des entreprises en accord avec ses valeurs

- Pour une candidature efficace, CV et entretien sont préparés avec soin

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