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Entreprise, seniors, retraite... entre difficultés et opportunités

Dans cette tribune, Philippe Coursier, maître de conférences à l'Université Paris Cité, membre du cercle de réflexion Planète Social, revient sur le volet très débattu de la loi visant à favoriser l'emploi des seniors.

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Entreprise, seniors, retraite... entre difficultés et opportunités
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S'appuyant sur l'ANI du 14 novembre 2024 portant sur l'emploi des salariés expérimentés, le gouvernement a initié un projet de loi visant à favoriser l'emploi des seniors. Adopté par le Sénat dès le 4 juin à l'issue d'une procédure accélérée et bien que devant encore être adopté par l'Assemblé nationale, il laisse présager l'arrivée prochaine de plusieurs mesures destinées à encourager le maintien en activité des travailleurs les plus âgés tout en facilitant leur transition vers la retraite.

L'idée d'une remise en cause, même partielle, de la dernière réforme des retraites étant désormais évacuée, il faut en effet espérer une série de mesures destinées à soutenir les fins de carrière (index seniors, entretien professionnel obligatoire à partir de 45 ans, nouveau CDI senior[1], amélioration du dispositif de retraite progressive[2], etc.). Il faut dire que la réglementation actuelle ne facilite pas la gestion des personnels proches du départ à la retraite. Alors même que ses enjeux sont forts, les employeurs doivent appliquer des textes d'une rare complexité et d'une rationalité très relative. De la même manière, la retraite elle-même constitue une réalité prégnante pour nombre d'entreprises et tout aussi préoccupante pour les salariés concernés. En complément du récent engagement des partenaires sociaux en faveur d'un dialogue social renforcé dans les branches professionnelles et les entreprises sur le sujet, il paraît donc urgent de sécuriser, simplifier et libérer les dispositifs applicables.

Constitutives d'un véritable plan pour soutenir l'emploi des plus de 50 ans, dont les coûts devront être principalement supportés par les entreprises, de telles mesures seront-elles suffisantes à faciliter la vie des entreprises ? Il est permis d'en douter tant les besoins de réforme sont plus profonds. Ainsi n'est-il nullement question d'alléger les conditions de mise à la retraite ou encore, de libérer pleinement le cumul emploi-retraite. La question est d'autant plus sensible qu'elle appelle également une plus grande sécurisation économique. En l'état actuel de la législation, la moindre initiative des entreprises les expose à un « risque URSSAF » non négligeable de sorte qu'une certaine prudence est toujours de mise.

Quel que soit le type d'accord - collectif ou individuel - conclu pour le maintien de seniors dans l'emploi, l'entreprise doit se montrer extrêmement vigilante quant aux voies empruntées par elle. C'est une condition du succès des mesures négociée, pour elle-même comme pour les salariés concernés. À ce titre, est essentielle la sécurisation économique du dispositif de « neutralité sociale » qui, en termes de retraite, accompagne très souvent l'aménagement de la relation de travail pendant la fin de carrière[3]. Un autre aspect financier se rapporte à la sécurisation du régime social et fiscal applicable aux indemnités de rupture qui vont immédiatement suivre la fin de la période de maintien dans l'emploi du salarié senior[4].

A n'en pas douter, il s'agit là d'un défi fondamental en termes de projet de société aux prolongements financiers majeurs pour les entreprises et sur lequel le groupe de travail Retraite & Entreprise du cercle de réflexion Planète Social a souhaité se pencher et faire des propositions[5].

[1] A l'exception du CDD seniors créé en 2006, qui n'a jamais trouvé son public, il n'existe pas de contrat de travail spécialement dédié aux seniors, ceux-ci restant soumis aux règles de droit commun en matière de contrat de travail. Le projet de loi vise à expérimenter pour une durée de 5 ans un nouveau type de contrat à durée indéterminée appelé contrat de valorisation de l'expérience, lequel peut se présenter comme une aubaine tant pour les entreprises que pour les salariés concernés.

[2] La loi n° 2023-270 du 14 avril 2023 portant réforme des retraites a sensiblement amélioré ce dispositif, notamment en élargissant la retraite progressive à tous les régimes obligatoires, ce qui inclut le régime complémentaire obligatoire AGIRC-ARRCO, mais un nouvel assouplissement du dispositif est envisagé par le Gouvernement à travers son projet de loi visant à améliorer l'emploi de salariés expérimentés.

[3] D'une certaine manière, cet aspect est favorisé par un amendement adopté par le Sénat, lors de l'examen du texte sur l'emploi des salariés expérimentés et l'évolution du dialogue social, en faveur du déplafonnement de l'exonération de la contribution patronale spécifique sur l'indemnité de mise à la retraite.

[4] Afin que le système mis en place soit sécurisé pour l'ensemble des parties, il conviendrait d'assimiler systématiquement les indemnités à celles versées en cas de mise à la retraite. Ainsi, nonobstant l'accord donné par l'intéressé quant à son départ à la retraite à l'issue de la période dite d'engagement-senior, l'ensemble des protagonistes se trouverait à l'abri d'une éventuelle requalification de la contribution employeur opérée par les services des URSSAF, voire du fisc.

[5] V. l'étude complète, Ph. Langlois, G. Jolivet, Ph. Coursier, E. Guillon, A. d'Hauteville, Ph. Mauduit et S. Magnan, Retraite et entreprise, La Semaine Juridique - Social (JCP S) n° 3 du 2025, Pratique social 1012.

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