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« Rester aligné à ses valeurs et à ses objectifs est essentiel », Bertrand Poupart-Lafarge, CFO d'Axa France

Bertrand Poupart-Lafarge, CFO d'Axa France depuis trois ans et demi, revient sur le rôle clé de la direction financière dans l'accompagnement de la stratégie et le développement des valeurs d'une société.

Publié par Camille George le - mis à jour à
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« Rester aligné à ses valeurs et à ses objectifs est essentiel », Bertrand Poupart-Lafarge, CFO d'Axa France

>Présentez-nous Axa France. Où en est l'activité du groupe ?

Axa France est la société d'assurance du groupe Axa qui compte 13 500 salariés et réalise 29,3 milliards de chiffre d'affaires, 1/3 en assurance dommages, 1/3 en épargne et 1/3 en santé et en prévoyance. Nous assurons 10 millions de clients, 1 PME sur 3 et 1 pro sur 4. Nous avons un rôle quotidien d'accompagnement de nos clients, un rôle particulièrement mis en exergue lors de la crise.

Nous sommes par ailleurs un investisseur institutionnel majeur. Nous soutenons le tissu économique français et nous investissons toujours en droite ligne avec nos convictions dont l'une d'elles est la lutte contre le réchauffement climatique. L'année 2022 avait très bien commencé, puis sont survenus les événements dramatiques que nous connaissons en Ukraine et les impacts sur l'économie avec notamment la montée de l'inflation. Dans ce contexte, notre priorité a été de faire continuer à avancer l'entreprise en ligne avec sa stratégie, notamment sa stratégie de transformation.

> Quelles sont les grandes lignes de ce plan de transformation ?

La stratégie de transformation d'Axa France s'articule autour de deux axes principaux : simplification et digitalisation. Nous avons un enjeu de simplification important en raison de la taille de notre entreprise. Le digital est également essentiel afin de pouvoir accélérer nos efforts de productivité, notamment en Europe et en France. Ceci s'inscrit dans le vaste plan de transformation, baptisé Drive in progress, qui se poursuivra jusqu'à fin 2023.

Ce plan a été défini en 2019, depuis, il y a eu la gestion des taux négatifs, la Covid, le conflit en Ukraine, et maintenant le contexte inflationniste que nous connaissons. Tout ceci a nécessité des adaptations et parfois des renoncements. Par exemple, comme pour toutes les entreprises, l'inflation augmente nos frais généraux. Un travail sur l'amortissement de ces frais généraux a donc été nécessaire. Il en va de même sur les coûts de l'énergie. Sur le plan purement financier, l'une des actions a été de mettre en place une discipline financière stricte sur l'utilisation de la trésorerie. Pour autant, nous restons en ligne avec les grands objectifs initiaux. A fortiori parce que ces aléas et ces crises nous ont confortés dans l'idée que cette transformation était nécessaire.

> Comment la direction financière France est-elle structurée ?

360 personnes travaillent à la direction financière d'Axa France. Une grande partie des équipes oeuvre à la direction reporting et actuariat financier qui regroupe : la comptabilité et l'actuariat. Les autres pôles de la direction financière sont le contrôle de gestion, la direction des investissements, la direction achats et le corporate finance.

> Quel est le rôle du directeur financier et de la direction financière dans la stratégie du groupe ?

Le directeur financier est membre du comité exécutif d'Axa France. La direction financière agit comme un phare et suit l'activité de l'entreprise par rapport aux objectifs qu'elle s'était fixés. La direction financière est le garant de la stabilité financière de l'entreprise. C'est vrai dans n'importe quelle société industrielle, c'est encore plus vrai dans l'assurance, puisque nos clients se reposent sur notre solidité financière lorsqu'ils nous confient leur épargne ou comptent sur nous le jour où ils auront un sinistre. À nous d'être au rendez-vous le moment venu ! Dans cette logique, il y a des ajustements permanents à opérer, car notre rôle est de protéger et d'investir. Nous veillons à la profitabilité de l'investissement à court, moyen et long terme.

> Selon vous, quelle a été l'évolution la plus impactante pour votre métier ces dernières années ?

Nous avons vu arriver un grand nombre de nouvelles contraintes réglementaires. La transformation des normes IFRS - notamment IFRS17 et Solvency II - en est un bon exemple. Par voie de conséquence, la communication financière a énormément évolué, ce qui a demandé un important travail d'adaptation et de pédagogie, puisque nous sommes aussi les garants de la bonne compréhension des chiffres auprès de nos collaborateurs comme de nos investisseurs et actionnaires.

> Quelle est votre position vis-à-vis de la finance durable ?

Nous nous sommes investis fortement, et depuis de nombreuses années, sur le sujet de la finance durable, et cela à la fois en tant que citoyen, en tant qu'assureur et en tant qu'investisseur. Nous avons d'abord eu une approche pragmatique en excluant un certain nombre d'industries directement liées au réchauffement climatique comme le charbon mais aussi des industries que nous considérions en désaccord avec les valeurs d'un assureur, comme celle du tabac.

Le deuxième axe de travail a été de favoriser le développement des industries bas carbone. Pour cela, nous avons, au niveau du Groupe AXA un objectif de 26 milliards d'euros d'investissements verts, dont 11 milliards pour AXA France.

Le troisième volet tout aussi important, est l'accompagnement de la transition énergétique. Notre objectif n'est pas simplement de refuser les industries qui sont historiquement polluantes, il est plutôt de les accompagner dans leur transformation afin de les aider à réduire leur impact négatif sur l'environnement. AXA a été pionnier en développant les transition bonds pour accompagner les acteurs à forte intensité carbone dans la décarbonation de leur activité.

Enfin, en tant qu'actionnaire nous utilisons notre pouvoir d'influence pour inciter les entreprises à adopter des mesures crédibles de transition.

> Comment cibler les investissements verts alors que la taxonomie européenne tarde ?

Deux choix sont possibles : attendre une harmonisation de l'ensemble des référentiels ou avancer avec son propre référentiel, et c'est le choix que nous avons privilégié. Nous le faisons avec notre société de gestion Axa IM, de façon à pouvoir mesurer ce dans quoi nous investissons pour faire bouger un peu les lignes. À noter, 100 % de nos nouveaux investissements répondent à des critères ESG. Aujourd'hui, pour les clients qui nous confient leur épargne, 100 % de notre offre d'épargne est labellisée citoyenne. C'est une opportunité que de pouvoir s'appuyer sur une société de gestion expérimentée comme Axa IM. Cela nous permet d'adresser l'ensemble des classes d'actifs, en particulier les actifs d'infrastructure qui permettent d'avoir un impact ESG important. La référence européenne est en passe de voir le jour et de donner plus de lisibilité, mais il était important pour nous de commencer ce chemin dès 2018.

> Outre le pan environnemental, quid du pan social ?

La partie sociale est également un important point d'attention chez nous. Nous sommes attentifs et agissons pour que l'ensemble de la population ait accès à l'assurance, à travers le développement de l'assurance inclusive. Celle-ci permet d'apporter une réponse aux personnes qui se situent entre la tranche de population qui bénéficie de la solidarité de l'État et la tranche capable d'accéder à l'assurance classique (auto, habitation, etc.). La couverture assurance de cette tranche intermédiaire n'est pas satisfaisante, alors même que les individus sont très exposés.

> Vous avez effectué l'essentiel de votre carrière chez Axa, pourquoi ce choix ?

Cela fait 27 ans que je suis chez Axa, dont presque quatre ans en tant que CFO d'Axa France. J'ai toujours occupé des fonctions financières, dont la moitié du temps dans des fonctions d'investissement.
J'ai eu la chance également de travailler au Canada, aux États-Unis et au Royaume-Uni et d'évoluer dans des environnements très différents les uns des autres. L'assurance est un métier que l'on pourrait croire universel, alors qu'en réalité c'est assez différent d'un pays à l'autre. J'ai découvert des différences tant dans l'appréciation technique des produits que d'un point de vue humain et culturel. Pour moi, la vraie richesse vient de la diversité et de l'inclusion qu'il faut valoriser. C'est pour cela que j'ai à coeur que chacun se sente accueilli et accompagné de la même façon dans mes équipes et chez Axa en général.

27 ans dans la même société, cela peut sembler beaucoup, je ne me suis jamais ennuyé et ai eu la chance de travailler avec de nombreuses équipes. Ce qui m'attache particulièrement à Axa, c'est la qualité et la valeur des personnes que je côtoie au quotidien. Il est très important de faire partie d'une équipe dans laquelle on se sent bien, dans laquelle on se développe et dans la laquelle on a de l'impact. Car si l'organisation avance et obtient de bons résultats, c'est avant tout grâce à la somme d'individus qui y travaillent au quotidien. Ce qui fait la différence, c'est l'engagement des équipes !

Repères

Axa France
Activité : société d'assurance
Forme juridique : SA à conseil d'administration
Directeur général : Patrick Cohen
CFO : Bertrand Poupart-Lafarge
Siège : Nanterre (92)
Effectifs France : 13 500
CA 2022 : 29,3 milliards d'euros


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