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L'IA au service de la conformité ESG

Face à l'évolution des normes de durabilité, le reporting ESG devient un exercice de plus en plus technique et exigeant. L'intelligence artificielle s'impose comme un allié stratégique pour fiabiliser les données et automatiser les processus. A condition de savoir conjuguer qualité des données, sécurité et contrôle humain.

Publié par Audrey Fréel le | mis à jour à
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L'IA au service de la conformité ESG
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Le reporting ESG s'est complexifié ces dernières années en raison de la multiplication des cadres et des standards. A l'instar de la CSRD en Europe ou encore du GRI (Global Reporting Initiative) à l'international. Complexes à mettre en oeuvre, ces réglementations évoluent en permanence. Résultat : les reportings ESG produits aujourd'hui pourraient ne plus être conformes demain. « Si les récentes simplifications réglementaires de la CSRD allègent la charge associée au reporting et offrent du temps aux entreprises, les prochaines révisions pourraient de nouveau changer la donne. Il est important de maintenir un effort de veille réglementaire », pointe Philippe Gibert, directeur EPM et ESG chez MeltOne, société de conseil en management et en système d'information.

Automatiser et produire des rapports

Dans ce contexte, l'intelligence artificielle (IA) apparaît comme un outil essentiel pour simplifier la mise en conformité. Certains outils de reporting ESG intègrent déjà des fonctionnalités d'intelligence artificielle embarquée dans les processus de collecte, de traitement et de contrôle des données. « Par exemple, il serait incohérent de déclarer une réduction d'émission de CO2 tout en déclarant une hausse des consommations d'énergie fossile. L'IA est capable de mettre en évidence de telles incohérences et de vous suggérer de corriger ou de justifier les déclarations », illustre Philippe Gibert. L'IA peut également suivre l'évolution des KPI, produire des rapports réglementaires ou encore générer des synthèses à partir d'un grand volume de données. « L'IA apporte une valeur ajoutée sur le traitement des données qualitatives. Elle permet, par exemple, de répondre plus efficacement aux exigences de reporting basées sur des informations qualitatives, comme c'est le cas avec la directive CSRD, qui impose aujourd'hui la déclaration de centaines d'indicateurs », détaille Yannick Chaze, co-fondateur et Chief Technology Officer de Sweep, une entreprise qui développe une plateforme gérant les données durables des entreprises.

Des données fiables et sécurisées

Pour autant, la performance de l'IA dépend de la qualité des données fournies. « Si les données ne sont pas suffisamment précises et granulaires, l'outil d'IA risque de produire un reporting biaisé ou approximatif », met en garde Yannick Chaze. Plus l'IA a accès à des données de qualité, plus les analyses et les rapports générés seront pertinents. L'expert rappelle également un principe clé. « L'IA reste un outil, au service de l'humain. La responsabilité finale des informations communiquées, notamment dans un cadre réglementaire, doit toujours revenir à l'utilisateur », souligne-t-il. Autre enjeu majeur : la sécurité des données. Le reporting ESG implique la manipulation de volumes importants de données, parfois sensibles, notamment dans les volets sociaux et RH. L'utilisation d'outils d'IA générative, comme ChatGPT ou Microsoft Copilot, peut présenter des risques en matière de confidentialité. Un enjeu d'autant plus important que l'usage de ces technologies progresse à grande vitesse. Selon le dernier baromètre Talan/ Ifop, le taux d'adoption a progressé de plus de 40 %, atteignant 45 % d'utilisateurs réguliers cette année en France. 86 % des Français ont entendu parler des IA génératives, et 43 % des utilisateurs de cette technologie l'emploie dans un cadre professionnel. La sécurité des données est donc une question centrale, à anticiper dès le démarrage du projet. « Il est important d'être outillé en conséquence et de sécuriser les données sensibles dans des structures dédiées et limitées en droits d'accès », estime Philippe Gibert.

S'y retrouver dans la jungle d'outils

Face à une offre foisonnante de solutions dédiées au reporting ESG, il peut être difficile pour les entreprises de faire un choix éclairé. « Le premier réflexe à avoir est de bien définir le périmètre fonctionnel attendu de la solution », conseille Philippe Gibert. Il peut s'agir, par exemple, d'un outil uniquement destiné au reporting réglementaire ou d'une solution plus globale. « Il faut aussi juger le niveau d'intégration de la solution avec les systèmes existants comme les ERP, les EPM ou les outils de data visualisation », indique Philippe Gibert. Enfin, l'expert recommande aussi d'être vigilant vis-à-vis des solutions « bon marché ». Leur coût d'entrée peut cacher un niveau d'intégration limité et des coûts d'implémentation bien plus élevés à long terme.


L'État s'appuie sur une IA pour accélérer la mise en conformité RSE des entreprises

Pour aider les entreprises à se conformer plus efficacement aux obligations européennes en matière de durabilité, l'État a déployé le portail RSE. Cet outil permet aux entreprises de mieux comprendre et piloter leurs obligations, notamment celles liées à la directive européenne CSRD et aux normes ESRS (European Sustainability Reporting Standards). Celui-ci a été récemment enrichi par une intelligence artificielle, capable d'analyser les documents ESG des entreprises. Elle permet d'identifier automatiquement, au sein des documents existants de l'entreprise, les éléments pertinents en lien avec les thématiques de durabilité. « Cela permet un gain de temps considérable et une réduction des charges administratives pour les entreprises, notamment les plus petites, qui ne disposent pas toujours de ressources internes pour effectuer ces analyses manuellement », souligne un représentant de la direction générale des entreprises (DGE). D'un point de vue technique, l'Etat a choisi de s'appuyer sur le modèle français pré-entraîné CamemBERT (basé sur Roberta), qui a été ajusté pour répondre aux besoins du portail RSE. « Ce modèle encode les phrases extraites des documents PDF, puis les classe dans les différentes catégories des normes ESRS (environnement, social, gouvernance) », précise le porte-parole de la DGE.

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