Santé mentale au travail : managers, prenez soin de vos équipes !
Épuisement, dépression, maladies psychosomatiques..., la santé mentale liée à l'environnement professionnel continue de se détériorer. Le dernier baromètre du cabinet Empreinte humaine dévoile une situation préoccupante qui devrait alerter les managers.

7 salariés sur les 10 qui se déclarent en « détresse psychologique » l'attribuent au travail. Derrière ce chiffre, des maux : maladies psychologiques (anxiété), épuisement, maladies psychosomatiques (tension, hypertension artérielle), troubles addictifs. Le 14e baromètre sur la santé mentale des salariés français du cabinet Empreinte humaine, spécialisé dans la qualité de vie au travail et la prévention des risques psychosociaux, met en lumière des fragilités importantes, mais qui se stabilisent. « La question de la santé mentale en tant que telle a vraiment émergé après le Covid, quand on a commencé à en percevoir les effets à grande échelle sur la population - que ce soit chez les jeunes, les seniors ou les salariés », rappelle Christophe N'Guyen, psychologue du travail et fondateur d'Empreinte humaine. En effet, l'enquête rapporte que près de 45 % des employés se déclarent en situation de détresse psychologique, soit une augmentation de 3 points par rapport à juillet 2024. Parmi eux, 13 % font état d'une détresse psychologique élevée, bien que ce chiffre soit en légère diminution de 2 points par rapport à l'année précédente.
Inmpact des conditions de travail
Une proportion de 70 % de salariés qui se disent en détresse psychologique l'attribuent directement à leur environnement professionnel. Cette corrélation souligne l'importance des conditions de travail sur le bien-être mental des employés. Cette détresse psychologique regroupe à la fois des symptômes d'épuisement professionnel et de dépression. « Lorsqu'elle n'est pas prise en charge, elle peut conduire à des troubles de santé plus sévères, tels que des maladies psychosomatiques, de l'hypertension, des troubles anxieux, une dépression majeure, ou encore des comportements addictifs. Ce constat met en évidence une réalité préoccupante, révélant la vulnérabilité persistante de la santé mentale au travail », décrypte Christophe N'Guyen.
Des salariésparticulièrement vulnérables
Certaines catégories de salariés sont plus affectées que d'autres. Les femmes et les jeunes figurent parmi les plus touchés par la détresse psychologique, avec un pic pour les 18 à 28 ans, dont le niveau de détresse psychologique atteint 28 %. Les télétravailleurs à temps plein sont également concernés, avec un taux de 26 %. « Depuis cinq ans,
la santé mentale des salariés reste très dégradée. Il y a eu un point de bascule évident avec la crise du Covid, qui a profondément bouleversé notre rapport au travail, dans un contexte devenu beaucoup plus instable, complexe et anxiogène : entre crises sanitaires, géopolitiques, économiques... cette accumulation fragilise durablement les individus », indique-t-il.
Un taux de burn-out stable mais préoccupant
Le baromètre révèle également qu'un bon tiers des salariés sont « en risque de burn-out », un chiffre stable par rapport à l'année précédente. Parmi eux, 10 % sont en situation de burn-out sévère, 1 point de moins qu'en 2024. « De nouvelles attentes ont émergé chez les jeunes générations, qui restent fortement marquées par le confinement. Ce sont elles aujourd'hui les plus touchées par les troubles psychiques, avec un niveau d'absentéisme inédit lié à des causes mentales », précise le psychologue. Un vrai décalage existe entre ce que les salariés attendent du travail et ce qu'il leur apporte réellement. « On leur demande toujours plus, avec moins de moyens, dans des environnements épuisants. Résultat : on a trois fois plus de cas de burn-out sévères qu'avant la crise sanitaire. Ce sont des millions de personnes en souffrance, et c'est principalement lié au travail », analyse-t-il.
L'étude souligne que les causes principales résident dans les conditions de travail elles-mêmes, bien plus que dans les facteurs exogènes comme l'instabilité mondiale. « Toutefois, certains événements internationaux, comme le retour de figures politiques polarisantes, peuvent indirectement affecter la santé mentale en favorisant un climat de travail plus intolérant (sexisme, racisme...). Ce sont donc les répercussions concrètes de ces contextes sur le quotidien professionnel qui doivent être prises en compte », souligne Christophe N'Guyen.
Les Daf, une fonction sous pression
Les conditions de travail des directions financières d'entreprise sont en train d'évoluer rapidement avec l'arrivée des outils d'IA. « Le vrai sujet, ce n'est pas tant la technologie elle-même que la manière dont on l'intègre au quotidien de travail. J'ai vu des outils comme SAP qui, dans certains contextes, fonctionnent très bien et, dans d'autres, créent du stress, voire du burn-out, parce qu'ils réduisent l'autonomie des équipes et augmentent la pression », précise Christophe N'Guyen.
La fonction de Daf arrive en bout de chaîne, très dépendante des données produites en amont. Les outils technologiques peuvent fiabiliser, améliorer la qualité, apporter plus d'efficacité et de sérénité. « Mais aujourd'hui, je ne suis pas sûr qu'on mette en place l'IA en pensant vraiment au bien-être des Daf. On ne le fait pas dans ce sens-là, et pourtant, on devrait. Le bien-être, c'est avoir le temps d'effectuer un travail de qualité, de fond, avec du sens. C'est au coeur des valeurs des professionnels de la finance : la rigueur, la fiabilité, la maîtrise de la donnée », analyse l'expert. Pour lui, il serait plus judicieux d'impliquer les Daf « dans la mise en place des outils, écouter ce qu'ils ont à dire sur la faisabilité, la qualité, la valeur ajoutée. L'IA ne remplacera jamais la réflexion, la décision, la stratégie. Elle peut aider, structurer, automatiser ce qui est répétitif et c'est tant mieux, parce que faire évoluer les métiers vers plus d'analyse et de valeur, c'est aussi valoriser les compétences ».
La nécessité d'une action managériale renforcée
Le rôle des managers est déterminant dans la prévention de la détresse psychologique. Selon l'étude, 67 % des salariés estiment que leur manager prend en compte leur bien-être lors de la fixation des objectifs. De plus, 53 % des managers organisent des temps d'échange spécifiques sur la santé mentale, reflétant une prise de conscience croissante de l'importance de ces enjeux au sein des directions. « L'indicateur le plus puissant en matière de santé mentale au travail, ce n'est pas simplement de savoir si les gens aiment leur entreprise ou s'ils s'y sentent bien, mais plutôt s'ils sont fiers de ce qu'ils font, et de bien faire leur métier selon les règles de l'art », ajoute-t-il. Managers, quand les salariés ont ce sentiment d'efficacité, de compétence, qu'ils se reconnaissent dans ce qu'ils font et qu'ils y trouvent du sens, leur santé mentale est bien meilleure. « C'est le bon compromis entre performance de l'entreprise et santé mentale des équipes. Tout le monde y gagne », conclut-il.
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