PME exposées à l'international : 6 stratégies pour tenir le choc
Dans cette tribune exclusive, Ivo Mertens, Chief Revenue Officer chez iBanFirst revient sur six enjeux clés pour optimiser la gestion des PME qui subissent les incertitudes géopolitiques et faire les bons choix ? Découvrez 6 conseils concrets aux PME pour les aider à garder le cap et à sécuriser leurs marges.

1. Sécuriser sa chaîne d'approvisionnement
Les tensions commerciales, combinées à la fragilité croissante de certains fournisseurs - notamment en Chine - imposent aux PME de renforcer la résilience de leur chaîne d'approvisionnement. Pour y parvenir, plusieurs leviers concrets peuvent être actionnés.
D'abord, il est conseillé aux PME de privilégier des contrats plus courts, assortis d'options de renouvellement flexibles, afin de pouvoir réagir rapidement en cas de dégradation de la situation d'un partenaire. La constitution d'un stock de sécurité permet également de faire face aux interruptions potentielles de production ou de livraison. Il est également essentiel d'élaborer des plans de continuité, incluant par exemple le recours à des transporteurs alternatifs, pour anticiper toute perturbation logistique.
Mais la vigilance ne doit pas s'arrêter aux fournisseurs : les clients eux aussi pourraient subir un effet boule de neige, dans un contexte de ralentissement économique mondial (-0,3 % de croissance aux États-Unis au T1 2025, +0,4 % en zone euro). Pour préserver leur trésorerie, les PME ont intérêt à renégocier les conditions de paiement, recourir à des solutions d'affacturage, ou encore demander des paiements anticipés partiels afin de limiter les risques d'impayés.
2. Délocalisation sous tension : prudence dans les choix asiatiques
Malgré la suspension temporaire de certains droits de douane, l'Asie, et la Chine en particulier, reste un espace sous haute tension commerciale.
Dans ce contexte, l'idée de délocaliser sa production vers d'autres pays asiatiques moins sujets que la Chine aux revirements de l'administration Trump - Vietnam, Indonésie - peut apparaître séduisante. Mais attention : cette stratégie de contournement est bien connue des administrations douanières et ne garantit en rien une protection durable. Ainsi, lors du « Liberation day », le Vietnam s'était vu infliger plus de 45% de droits de douane, toujours en négociation. À moyen terme, c'est donc l'ensemble de la région qui pourrait être rattrapé par de nouvelles mesures commerciales restrictives.
La tension commerciale en Asie constitue par ailleurs une menace pour de nombreuses PME et importateurs européens. En effet, de nouveaux acteurs comme Temu ou Shein bousculent les circuits traditionnels en Europe avec un modèle direct au consommateur (D2C) ultra-compétitif, menaçant directement les marges des importateurs classiques. Et les possibles droits de douane sur les « mini-colis » en discussion dans l'UE, n'empêcheront pas la concurrence frontale que ces nouveaux entrants font peser. Renforcer la veille concurrentielle, notamment sur les marketplaces, où les nouveaux entrants asiatiques imposent des logiques de prix et de volumes redoutables, s'impose donc en priorité numéro 1 pour les PME européennes opérant en ligne.
3. Miser sur le marché européen, refuge de stabilité
Alors que le PIB des États-Unis recule, se rediriger vers le marché local peut constituer un repli tactique utile. L'Union Européenne représente une alternative solide avec de robustes fondamentaux. Croissance modérée mais résiliente, pouvoir d'achat élevé et politiques industrielles ambitieuses (comme le Green Deal Industrial Plan) en font un terrain d'expansion stratégique. Par ailleurs, des relais d'accompagnement comme le réseau EEN, les chambres de commerce bilatérales ou les agences nationales (Business France, GTAI...) peuvent faire toute la différence. Un choix pertinent également en raison de la stabilité fiscale et réglementaire offerte au sein d'une zone euro moins soumise aux soubresauts politiques comme c'est le cas actuellement aux États-Unis.
4. Droits de douane : assembler aux États-Unis ?
Pour les PME présentes aux États-Unis, assembler localement permet de bénéficier d'une origine « made in USA » plus favorable sur le plan douanier. En effet, un bien est généralement considéré comme importé lorsqu'il est assemblé dans un autre pays, peu importe la provenance des pièces. En procédant ainsi sur le sol américain, il est possible de qualifier le bien de « produit américain » et bénéficier d'un tarif douanier plus favorable, voire d'une exonération, selon les circonstances. Pour une opération réussie, les PME ont intérêt à importer uniquement les pièces nécessaires, en veillant à respecter les réglementations lors de l'assemblage. Ce repositionnement tactique suppose une excellente maîtrise du processus de production et de la réglementation douanière locale, mais peut offrir un avantage compétitif important.
5. Repenser son offre face à un consommateur américain sous tension
L'OCDE a réduit ses prévisions de croissance pour les États-Unis. Elle table sur une progression de 2,2% en 2025, contre 2,8% en 2024. Des chiffres qui pourraient encore être réévalués à la baisse.
Une croissance en berne combinée à une hausse de l'inflation signifie un lourd impact sur le pouvoir d'achat des Américains et nécessitera des arbitrages. En raison de l'inflation, le consommateur américain devra s'attendre à une augmentation des prix de 3%, 4%, voire 5%, réduisant d'autant sa capacité d'achat. Priorité donc aux produits essentiels. Les produits « premium » ou à forte valeur ajoutée européenne sont sous pression. Il devient crucial de retravailler ses gammes et sa politique tarifaire pour rester pertinent sans sacrifier ses marges.
6. Verrouiller son exposition au risque de change
Depuis le début d'année 2025, les marchés monétaires connaissent une très forte volatilité. Par exemple, l'euro s'est apprécié de près de 10% versus le dollar. Ces fortes variations constituent en réalité à la fois des menaces pour les marges et des opportunités nouvelles pour les entreprises exposées.
Car la volatilité des devises n'est pas une fatalité. C'est même un levier de compétitivité pour les PME bien outillées. Avoir accès à des comptes multi-devises, savoir quand et comment payer, utiliser des contrats à terme (classiques, flexibles, dynamiques) permet de préserver sa marge. La gestion du change devient un outil stratégique au service de la performance.
Dans un contexte mondial extrêmement complexe, les PME doivent plus que jamais adopter une approche proactive et agile. Qu'il s'agisse de sécuriser leurs approvisionnements, d'optimiser leur stratégie de change ou de recentrer leur développement sur des marchés plus stables, leur résilience dépendra de leur capacité à anticiper, à s'adapter... et à décider vite.
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