Covid-19 : Rappel des mesures fiscales d'accompagnement des entreprises
Dans le cadre de la crise sanitaire liée au Covid-19, des mesures fiscales exceptionnelles ont été prises ces dernières semaines pour soutenir les entreprises qui rencontrent des difficultés et pour assurer la trésorerie des entreprises françaises.
Dans le cadre de la crise sanitaire liée au Covid-19, des mesures fiscales exceptionnelles ont été prises ces dernières semaines pour soutenir les entreprises qui rencontrent des difficultés, notamment au regard de leur trésorerie. Suite aux différentes annonces du gouvernement, la Direction Générale des Finances Publiques (DGFiP) a apporté des précisions concernant les mesures d'accompagnement des sociétés et des indépendants durant la période de l'état d'urgence sanitaire. Les récentes ordonnances du 26 mars 2020 nous permettent de faire un rappel de ces mesures exceptionnelles.
Quand déclarer ses résultats en 2020 ?
L'article 10 II de l'ordonnance du 25 mars 2020 exclut le report des déclarations d'impôts servant à l'assiette, à la liquidation et au recouvrement des impôts et taxes. Le rapport au Président de la République précise qu'il s'agit de " préserver le recouvrement des recettes publiques nécessaires au fonctionnement des services publics et au soutien de l'économie ".
Pour tenir compte du ralentissement de l'économie, des mesures de report ont été mises en place. Ainsi, toute entreprise a la possibilité de solliciter un étalement ou un report de ses échéances d'impôts directs: les acomptes d'IS, de la taxe sur les salaires ... Les contrats de mensualisation du paiement de la contribution foncière des entreprises (CFE) et de la taxe foncière peuvent également être suspendus sur demande du contribuable.
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Les reports sont accordés pour un délai de trois mois sans aucune pénalité et sans aucun justificatif sous réserve néanmoins d'adresser un formulaire prévu à cet effet au Service des Impôts des Entreprises (SIE) dont relève le contribuable.
Pour les échéances de mars qui auraient déjà été réglées (notamment l'IS dont le premier acompte était dû au 15 mars), une demande de remboursement peut être déposée auprès du SIE compétent.
Des mesures similaires sont prévues pour les indépendants. Le taux et les acomptes de prélèvement à la source peuvent être ajustés et le paiement des acomptes mensuels peut être reporté jusqu'à trois fois.
Un formulaire spécifique - Difficultés liées au Coronavirus - Covid 19 Demande de délai de paiement et/ou de remise d'impôt - a été publié afin de faciliter les démarches des entreprises.
Le cas particulier des entreprises en difficultés
Par ailleurs, la Commission des chefs de services financiers (CCSF) peut accorder, aux entreprises qui rencontrent des difficultés financières particulières, des délais de paiement pour s'acquitter de leurs dettes fiscales et sociales (part patronale). A la différence du régime de report sans justification, un dossier exposant la situation financière de l'entreprise doit être déposé auprès de la CCSF dans le ressort de laquelle se situe son siège social, ou son principal établissement.
Ce dossier, très détaillé sur l'état financier de l'entreprise, doit notamment comporter : un imprimé type à remplir et les pièces suivantes à joindre : une attestation justifiant des difficultés financières, une attestation sur l'honneur justifiant le paiement des parts salariales des cotisations sociales, les trois derniers bilans, un prévisionnel de chiffre d'affaires Hors Taxe et de trésorerie pour les prochains mois, l'état de trésorerie et le montant du chiffre d'affaires hors taxe depuis le 1er janvier 2020, et l'état détaillé des dettes fiscales et sociales. Un dossier simplifié est prévu pour les entreprises de moins de 9 salariés et dont le chiffre d'affaires est inférieur à 2 M€.
Cette procédure, bien que plus complexe, vise non seulement les impôts et les taxes, mais également les cotisations sociales aux régimes obligatoires de base exigibles - à l'exclusion des parts salariales et du prélèvement à la source.
D'un point de vue pratique, la CCSF peut être saisi par le débiteur, commerçant, artisan, agriculteur, personne physique exerçant une activité professionnelle indépendante et personne morale de droit privé (sociétés, associations) ou son mandataire, à condition d'être à jour du dépôt de ses déclarations fiscales et sociales et du paiement des cotisations et contributions salariales, ainsi que du prélèvement à la source et de ne pas avoir été condamné pour travail dissimulé.
Dans le cadre de situations exceptionnelles, il est possible de solliciter une remise d'impôt dont l'octroi sera soumis à un examen individualisé de la situation de la société. Ce rabais peut concerner par exemple l'impôt sur les sociétés ou la contribution économique territoriale.
Qu'en est-il des crédits d'impôts restituables ?
La DGFiP a demandé une accélération des remboursements des crédits d'impôts restituables arrivés à échéance. Les entreprises pourront obtenir le remboursement du solde des crédits d'impôts restituables en 2020, après imputation de l'IS dû (au titre de l'exercice 2019), et ce avant même le dépôt de la déclaration de résultats (à déposer au mois de mai 2020 pour les exercices clos au 31 décembre 2019). Ce remboursement est également possible pour les entreprises dont le remboursement de crédit d'impôt arrive à échéance cette année, c'est à dire ceux calculés à raison des dépenses exposées en 2016. En revanche, il n'est pas prévu de versement anticipé des sommes dont l'échéance de remboursement se situe en 2021 ou 2022.
Sont notamment concernés le crédit d'impôt compétitivité et emploi (CICE), le crédit d'impôt recherche (CIR) (uniquement pour la partie arrivant à échéance cette année) ainsi que des crédits d'impôts pour le monde artistique. Les crédits de TVA feront également l'objet d'un remboursement accéléré par l'Administration fiscale.
Pour ce faire, le contribuable devra compléter le formulaire de demande de remboursementde crédit d'impôt en ligne (formulaire n° 2573) ainsi que le formulaire attestant de l'existence de ce crédit d'impôt (formulaire 2069-RCI ou déclaration spécifique).
En l'absence de déclaration de résultats, il conviendra de compléter le formulaire n° 2572 de relevé du solde de l'impôt sur les sociétés pour permettre sa liquidation.
Ce qui ne change pas
Pour la TVA en revanche, aucun assouplissement n'est prévu, les paiement mensuels ou trimestriels doivent toujours avoir lieu à la date prévue. Il existe ainsi des situations où cet impôt est dû avant d'avoir été collecté auprès des clients. Dans ces cas, la trésorerie des entreprises sera malheureusement mise à contribution.
Il est à noter également qu'aucune mesure ne vient modifier le prélèvement à la sourcesur les salaires. Dans la mesure où il est prélevé sur les salaires dus aux employés, il est présumé n'entraîner aucune charge supplémentaire pour l'employeur.
Quid des contrôles fiscaux, en cours et à venir ?
Des précisions importantes étaient attendues en matière de contrôles fiscaux, la DGFiP vient d'annoncer qu'aucune nouvelle procédure ne devrait être lancée durant cette crise, sauf décision de l'autorité administrative l'y autorisant.
Bien qu'en pratique la plupart des contrôles en cours étaient déjà suspendus, ce point a également été confirmé.
S'agissant des avis de mise en recouvrement déjà reçus, l'article 11 de l'ordonnance 2020-306 prévoit que les délais applicables en matière de recouvrement et de contestation des créances publiques sont suspendus pendant la durée de l'état d'urgence sanitaire, augmentée de 3 mois.
Enfin, les délais de prescription du droit de reprise de l'Administration fiscale qui arriveront à terme le 31 décembre 2020 seront eux aussi suspendus pour une durée égale à la période comprise entre le 12 mars 2020 et un mois après la fin de l'état d'urgence sanitaire. Pour l'heure, l'état d'urgence sanitaire a été prononcé pour une période de 2 mois, à compter du 24 mars 2020 (soit a minima 3 mois de suspension). L'Administration fiscale aurait la possibilité de réaliser un contrôle relatif à un exercice clôt le 31 décembre 2017 a minima jusqu'au 31 mars 2021 (au lieu du 31 décembre 2020 normalement). Les durées exactes de suspension des délais seront encore à préciser en fonction de la durée de l'état d'urgence sanitaire notamment.
Quid des autres délais fiscaux ?
La prorogation de ces délais semble concerner l'intégralité des délais fiscaux, comme par exemple les options pour le paiement de l'impôt sur les sociétés ou l'option pour l'intégration fiscale (Article 2 de l'ordonnance 2020-306 du 26 mars 2020).
Cette prorogation, qui couvre explicitement les procédures de rescrits, court pour la période comprise entre le 12 mars 2020 et l'expiration d'un délai d'un mois à compter de la fin de l'état d'urgence sanitaire. Une suspension équivalente est mise en place pour le délai de reprise, de contrôle et de rescrit prévus par le Code des douanes.
Le fonds de solidarité, pour quoi et pour qui ?
L'Administration fiscale le définit comme " l'une des traductions de la solidarité nationale ". Afin de compléter les mesures annoncées ci-avant, un fonds de solidarité a été mis en place par l'Etat.
A ce stade, ce fonds est destiné aux petites entreprises en difficultés remplissant les conditions suivantes : entreprises indépendantes employant moins de dix salariés et dont le chiffre d'affaires en 2019 représente moins d'un million d'euros. Par ailleurs, seules pourront bénéficier de ce fonds les entreprises fermées administrativement ou qui appartiennent à un secteur très touché (restauration, hébergement, activités sportives ou culturelles notamment). Enfin, elles devront avoir subi une perte de chiffre d'affaires de plus de 70% par rapport à la période du 21 février au 31 mars 2019 pour bénéficier d'une prime qui doit les aider à pallier leurs difficultés financières.
L'Administration fiscale estime que ce dispositif devrait viser qu'environ 400.000 entreprises.
En cas d'éligibilité, les contribuables bénéficieront d'une prime de 1.500€ dès 1.500€ de perte de chiffre d'affaires et du montant du chiffre d'affaires perdu si le montant est inférieur à 1.500€.
Ce fonds, alimenté par l'État et les Régions, sera mis en place par la loi et devrait être opérationnel à compter de début avril.
Ces mesures juridiques et fiscales qui viennent d'être annoncées par le Gouvernement pour contrer les effets économiques du Covid-19 et du confinement sur l'économie française pourraient être encore complétées ou modifiées. Il n'en demeure pas moins que leur mise en place appelle maintenant la DGFiP à faire preuve de réactivité et de clarté dans ses commentaires pour une bonne application de ces mesures exceptionnelles.
Pour en savoir plus
Aurélia Froissart est avocat au sein du cabinet Rödl & Partner. Spécialiste en droit fiscal des entreprises et des particuliers. Ses missions principales consistent à conseiller et accompagner les entreprises tant nationales qu'internationales dans les projets suivants : assistance aux opérations de restructuration (fusions, apports partiels d'actifs...) et dans le cadre d'acquisitions d'entreprises (réalisation d'audits d'acquisition, structuration de l'opération...) ; planification fiscale ; gestion des flux financiers transfrontaliers, notamment au regard de la TVA intracommunautaire ; assistance à contrôle fiscal ; analyse et documentation des prix de transfert ; gestion des aspects déclaratifs IS, TVA, DEB, DES ...
Marcus Schmidbauer est avocat au sein du cabinet Rödl & Partner en droit fiscal. Ses domaines d'intervention incluent la stratégie fiscale domestique et internationale et les fusions et acquisitions. Il assiste ses clients dans le cadre de leur gestion patrimoniale et successorale dans des situations transfrontalières parfois complexes (gestion nationale et internationale de patrimoine, transmission de patrimoine, organismes à but non lucratif, impôt sur le revenu et ISF). Il conseille ses clients notamment en matière de trusts ou en cas de litige avec l'administration fiscale ou devant les tribunaux administratifs.
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