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La fiscalité au secours de la trésorerie des entreprises en conciliation

Dans la perspective de la fin des aides d'Etat et afin de soutenir la trésorerie des entreprises en conciliation, le législateur a prévu deux dispositifs fiscaux particuliers : la déduction systématique des abandons de créances commerciaux et le remboursement anticipé des créances de carry back.

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La fiscalité au secours de la trésorerie des entreprises en conciliation

Ayant pour objectif d'anticiper la reprise, le ministre du Budget et le garde des Sceaux ont présenté le 1er juin 2021 un plan d'accompagnement des entreprises.

Ce plan d'action privilégiant la prévention, prévoit entre autres, de rendre la procédure de conciliation plus attractive pour les entreprises qui éprouvent une difficulté juridique économique ou financière, avérée ou prévisible et qui ne se trouvent pas en cessation des paiements depuis plus de 45 jours1.

Ces mesures vont de pair avec celles de la loi de finances pour 20212 qui permettent une déduction systématique des abandons de créances commerciaux consentis dans le cadre d'une conciliation et un remboursement anticipé des créances de carry back des entreprises en conciliation.

1) La déduction systématique des abandons de créance commerciaux consentis en faveur de débiteurs en conciliation

Présente un caractère commercial l'abandon d'une créance trouvant son origine dans des relations commerciales entre deux entreprises et consenti soit pour maintenir des débouchés, soit pour préserver des sources d'approvisionnement.

La déduction de ces aides est en principe subordonnée à la condition qu'elles relèvent d'une gestion normale. Elles doivent être effectuées dans l'intérêt de l'entreprise qui les accorde et comporter pour elle, une contrepartie équivalente.

Par exception, il a été prévu dans un premier temps que les abandons de créance à caractère commercial étaient déductibles de plein droit lorsqu'ils étaient consentis ou supportés en faveur d'un débiteur faisant l'objet d'un plan de sauvegarde ou d'un plan de redressement.

Compte tenu du contexte de tension économique actuel, afin d'encourager la mise en oeuvre des procédures de prévention et d'améliorer la situation financière des entreprises, la loi fiscale3 permet aujourd'hui la déduction sans condition, des abandons de créance à caractère commercial consentis en application d'un accord de conciliation constaté ou homologué. Les abandons de créances à caractère commercial consentis à une entreprise en conciliation mais ne faisant pas l'objet d'un accord constaté ou homologué sont exclus.

Cette mesure destinée à la relance de l'activité s'applique aux abandons de créance consentis à compter du 1er janvier 2021. Cette disposition fiscale favorable d'aide interentreprises constitue donc un levier pour les entreprises débitrices, visant à améliorer leur trésorerie.

Par ailleurs, elle encourage les créanciers à abandonner leurs créances plus facilement au profit des entreprises faisant l'objet d'une procédure de conciliation dans la mesure où ils n'ont plus à justifier a posteriori, en cas de contrôle, du caractère normal et commercial de l'abandon de créance.

La condition que l'entreprise créancière ait agi dans son propre intérêt n'étant plus requise dans le cas d'un abandon de créance à caractère commercial à une entreprise en conciliation, les créanciers minoritaires pourront déduire la perte résultant de l'abandon de créance décidé par la majorité des créanciers.

Toujours pour accompagner les entreprises dans une phase de transition et pour favoriser la prévention des difficultés, la loi fiscale prévoit le remboursement anticipé des créances de carry-back des entreprises faisant l'objet d'une procédure de conciliation.

2) Le remboursement anticipé des créances de carry-back des entreprises en conciliation

Le carry-back permet aux entreprises soumises à l'impôt sur les sociétés d'opter pour le report en arrière du déficit constaté à la clôture d'un exercice, dans la limite d'un plafond de 1 000 000 €, sur le bénéfice de l'exercice précédent. Cette imputation fait naître une créance sur le Trésor correspondant à l'excédent d'impôt sur les sociétés antérieurement versé. Cette créance est remboursable à l'issue d'une période de 5 ans ou imputable sur l'impôt sur les sociétés à payer pendant la même période4.

Dans un premier temps, un régime favorable aux entreprises qui faisait l'objet d'une procédure de sauvegarde, d'un redressement ou d'une liquidation judiciaire, prévoyait que le délai de remboursement de la créance pouvait être réduit. Encore une fois, pour améliorer la situation financière des entreprises alourdie par les dettes, le législateur a étendu cette faculté de remboursement anticipé aux entreprises faisant l'objet d'une procédure de conciliation.

Depuis la loi du 29 décembre 2020, les entreprises faisant l'objet d'une procédure de conciliation peuvent, à compter de la date de la décision d'ouverture de la procédure de conciliation, demander le remboursement immédiat de leurs créances non utilisées à cette date. Ce remboursement concerne aussi les créances nées pendant la période couverte par la procédure de conciliation5. Le montant de la créance remboursée sera alors diminué d'un intérêt au taux légal appliqué à la fraction de la créance non utilisée au moment de la demande. L'option pour le carry-back s'exerce dans le délai de dépôt de la déclaration de résultats. Cette disposition s'applique aux créances constatées à compter du 1er janvier 2021.

Cette mesure visant à permettre un remboursement immédiat de la créance dont l'entreprise en conciliation dispose sur le Trésor, implique donc dans le même temps, une amélioration significative de la trésorerie de l'entreprise et de ce fait, de son résultat comptable et de son bilan.

A titre d'exemple, une entreprise dont l'exercice comptable correspond à l'année civile, exerce en N+1 une option pour le report en arrière de son déficit au titre de l'exercice N. Le montant de la créance résultant de l'excédent d'impôt sur les sociétés qui découle du report en arrière de son déficit s'élève à 100 000 €. Les exercices N+1 et N+2 sont déficitaires, sans possibilité d'opter pour un report en arrière. Le 25 mai N+3, l'entreprise fait l'objet d'un jugement d'ouverture de procédure de redressement judiciaire. Le 2 juin N+3, le représentant légal de l'entreprise demande le remboursement anticipé de la créance au comptable public. Le taux de l'intérêt légal en N+3 s'élève par hypothèse à 0,79 %. Considérant, que le nombre de mois restant à courir entre le 1er juillet N+3 (premier jour du mois suivant le dépôt de la demande) jusqu'au 31 décembre N+5 est de 30. Le montant de la créance qui peut faire l'objet d'un remboursement anticipé est de : 100 000 - [100 000 x (0,79 % / 12) x 30] = 98 025 €.

Le montant de la créance qui pourra faire l'objet d'un remboursement anticipé le 2 juin N+3 s'élève donc à 98 025 €.

Dans un contexte de tension économique, ce dispositif vise en particulier les petites et moyennes entreprises et les entreprises de taille intermédiaire.


1- Article L611-4 Code de commerce

2- Loi du 29 décembre 2020 (n°2020-1721)

3- Article 39,1-8° Code général des impôts

4- Article 220 quinquies Code général des impôts

5- BOI-IS-DEF-20-20 n°140

L'auteur : Sarah Mincel est avocat au barreau de Paris et exerce en qualité de fiscaliste au sein du cabinet d'avocats de droit des affaires CAHN WILSON, dédié au traitement amiable ou judiciaire des difficultés des entreprises.

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