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Budget 2026 : Version 1.....

Dans cette tribune, Emmanuel Millard, Vice-Président Sorbonne Business School, Président national sortant de la DCFG, Secrétaire général Groupe ENDRIX réagit aux annonces du Premier ministre François Bayrou et partage son analyse sur la mise en oeuvre de certaines mesures.

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Budget 2026 : Version 1.....
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Hier, le Premier ministre François Bayrou a esquissé les contours du projet de budget 2026, avec des annonces qui se veulent à la fois ambitieuses et prudentes face à l'urgence absolue d'assainir les finances publiques. Alors, ce budget est-il réaliste et réalisable ?

Avec une dette publique élevée et un déficit à réduire significativement pour respecter les engagements européens (notamment revenir sous les 3% du PIB d'ici 2027), l'ambition affichée de maîtriser les dépenses est indéniablement réaliste dans son objectif. Cependant, la concrétisation de cet objectif pose question. Les annonces, telles que la suppression de deux jours fériés (8 mai et lundi de Pâques) et le gel complet des prestations sociales, pensions et barèmes fiscaux ("année blanche"), bien que potentiellement génératrices d'économies substantielles (estimées à 7 milliards d'euros pour l'année blanche), sont des mesures politiquement très sensibles et socialement clivantes.

La réduction de 3 000 postes dans la fonction publique, la contribution exceptionnelle des retraités aux revenus élevés et la hausse des impôts pour les foyers les plus riches constituent également des pistes d'économies réelles. Mais le réalisme de ces mesures dépendra de la capacité du gouvernement à les faire accepter par l'ensemble des parties prenantes et à les mettre en oeuvre sans provoquer de mouvements sociaux d'ampleur. La prévision d'un effort budgétaire de l'ordre de 40 milliards d'euros est colossale et nécessitera une discipline budgétaire sans faille et une adhésion politique forte.

La pertinence des mesures annoncées réside dans la volonté affichée du Premier ministre de s'attaquer aux dépenses structurelles et non plus seulement aux ajustements à la marge. Le gel des dépenses publiques, à l'exception notable de la dette et de la défense (avec une enveloppe de 3,5 milliards d'euros supplémentaires pour 2026, confirmée par le Président Macron), montre une priorisation claire. L'augmentation des budgets pour la transition écologique, l'éducation et la santé, tout en cherchant des économies ailleurs, est également plutôt positive pour des investissements d'avenir.

La lutte accrue contre la fraude sociale et fiscale et le renforcement des contrôles d'arrêts maladie visent des gisements d'économies importants et ciblent des dysfonctionnements reconnus. Ces mesures, si elles sont menées avec discernement, peuvent contribuer à une meilleure équité et efficience du système. Cependant, leur impact réel sur les recettes et les dépenses est souvent difficile à quantifier précisément et prend du temps à se matérialiser.

C'est probablement sur la faisabilité que le bât blesse. Les mesures annoncées, en particulier celles touchant directement le pouvoir d'achat ou le temps de travail (jours fériés), rencontreront à n'en pas douter une vive opposition. La suppression de jours fériés est une mesure forte, perçue par beaucoup comme une atteinte au modèle social français et aux acquis des travailleurs. Le gel des prestations sociales et des pensions (fameuse « année blanche »), même s'il est présenté comme temporaire, pourrait être difficilement accepté dans un contexte où l'inflation, même si elle a ralenti en 2024 (+2,3% après +5,7% en 2023), devrait être autour de 1,5% en 2025.

La réduction des postes dans la fonction publique, bien que modeste en proportion (3.000 postes), suscitera des tensions avec les syndicats. L'application d'une "contribution de solidarité" et la hausse des impôts pour les plus riches, si elles sont pertinentes en termes d'équité, devront être calibrées avec précision pour éviter un départ de capitaux ou une démotivation de l'investissement.

La capacité du gouvernement à obtenir le soutien de l'Élysée et à naviguer dans un parlement potentiellement fragmenté sera déterminante. Les débats s'annoncent particulièrement périlleux, comme l'ont été ceux du budget 2025. Le succès de ce projet de budget dépendra en grande partie de la capacité du Premier ministre à convaincre de la nécessité de ces mesures et à rallier une majorité autour de sa vision, tout en gérant les inévitables contestations sociales.

Au final, les annonces de François Bayrou pour le budget 2026 sont réalistes dans l'affirmation d'une impérieuse nécessité de redresser les comptes publics. Elles sont plutôt pertinentes dans leur volonté de s'attaquer à des dépenses structurelles et de privilégier des investissements d'avenir. Cependant, leur faisabilité reste le défi majeur, nécessitant du sens et du courage politique mais aussi une capacité à surmonter les résistances sociales et parlementaires pour transformer ce projet en réalité budgétaire.

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