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Restructurer sa dette financière dans un cadre amiable

La restructuration de la dette financière peut revêtir un enjeu majeur pour la pérennité de l'exploitation, et les modalités de restructuration diffèrent selon le degré des difficultés financières de l'entreprise.

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Restructurer sa dette financière dans un cadre amiable
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Pour être efficace, le traitement de la dette financière doit, de façon générale, être global et concerner toutes les lignes de crédits et les garanties associées : PGE, crédits seniors (moyen/long terme), dettes subordonnées (emprunts obligataires, etc.), crédits court terme, comptes courants ­d'asso­ciés et, de façon plus incidente, crédits-bails. La réglementation des PGE oblige d'ailleurs, en cas de restructuration de PGE, à traiter tous les concours bancaires.

En cas d'ouverture d'un mandat ad hoc ou d'une conciliation, il est d'usage de solliciter un standstill, c'est-à-dire une suspension provisoire de l'exigibilité des prêts, généralement pour la durée de la procédure de prévention. Les banques sollicitent le plus souvent un diagnostic financier de l'entreprise par un tiers expert (independant business review, ou IBR), afin d'établir une photographie de la situation à date, de déceler les périodes critiques d'impasse de trésorerie et les perspectives de rebond. C'est sur cette base que s'ouvrent les discussions.

Les remèdes au coût de la dette

Ils sont variables, selon les difficultés : renégociation de covenants, report des maturités, reprofilage de la dette bancaire (passage d'une dette in fine à une dette amortissable ou ­l'inverse, afin de se caler, par exemple, sur des cycles de trésorerie particuliers ou des événements de liquidités anticipés), conversion de créances bancaires en valeurs mobilières donnant accès au capital telles que des obligations remboursables en actions (assez rare en conciliation), réinjection de cash par les actionnaires ou des créanciers mezzaneurs ouvrant droit au privilège de new money si la conciliation est homologuée par le tribunal de commerce, cessions d'actifs ou de branches d'activités, etc.

La cession de l'exploitation à un repreneur (fond de retournement ou industriel) dans le cadre d'un adossement permet de faciliter le traitement de la dette financière, dans la mesure où le repreneur peut formuler les conditions qui s'imposent aux créanciers bancaires. Cela concerne principalement les activités pour lesquelles la confidentialité du mandat ad hoc ou de la conciliation est un atout majeur ; dans les autres cas, beaucoup de repreneurs préfèrent opérer dans le cadre d'un prepack-cession ou d'une procédure de redressement judiciaire classique, pour des raisons économiques.

Une attention particulière doit être portée aux PGE

La réglementation européenne sur les aides d'État oblige à ­opérer leur restructuration dans le cadre d'une procédure de prévention (conciliation) ou collective (sauvegarde, redressement judiciaire), faute de quoi, la garantie de l'État ne peut pas être maintenue. Par exception, pour les plus petites entreprises dont les PGE n'excèdent pas 50 000 € au global, le traitement des PGE peut être discuté sous l'égide du médiateur du crédit.

Un gel des échéances de PGE pour une période de 12 à 24 mois est usuellement obtenu, associé à un report de la maturité pour la même durée. En théorie, l'extension de la durée des PGE n'est pas limitée dans le temps. Toutefois, toute extension significative a nécessairement un impact sur le coût de la dette et est consentie en contrepartie d'effort de l'actionnaire et/ou des dirigeants (baisse de rémunération, par exemple).

Pour les entreprises faisant face à des difficultés importantes, des abandons de PGE peuvent être sollicités, sous réserve d'une équité de traitement avec les autres crédits bancaires. Les abandons sont généralement consentis dans le cadre d'une cession d'entreprise et sont octroyés au regard des efforts financiers consentis par les actionnaires historiques, voire la possibilité de stipuler une clause de retour à meilleure fortune.

Point important : la garantie de l'État couvre 90 % des montants abandonnés (et non pas 90 % de l'encours des PGE). L'arithmétique démontre que pour un effort de remboursement des banques de 10, l'entreprise doit mobiliser 100 de cash...

Par ailleurs, l'effet fiscal des abandons doit être pris en compte : l'abandon constitue un produit imposable pour l'entreprise bénéficiaire. Fort heureusement, les sociétés débitrices concernées ont la possibilité de déplafonner leurs déficits fiscaux reportables à hauteur des abandons consentis, afin d'éviter de payer de l'impôt et d'aggraver ainsi leur passif (!). Ceci vaut également pour les abandons de toutes créances (bancaires, comptes courants, commerciales, etc.).

En l'absence de déficits fiscaux reportables suffisants, une solution consiste à procéder à la cession des créances concernées à prix décoté au bénéfice de l'une des entités actionnaires de la débitrice, ou, le cas échéant, de la holding du dirigeant. Une telle cession peut être suivie, si besoin, d'une incorporation des créances cédées au capital social de la société débitrice, afin de reconstituer ses fonds propres, étant précisé que dans ce cas particulier, l'incorporation des créances acquises auprès de tiers (les banques, en l'occurrence) pourra bénéficier, au niveau de l'entité qui les a acquises à prix décoté, d'un régime fiscal de faveur permettant de neutraliser la plus-value technique réalisée par la société cessionnaire des créances lors de cette incorporation au capital social de la débitrice. Cette neutralisation est accessible dans le cadre d'une conciliation constatée ou homologuée.

Dernier point, l'ouverture d'une conciliation et la restruc­turation de la dette bancaire auront nécessairement un impact sur la cotation Banque de France et donc son crédit fournisseur... à moins que la situation délicate de l'entreprise n'ait déjà dégradé sa notation.

En conclusion, la difficulté d'un accord amiable avec les créanciers réside souvent dans l'atteinte d'un équilibre global entre les efforts consentis par les partenaires bancaires et ceux des actionnaires. Le mandat ad hoc et la conciliation ne permettent pas d'imposer d'abandons aux créanciers ; un traitement équitable des créanciers est donc également de mise. Tout cela conjugué, le chemin vers un accord amiable peut être difficile, raison pour laquelle dans certaines situations critiques, des entreprises préfèrent basculer en procédure collective (sauvegarde ou redressement judiciaire) afin de contraindre les partenaires bancaires à plus d'efforts, d'autant que les procédures amiables ont un coût (mandataire ad hoc/conciliateur, IBR, conseils juridiques et financiers, frais bancaires, etc.). Ce choix doit néanmoins être pesé, compte tenu de la publicité des procédures collectives et de leur impact sur l'exploitation. -

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