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Le Daf et la direction commerciale et marketing : prendre des risques mesurés

Les problématiques de la direction marketing et commerciale semblent loin des préoccupations des Daf. Pourtant, c'est grâce à elle que la clientèle augmente et, avec elle, le chiffre d'affaires de l'entreprise ! Direction commerciale et direction financière ont donc tout intérêt à bien collaborer.

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Le Daf et la direction commerciale et marketing : prendre des risques mesurés
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Au sein des entreprises, les deux directions considérées comme les plus stratégiques sont bien souvent la direction financière et la direction commerciale. Il est donc inimaginable qu'elles ne collaborent pas. D'autant plus que la Daf peut aider la direction commerciale et marketing à être plus performante. Notamment sur la question des risques : en collaborant, financiers et commerciaux arrivent à déterminer le risque optimal qui permet de sécuriser l'entreprise tout en développant le business.

La collaboration entre les équipes marketing et commerciales et la Daf commence très en amont, lors de la détermination des projets. La direction financière doit en effet aider à arbitrer entre les différents projets envisagés. En bon "business partner" , le Daf ne doit pas se limiter à une analyse financière des projets mais doit les considérer dans leur ensemble. "Les directeurs commerciaux attendent un véritable soutien de la Daf par rapport à leurs projets. Ils souhaitent qu'il livre des idées sur la structuration des offres ", observe Thierry Drilhon, administrateur de différentes sociétés (Beijaflore, Synapscore, FBCCI) et ancien CEO d'Euro Media Group.

Samuel Loiseau, directeur marketing du PMU, ne dit pas autre chose : " Le Daf doit être un business partner qui soutient les risques pris par le marketing si ce sont des leviers de valeur. Il ne doit pas juste s'intéresser aux coûts. " Selon lui, le directeur financier doit être en mesure de se détacher du simple suivi des investissements mais être capable de challenger la direction marketing sur l'ensemble de ses projets. " Lorsque nous décidons de nous lancer sur un nouveau segment, de lancer un nouveau produit, un projet de big data, de CRM, etc, la direction financière doit nous aider à construire le business model et à confirmer s'il est valable ", précise-t-il.

Ce qui exige de la Daf une véritable immersion dans les enjeux et les problématiques de la direction marketing et commerciale. Au PMU, une contrôleuse de gestion / revenue manager est dédiée au marketing. " Elle a une vision globale de l'activité marketing, participe au codir marketing hebdomadaire et à l'ensemble des échanges clés. Et maîtrise ainsi l'ensemble des tenants et aboutissants. Elle est garante des investissements et de la valeur qu'ils peuvent dégager ", insiste Samuel Loiseau. Il rapporte que les échanges peuvent parfois être animés mais reconnaît la valeur ajoutée de cette contrôleuse de gestion sur l'évaluation du ROI et la validation des business models. " Grâce à elle, la direction financière du PMU n'a pas qu'une vision comptable ", approuve Samuel Loiseau.

Risque maximal

Au niveau marketing et commercial, le Daf peut également apporter son expertise en termes de pricing : " Il peut aider à ajuster le prix en fonction de la stratégie de l'entreprise, de la demande, des concurrents... Et ce, en temps réel ", invite Philippe Rémy, executive vice-­president de CapGemini. Et d'insister : " Parfois, 5 % de remise permet de gagner le deal alors que, à d'autres moments, toute remise supplémentaire réduit trop la marge. La direction administrative et financière est donc importante pour mener cette analyse avec l'équipe commerciale. "

D'autant plus que les prix sont aujourd'hui plus fluctuants, ajustés en fonction des évolutions et non plus fixés à l'année. Cette vision transverse du Daf peut également servir la relation client : le Daf peut aider à déterminer quel programme de fidélité instaurer. " Il s'agit de gérer l'équation d'une perte de marge contre la création de valeur à long terme ", résume Damien Palacci, associé BearingPoint. Il parle également des seuils de crédit à accorder aux clients : " Les données disponibles au sein de l'entreprise permettent à la fois de maîtriser le risque crédit et de développer le chiffre d'affaires. En les analysant, et en collaborant avec la direction commerciale, il est possible de revoir les limites de crédit sans pour autant prendre plus de risques ", constate Damien Palacci.

En d'autres termes, le Daf doit être en mesure de définir le niveau de risque maximal que les directions commerciales et marketing sont en droit de prendre. Un sujet souvent en proie à des crispations de chaque côté : le rapport au risque entre la direction financière et les directions commerciales et marketing n'est en effet souvent pas le même, leurs rôles étant par essence différents. Chaque direction doit donc faire des efforts pour comprendre la vision de l'autre. " Au marketing, nous projetons des hypothèses de création de valeur. Mais nous ne sommes jamais sûrs que nos hypothèses se réaliseront : le Daf doit comprendre cela et nous aider à prendre des risques pour créer de la valeur, en évaluant le risque maximal que l'on peut prendre et en trouvant des solutions pour le réduire ", propose Samuel Loiseau.

Cash management

La Daf peut également collaborer avec la direction commerciale et marketing pour diffuser la culture du cash. Il est en effet essentiel que les commerciaux ne se limitent pas à faire rentrer des clients sans se soucier si ces derniers sont solvables. Au sein de LG Electronics, les commerciaux sont sensibilisés à l'importance du cash. " Ils sont acteurs du recouvrement et sont mis à contribution pour trouver des solutions auprès de leurs clients ", raconte Jean-Pierre Laherre, directeur commercial division climatisation et chauffage de LG Electronics France.

La direction financière du groupe est en effet intransigeante face aux impayés et peut aller jusqu'à bloquer le compte d'un client mauvais payeur. " Cela peut être mal perçu par certains commerciaux. La communication est donc clé : les commerciaux doivent comprendre que la démarche ne s'arrête pas à la prise de commande mais qu'il faut aller jusqu'au bout et être payé ! " indique Jean-Pierre Laherre. Il invite ses commerciaux à être acteurs et proactifs, afin de ne pas tomber dans la victimisation. " Je leur fais comprendre que la solution est entre leurs mains ", insiste-t-il.

Pour faire passer ce message pas toujours compréhensible par des commerciaux pressés de signer des contrats, la direction financière doit se rendre disponible pour faire de la pédagogie. Et, pourquoi pas, de la formation. Chez LG Electronics, la direction administrative et financière a formalisé un document qui explique les process. Le directeur commercial souhaite aller plus loin et organiser des réunions commerciales lors desquelles elle interviendrait avec le credit management. Le dialogue, il n'y a que ça de vrai !

"L'avis de la Daf doit aller au-delà du pur aspect finanicer", Alexandre Chevalier, managing director Europe de Delsey

Entreprise sous LBO, Delsey se doit de répondre à des objectifs financiers précis. "Nous avons un Ebitda à délivrer chaque mois et des covenants à respecter", rapporte Alexandre Chevalier, managing director Europe chez Delsey. La collaboration est de ce fait extrêmement forte entre la direction commerciale et la direction financière, afin de s'assurer que les exigences du fonds d'investissement sont bien respectées. "Nous travaillons quotidiennement avec la direction financière, notamment avec le contrôleur de gestion qui nous est dédié", indique Alexandre Chevalier. Parmi les sujets de collaboration : le budget et les réestimés [le budget est réestimé 4 fois/an NDLR]. "Nous présentons les évolutions par rapport aux hypothèses en termes de chiffre d'affaires, de coûts, de marge, d'Ebitda, etc. Elles sont ensuite acceptées ou challengées." La direction financière accompagne également la direction commerciale dans la simulation de projets commerciaux afin de savoir s'il est intéressant de les retenir ou non. "Pour l'ouverture de points de vente par exemple, nous évaluons leur rentabilité possible", précise Alexandre Chevalier. Il attend de sa direction financière qu'elle ne soit pas juste une instance qui valide ou non les investissements. "Elle doit être stimulante et son avis doit aller au-delà du pur aspect financier." Le directeur commercial apprécie par exemple que la direction financière apporte des benchmarks qui nourrissent ses idées.

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