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La digitalisation renforce le rôle de " business partner " du Daf

Garant des choix en termes d'investissements à réaliser, mais aussi des risques et des données le Daf doit, plus que jamais, apprendre à collaborer avec l'ensemble des acteurs de l'entreprise.

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La digitalisation renforce le rôle de ' business partner ' du Daf
© Shawn Hempel - Fotolia

La transformation digitale des entreprises est en route : chaque direction se pose la question de la meilleure technologie, du meilleur outil à adopter et de l'impact de cette digitalisation sur son organisation. Une petite révolution qui consolide le rôle de " business partner " du Daf. "Le digital impose de nouveaux modes d'organisation, plus flexibles et agiles. Et le Daf est en première ligne pour intégrer ces évolutions au sein de l'entreprise. Cela peut même permettre au Daf de renforcer sa légitimité de " business partner " ", pense Fabrice Abadie, directeur associé EY et expert des entreprises middle market.

En effet, le Daf bénéficie d'une vision transverse de l'entreprise et est garant des investissements à réaliser, des retours sur investissements attendus et même des risques qu'il est possible de prendre. Il se doit donc d'accompagner chacune des directions de l'entreprise dans leur transformation. Encore doit-il être conscient de ce nouveau rôle. Et surtout savoir trouver sa place auprès des directions pour les épauler sans imposer sa vision.

Budgets et données : un rôle étoffé

Le premier rôle du Daf dans cet accompagnement de la transformation digitale de l'entreprise a trait à ses fonctions régaliennes : la définition des budgets à accorder aux projets digitaux. "Pour réaliser leur mutation, les différentes directions demandent des budgets nouveaux. Le Daf doit travailler étroitement avec elles pour les aider à évaluer le ROI mais également les risques", décrit Damien Palacci, associé Bearing Point.

En effet, sur ce sujet, les autres directions n'attendent pas de la direction financière qu'elle donne uniquement son "go / no go" mais qu'elle s'intéresse véritablement au projet, qu'elle en comprenne l'ensemble des problématiques. L'objectif étant qu'elle puisse les challenger, leur poser des questions pertinentes sur des paramètres qu'elles n'auraient peut-être pas étudiés. "Le Daf va désormais plus loin que challenger uniquement les chiffres : il s'intéresse également aux orientations prises. Le dialogue est plus riche", remarque Fabrice Abadie (EY).

Surtout, le Daf a un grand rôle à jouer dans l'exploitation des données, nouvelle richesse des entreprises. "Il doit fournir aux métiers le bon niveau d'information", souligne Fabrice Abadie. Ce qui veut dire qu'il doit mettre en place des outils de data visualisation permettant aux autres directions de trouver rapidement les chiffres dont il a besoin. Des tableaux de bord dynamiques qui doivent être transverses pour permettre aux différentes directions de partager les mêmes indicateurs, de parler de la même chose. Donc de mieux se comprendre. "Avec des tableaux de bord transverses, il n'y a plus d'incompréhensions liées au fait que les directions n'ont pas les mêmes chiffres. Les discussions sont tout de suite plus stratégiques", considère Séverine Esser-Bonjean, associée EY spécialisée sur les projets de transformation de la fonction financière. Cela exige cependant d'avoir travaillé au préalable sur la data gouvernance et d'avoir bien organisé ses données. Les directions financières doivent donc avoir mené un travail de " garbage in - garbage out " en collaboration avec les autres directions de l'entreprise afin de comprendre, avec elles, de quelles données elles ont besoin et de quelles données elles peuvent se passer.

Une meilleure collaboration grâce au digital

La digitalisation ne fait pas qu'accroître le rôle de business partner du Daf. Elle lui permet également de collaborer davantage avec les autres directions. Pour Séverine Esser-Bonjean (EY), le digital renforcera la collaboration non pas parce que les outils sont plus collaboratifs mais parce qu'ils sont plus transverses. "Les projets digitaux font participer différentes fonctions. Progressivement, les lignes évoluent, les équipes prennent l'habitude de travailler ensemble", indique-t-elle. En effet, un projet de procure-to-pay fait travailler ensemble Daf, directions achats, DSI et logistique. Un nouveau CRM regroupe, quant à lui, les équipes commerciales et marketing autour de la Daf et la DSI. Des projets transverses, donc, qui forcent l'entreprise à adopter une nouvelle organisation, moins en silos.

Les outils digitaux en eux-mêmes aident à collaborer. Nous avons parlé de la possibilité - et même de la nécessité ! - d'établir des tableaux de bord transverses. Il en est de même pour les budgets : les nouvelles technologies permettent de renforcer la collaboration sur ce type d'opérations. "Pour construire leurs budgets, les directions doivent réussir à travailler ensemble sur le même document grâce aux outils de partage de documents", insiste Damien Palacci (BearingPoint). Les outils de travail doivent être désormais partagés pour que la collaboration soit facilitée : on n'envoie plus de documents par e-mail mais on travaille tous directement sur le même. Ainsi, tout le monde a la même version, à jour, avec les apports de chacun.

Mais le digital ne fait pas tout !

Si les projets de transformation digitale et les outils digitaux permettent aux Daf de mieux collaborer avec les autres directions, il ne faut pas sous-estimer l'importance des relations humaines. Il est important de se voir, de se rencontrer, de se parler de manière physique. Des réunions doivent être régulièrement organisées entre la Daf et les autres directions. "Il faut mettre en place des réunions régulières pour ne pas se voir uniquement lorsqu'il y a des problèmes, prévient Anne Le Gurun, consultante senior en procurement et contract management chez LGA Consulting. Cela permet d'être dans l'écoute des enjeux de chacun".

Thierry Drilhon, administrateur de différentes sociétés (Beijaflore, Synapscore, FBCCI) et ancien CEO d'Euro Media Group conseille de réaliser un point de synchronisation au moins une fois par mois. Et de s'asseoir ensemble pour tous les grands projets. Claude Brunet, fondateur de The Sparring-Partner Company invite quant à lui à définir un thème clair pour chacune de ces réunions. Il ne s'agirait pas en effet d'organiser de multiples réunions qui n'aboutissent à rien parce qu'elles partent dans tous les sens.

Des réunions qui doivent s'ouvrir aux équipes des directions concernées : ce sont la plupart du temps elles qui sont amenées à collaborer avec les autres fonctions de l'entreprise. "Les directeurs n'ont pas la vision de terrain de leurs équipes. Il ne faut donc pas rester top level et permettre aux équipes de s'exprimer", pense Anne Le Gurun (LGA Consulting). Avec la digitalisation, les équipes de la Daf auront d'ailleurs un nouveau rôle à trouver : les outils leur permettront de passer moins de temps sur les tâches de saisies. Alors pourquoi ne pas passer plus de temps auprès des équipes opérationnelles pour les épauler ?

Ces réunions doivent être l'occasion de s'ouvrir aux problématiques des autres directions mais aussi de faire un peu de pédagogie : le Daf doit réussir à faire comprendre aux autres directions son véritable rôle. L'objectif : qu'elles fassent appel à la direction financière de manière naturelle. Il y a en effet un aspect du marketing de la fonction à ne pas négliger. La direction financière doit réussir à faire comprendre aux autres directions qu'elle n'est pas uniquement là pour fournir des tableaux Excel tous les trois ans. Elle doit expliquer à quoi elle sert, concrètement, et faire preuve de pédagogie sur les chiffres, par exemple.

Les Daf ou leurs équipes peuvent également participer aux réunions des autres directions. C'est le cas chez Bouygues Télécom, par exemple : "La directrice du contrôle de gestion assiste à nos CoDir. Elle a donc une bonne compréhension de nos enjeux de gestion", témoigne Alain Angerame, directeur de la relation clients de Bouygues Telecom. "Le Daf doit réussir à être un partenaire des projets des autres directions de l'entreprise et non pas juste être le gardien d'un processus de validation. Il faut pour cela qu'il intervienne le plus en amont possible", approuve Damien Palacci (BearingPoint). Ce qui veut dire s'inviter dans les réunions des autres directions. De nombreuses entreprises ont d'ailleurs pris la décision de dédier un contrôleur de gestion à une direction ou business unit : la plupart du temps, ce dernier est même physiquement intégré aux équipes dont il a la charge. Anne Philipona-Hintzy, associée Deloitte, parle même d'entreprise qui ont fait le choix de supprimer les bureaux afin que les différentes équipes se regroupent en fonction des sujets sur lesquels elles travaillent. Et non par direction ou business unit. "Cela permet d'aplatir l'organigramme et de travailler de manière plus transverse", constate-t-elle. La transformation des entreprises ne sera donc pas que digitale mais bien organisationnelle.

Focus

Un comex qui travaille réellement à l'unisson

Et si la réponse à une bonne collaboration se trouvait tout simplement dans la manière dont travail le Comex? Pour Anne Philipona-Hintzy, associée chez Deloitte, c'est la clé de la réussite : "chaque directeur a du mal à sortir de son rôle et à faire un pas vers les contraintes et difficultés des autres. Le Daf doit écouter ses collègues et comprendre leurs enjeux". Concrètement, constituer différemment les Comex, en apportant davantage de diversité, permettrait une meilleure collaboration. Dans une étude d'UBS publiée en février, les entreprises dont au moins 20% des postes à responsabilité (direction, conseil d'administration) sont occupés par des femmes surperforment le reste du marché à l'échelle mondiale. Des femmes doivent donc siéger au Comex mais également des personnes issues des minorités ou ayant un parcours original. L'objectif étant de sortir des carcans dans lesquels le top management est souvent enfermé.


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