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Restructuration : quels impacts sur les équipes ?

Pour s'adapter aux défis économiques, bon nombre d'entreprises choisissent de passer par la case restructuration. Si ces transformations sont souvent présentées sous l'angle financier, leur impact sur les équipes reste sous-estimé. Démotivation, stress, burn-out, perte de repères... Ces bouleversements peuvent entraîner de nombreuses conséquences sociales.

Publié par Audrey Fréel le | mis à jour à
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Restructuration : quels impacts sur les équipes ?
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Plan de sauvegarde de l'emploi, externalisation d'activité, fusion acquisition... Les restructurations sont parfois incontournables dans la vie d'une entreprise, en particulier dans le contexte actuel. « Nous observons de nombreux plans d'économie avec des projets très défensifs impliquant des fermetures d'activité ou des abandons de projets », relate Raphaël Bolard, associé chez Forvis Mazars. Un constat partagé par Hugues Roussel, manager au sein de la division Finance de Robert Walters Management de Transition. « Les restructurations se sont amplifiées ces dernières années, avec un nombre record de défaillances d'entreprises enregistré fin 2024 », indique-t-il. Objectif : réduire les coûts, améliorer la productivité ou encore s'adapter à de nouveaux marchés. Les équipes finances ne font pas figure d'exception et voient certains métiers évoluer. « La digitalisation et l'intelligence artificielle contribuent aussi à réduire certaines équipes, notamment au sein de la finance comme la comptabilité. Des CSP se sont par exemple créés ces dernières années pour centraliser les activités de paie et de comptabilité », observe Raphaël Bolard.

Des risques psycho-sociaux

Reste que l'impact de ces changements sur les salariés toujours en poste est souvent négligé. « Lorsqu'un salarié subit une crise au sein de son entreprise, il peut ressentir le « syndrome du survivant », ce qui pose des défis d'un point de vue RH », souligne Caroline Diard, professeur associé au sein du département droit des affaires et ressources humaines au sein de TBS Éducation. Cette dernière a récemment étudié et analysé les conséquences des restructurations sur les salariés, aux côtés d'Olivier Meier, professeur à l'Université Paris-Est Créteil Val-de-Marne. Une publication académique sur ce sujet devrait prochainement sortir. « Les salariés toujours en poste après une restructuration peuvent se sentir en insécurité et craindre la prochaine crise. Le stress et l'anxiété peuvent produire des risques psycho-sociaux, pouvant aller jusqu'à la dépression », souligne-t-elle. Avant d'ajouter : « L'insécurité peut devenir tellement insupportable que les personnes vont décider de démissionner car elles ne voient plus d'avenir au sein de l'organisation ». Autre conséquence : la démotivation. Déçus par les choix stratégiques de leur entreprise, certains collaborateurs décident de faire le minimum, ce qui peut entraîner des arrêts maladie à répétition. Cette dernière pointe aussi un risque de burn out, dû à une surcharge de travail. « Lors d'une réduction d'effectif, il peut y avoir une nouvelle répartition des missions et tâches. On demandera plus de polyvalence aux salariés restants et la charge de travail peut s'intensifier », détaille-t-elle.

Perte de repères suite à une M&A

Si les fusions-acquisitions (M&A) n'entrainent pas nécessairement de licenciements, les conséquences sur les salariés d'une telle opération ne sont pas à prendre à la légère. Mixer deux cultures d'entreprises est un processus délicat qui ne s'improvise pas. « Chaque entité a une culture propre, avec des valeurs, des rites, des codes et des process. Si tout cela est balayé suite à un rachat, cela est très violent pour les salariés car cela revient à nier une histoire et un parcours d'entreprise », décrypte Caroline Diard. Or les experts interrogés constatent que les process sont souvent remis en cause lors d'une fusion, ce qui est très mal vécu par les salariés de l'entreprise reprise. Ces derniers subissent une perte de repères culturels et organisationnels. « Si on sous-estime la dimension humaine, le risque est que la restructuration n'atteigne pas ses objectifs économiques car les salariés seront démotivés et donc non performants », met en garde Raphaël Bolard. De son côté, Hugues Roussel constate que « les fusions qui se passent mal d'un point de vue social sont en général celles réalisées brutalement et qui n'ont pas été co-construites entre les deux entités ». Le porte-parole de Robert Walters insiste sur l'importance d'impliquer les managers des deux parties dans le projet afin de bénéficier des bonnes pratiques des deux entreprises. « Cela implique que les équipes se rencontrent et travaillent sur cette question avec un chef de projet. Malheureusement, beaucoup de chefs d'entreprises vont mettre les efforts dans le fait de réussir la fusion-acquisition d'un point de vue financier et n'iront pas jusqu'au bout du process en accompagnant les équipes des deux entités », analyse-t-il. Or, il est important pour le repreneur d'identifier la culture de l'entreprise rachetée, ce qui motive les salariés, qui ils sont, depuis combien de temps ils sont dans l'entreprise, etc. « Il faut prendre en compte les spécificités liées aux salariés et ne pas se focaliser uniquement sur les aspects financiers. Sinon, on s'expose à une démotivation et à des départs massifs », avertit Caroline Diard. Négliger les dimensions humaines d'un projet de restructuration comporte de nombreux risques pour les entreprises, qui peuvent mettre en péril leur propre performance.


Dialogue et accompagnement

Pour limiter les effets négatifs des restructurations sur les salariés, il est essentiel de maintenir un dialogue ouvert. « Les messages doivent être clairs et donner des perspectives. Il faut être transparent, détailler le contexte de cette restructuration et annoncer les solutions mises en place », préconise Hugues Roussel. Bien que les restructurations soient très encadrées légalement, les experts recommandent d'aller encore plus loin dans l'accompagnement des personnes qui partent. « Il peut être intéressant de mettre en place des ateliers de recherche d'emploi ou accompagner les salariés dans un nouveau projet professionnel. Cela permet d'apaiser le climat social et de rendre l'ambiance moins anxiogène pour les salariés qui restent au sein de l'entreprise », indique Caroline Diard. « Les salariés savent qu'ils vont être correctement traités, ce qui instaure un climat de confiance », enchérit Hugues Roussel. Dans ce cadre, la formation représente un enjeu clé. « Certains métiers doivent intégrer de nouvelles compétences ou trouver de nouvelles voies, ce qui nécessite de les former », explique Raphaël Bolard.


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