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[Avis d'expert] Droit de communication : jusqu'où aller ?

Dans le cadre du contrôle fiscal d'une entreprise, l'administration fiscale a le droit d'obtenir communication de documents et de renseignements détenus par des tiers tels que établissements bancaires, cocontractants, fournisseurs. Comment y répondre sans aller trop loin?

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[Avis d'expert] Droit de communication : jusqu'où aller ?
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Souvent les entreprises interrogées sont désemparées par l'étendue des demandes de l'administration fiscale, et ne savent pas comment y répondre. Voici les contours et les limites du droit de communication.

C'est l'article L 81 du Livre des procédures fiscales (" LPF ") qui fonde le droit pour l'administration fiscale de demander communication de tout document et renseignement auprès d'un contribuable ou d'un tiers en vue de l'établissement de l'assiette, du contrôle et du recouvrement des impôts.

Par exemple, les services de contrôle sont amenés à requérir auprès des donneurs d'ordre des informations confidentielles sur leurs sous-traitants.

Cette situation place l'entreprise interrogée dans une situation délicate car, bien que le contrôle ne la vise pas, la communication d'informations sur son cocontractant peut être perçue comme potentiellement préjudiciable vis-à-vis des relations commerciales avec ce dernier.

Il est donc important pour l'entreprise interrogée d'être informée de l'étendue de ses droits et de ses obligations afin de bien préparer sa réponse à l'administration.

Que peut-on vous demander?

On précisera d'abord que les agents des impôts peuvent mettre en oeuvre le droit de communication sur l'ensemble du territoire métropolitain et des départements et régions d'outre-mer.

Le droit de communication peut s'exercer soit sur place soit par correspondance, y compris par email. Si une demande est présentée par téléphone, il est recommandé de demander à l'agent des impôts de confirmer sa demande par écrit.

De son côté, le contribuable interrogé n'a aucune obligation d'accuser réception de la demande. Toutefois, dans un souci de bonne relation avec l'administration fiscale, il aura toujours intérêt à le faire.

Aucun délai n'est fixé par la loi pour y répondre. A titre pratique, il est conseillé toutefois de se manifester dans un délai de 30 jours soit pour fournir les documents demandés, soit pour informer que l'entreprise n'est pas en possession des documents et demander un délai supplémentaire pour les obtenir.

En toute hypothèse, il est toujours préférable d'instaurer un échange constructif avec l'administration fiscale afin d'éviter tout risque d'opposition à contrôle fiscal.

Concernant les modalités de remise des documents demandés, aucun formalisme n'est requis : les documents peuvent donc être transmis par voie postale ou email.

Quels documents transmettre ?

S'agissant des contribuables exerçant une activité commerciale les documents sur lesquels portent le droit de communication sont les suivants :

1. Les livres, registres et rapports dont la tenue est rendue obligatoire par le code de commerce : il s'agit de tous les documents comptables, fiscaux et juridiques que doit tenir une entreprise commerciale : livre-journal, grand livre, livre d'inventaire, liasse fiscale, procès-verbaux d'assemblée générale, rapports des mandataires, le registre des actionnaires, etc.

2. Tous documents relatifs à l'activité du contribuable : Cette notion très générale a été ajoutée par la loi de finances rectificative du 29 décembre 2014. Elle a étendu considérablement la portée du droit de communication puisqu'il n'est plus seulement limité aux documents justifiant les recettes et les dépenses comme par le passé, mais concerne désormais toutes les opérations de l'entreprise dans le périmètre large (et imprécis) de son activité.

Les obligations et les limites

Toutefois, cette notion implique deux limites fondamentales au droit de communication :

a)Ce droit ne peut porter que sur des documents, c'est-à-dire des supports (papier ou électronique) que l'entreprise interrogée détient ou devrait détenir : justificatifs comptables, financiers, juridiques mais aussi commerciaux, marketing, dossiers de recherches, etc.

En revanche, il ne s'agit pas pour l'entreprise d'élaborer un document pour répondre spécifiquement à la demande de l'administration fiscale, document qui n'aurait pas d'utilité pour son exploitation normale. L'administration fiscale ne peut pas demander la communication de documents que l'entreprise interrogée ne possède pas.

b)Ces documents doivent être relatifs à l'activité du tiers interrogé : ainsi, si l'entreprise est en possession de documents sans lien avec sa propre activité, elle n'a pas l'obligation de les communiquer.

On rappelle qu'il n'est pas possible d'opposer la nature confidentielle des informations pour ne pas les communiquer car l'administration fiscale est soumise au secret professionnel en vertu de l'article L 103 du LPF. Elle a donc l'obligation de ne pas communiquer ces informations confidentielles à des tiers.

Les documents sur lesquels peut s'exercer le droit de communication sont ceux qui doivent être conservés obligatoirement par l'entreprise interrogée : il s'agit des documents relevant du délai de conservation obligatoire prévu par l'article L 102 B du LPF, soit un délai de six ans à compter de la date de la dernière opération mentionnée sur les livres ou registres ou de la date à laquelle les documents ou pièces ont été établis. S'agissant des pièces justificatives d'éléments d'actif, le délai de conservation peut aller au-delà de six ans.

Le contribuable à l'obligation de fournir à l'administration les documents demandés. Le défaut de présentation de ces documents est sanctionné par une amende de 10.000 € prévue à l'alinéa 1 de l'article 1734 du Code général des impôts.

L'administration doit notifier le contribuable interrogé qu'elle envisage de lui appliquer cette sanction. Il dispose d'un délai de 30 jours à partir de cette notification pour faire part de ces observations. En pratique, si le contribuable interrogé fournit finalement les documents demandés dans le délai, l'administration renonce à l'application de l'amende.

Faut-il informer son cocontractant?

L'exercice du droit de communication est une relation bipartite, entre l'administration et l'entreprise interrogée uniquement. Cette dernière n'est en aucun cas tenue d'en informer son cocontractant de l'existence de cette demande de communication.

Elle ne doit donc pas s'interroger sur la pertinence de la demande de communication ni sur l'utilisation qui sera faite du document demandé. Elle doit seulement s'assurer que le document réclamé est en rapport avec sa propre activité.

De manière générale, l'entreprise interrogée n'a pas à prendre position sur l'éventuel contrôle fiscal que pourrait subir son cocontractant, ni à recevoir d'instructions de sa part ou communiquer avec lui sur les documents transmis à l'administration fiscale.

François Vignalou, Avocat associé, Responsable du département droit fiscal au sein du cabinet Bignon Lebray.

Philippe Brisson, Avocat au sein du cabinet Bignon Lebray.



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