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Contentieux aux prud'hommes et réforme du Code du travail : enfin une vraie visibilité pour l'employeur ?

Le barème des indemnités prud'homales s'applique en cas d'indemnisation d'un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse. En dehors de cette hypothèse, point de barème. Passage en revue des cas d'exceptions au barème avec un objectif : l'employeur - et son Daf- ont-ils gagné au change ?

Publié par Florence Leandri le | Mis à jour le
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Contentieux aux prud'hommes et réforme du Code du travail : enfin une vraie visibilité pour l'employeur ?

Le barème d'indemnisation prévu par les ordonnances Macron détermine un plancher et un plafond en fonction de l'ancienneté du salarié, que le juge devra respecter lorsqu'il octroiera une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (C. trav., art. L. 1235-3). Exit donc l'ancien plancher de six mois de salaire pour les salariés ayant au moins 2 ans d'ancienneté et licenciés par une entreprise comprenant au moins 11 salariés. De même, le montant de l'indemnisation des autres salariés (ayant moins de deux ans lors de leur licenciement, ou étant employés dans une entreprise de moins de 11 salariés) ne sera plus déterminée librement par les juges en fonction du préjudice subi, mais sur la base du barème obligatoire issu des ordonnances.

Les exceptions légales au barème

Ce nouveau barème ne vise cependant que l'indemnisation du licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse. Ils sont en revanche expressément écartés lorsque le licenciement est entaché de nullité en cas de :

- violation d'une liberté fondamentale ;

- harcèlement moral ou sexuel ;

- discrimination ;

- licenciement consécutif à une action en justice du salarié ;

- violation du statut protecteur des représentants du personnel ;

- licenciement suite à la dénonciation par le salarié de crimes ou délits.

Dans ces hypothèses, les juges conserveront leur pouvoir souverain d'appréciation pour déterminer l'indemnité à allouer au salarié, au-delà d'un plancher correspondant à six mois de salaire (contre douze auparavant).

Dès lors, la tentation risque d'être grande, pour les salariés, d'invoquer l'une de ces situations pour échapper au barème d'indemnisation et ne pas être limités dans leurs demandes.

Des exceptions compliquées à mettre en oeuvre donc un risque limité pour l'employeur

Doit-on s'attendre à une explosion des contentieux liés à un harcèlement ou à une discrimination ?

1) Il n'est pas aisé d'invoquer une discrimination, le salarié devant démontrer que la différence de traitement dont il prétend être victime repose sur un motif interdit par la loi et strictement limité par elle : l'activité syndicale, le sexe, l'âge, le handicap, etc.

2) En revanche, le salarié peut tenter plus facilement de démontrer qu'il a fait l'objet d'une mise à l'écart, de remarques désagréables, ou encore d'une pression managériale, autant d'éléments qui l'ont fragilisé et caractérisent un harcèlement moral.

Contester en justice un licenciement en invoquant un harcèlement, est-ce une brèche dans laquelle les salariés vont s'engouffrer ? Peut-être...mais sans garantie aucune coté résultat car en matière de harcèlement, le salarié doit présenter des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement. Ce n'est que si le salarié est en mesure de produire de tels éléments, que l'employeur est tenu de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement (Cass. soc., 12 juin 2014, n°13-10.587).

Pour autant, il ne suffira pas pour le salarié de démontrer qu'il a été victime d'un harcèlement pour échapper au barème d'indemnisation. Il devra démontrer son licenciement est en lien avec ce harcèlement.

Exemple

Si un salarié licencié pour insuffisance professionnelle parvient à démontrer qu'il a été victime de harcèlement moral, les juges pourront parfaitement considérer que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse car en réalité justifié par un motif économique, mais qu'il n'est pas lié aux faits de harcèlement qu'il aurait subi. Dans ce cas précis, le barème devra s'appliquer.

Au final, l'objectif de visibilité pour l'employeur par cette instauration d'un barème ne semble pas un vain mot. Les provisions pour charges exceptionnelles ont désormais de bonne chance de correspondre à l'indemnité effectivement versée une fois le litige résolu.

L'auteur


Marion Ayadi, avocate associée Cabinet Raphaël avocats, assiste les entreprises dans la gestion quotidienne des relations et collectives de travail, tant en conseil qu'en contentieux. En matière de négociation collective, elle aborde les questions de santé au travail, de risques psycho-sociaux, de durée du travail, de discrimination.


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