Le prêt PACT, dispositif bancaire qui permet aux entreprises de suivre leur note ESG
Comment les entreprises peuvent-elles se transformer en profondeur tout en contractant des prêts bancaires alignés sur leur stratégie ESG ? Entretien croisé de Patricia Vivier, directrice Financements et Trésorerie Groupe de Sodiaal qui a choisi d'investir dans le prêt PACT, et Guénolé Quéau, directeur du développement de la banque, qui nous présente ce dispositif de bonification en fonction de l'atteinte d'objectifs ESG.

Quelle a été la motivation principale de recourir au prêt PACT ?
Patricia Vivier : Sodiaal est un groupe coopératif laitier leader en France, troisième à l'échelle européenne, et cinquième mondial. Tout ce qui touche à la durabilité et à la responsabilité sociétale des entreprises (RSE) s'inscrit pleinement dans notre mission et notre stratégie. Ainsi, lorsque le prêt PACT nous a été présenté par Arkéa, nous avons compris qu'il nous permettrait de progresser, notamment en nous dotant d'une notation extra-financière, qui nous permet d'évoluer sur trois dimensions : l'environnement, le sociétal et la gouvernance.
Le prêt nous a permis de progresser également sur le plan organisationnel, car pour démontrer notre amélioration, il nous fallait produire des données. Cela suppose d'avoir des systèmes d'information adaptés, capables de fournir cette data, parfois absente ou ne correspondant pas aux définitions attendues - notamment sur des sujets comme la formation ou le handicap. Nous avons avancé progressivement et, in fine, nous avons été en mesure de fournir les éléments requis.
Dès la première année, nous avons eu la satisfaction de recevoir une très bonne note, supérieure à la moyenne des entreprises françaises. Ce résultat nous a semblé naturel au vu des actions que nous avions déjà entreprises. Ce qui s'est avéré particulièrement enrichissant, c'était d'identifier les points sur lesquels notre note était moins favorable, ce qui nous a permis de définir des axes d'amélioration clairs pour les années à venir.
Pouvez-vous nous présenter le prêt PACT ?
Guénolé Quéau : L'objectif central de ce dispositif est de faire de l'ESG un véritable outil de dialogue entre l'entreprise et la banque, et non un simple mécanisme de modulation du taux d'intérêt en fonction de quelques indicateurs. Il s'agit d'un prêt bilatéral, point important à souligner. Il permet de financer les besoins de l'entreprise, quels qu'ils soient, en mobilisant le levier de l'endettement pour objectiver la trajectoire ESG. Ce financement est accessible à partir de deux millions d'euros, et concerne principalement des investissements sur des durées comprises entre 5 et 15 ans pour les entreprises, voire un peu plus longues dans le cas du secteur public.
Qu'a-t-il de particulier ?
G. Q. : Le dispositif s'appuie sur environ cinquante indicateurs, récemment ajustés, dont les données agrégées sont restituées aux clients. Cette restitution s'appuie à la fois sur le panel des entreprises ayant souscrit un prêt PACT et sur les bases de données d'EthiFinance, ce qui permet de fournir des éléments d'analyse qualitatifs.
L'intérêt ne réside pas uniquement dans la mesure de la performance propre de l'entreprise, mais également dans la possibilité de se situer par rapport à ses pairs, c'est-à-dire des entreprises de taille ou de secteur comparable. Chaque année, une évaluation est réalisée, permettant de constater l'évolution de la note ESG de l'entreprise, son positionnement par rapport à son secteur, et les résultats obtenus influent alors sur le taux d'intérêt appliqué. L'objectif est de proposer un mécanisme incitatif et vertueux. Enfin, à chaque étape, une restitution structurée est organisée avec les équipes d'EthiFinance.
Comment ce choix s'inscrit-il dans votre stratégie RSE globale chez Sodiaal ?
P. V. : C'est une démarche vertueuse à double titre. D'abord parce qu'elle repose sur un volet quantitatif, alimenté par les données que nous enrichissons chaque année grâce à nos évolutions internes, et sur un volet qualitatif, à travers des échanges structurés et constructifs.
Lors de ces réunions, la finance n'était pas le seul sujet abordé. Notre équipe RSE centrale y participait également. Ce qui fait la singularité de Sodiaal, c'est cette organisation coopérative intégrée, qui couvre toute la chaîne de valeur : de l'amont - les exploitations laitières - jusqu'à l'aval, c'est-à-dire la commercialisation des produits, que ce soit en grande distribution, en B2B ou à l'export. Nos actionnaires, ce sont environ 9 000 producteurs de lait répartis dans toute la France - soit autant que de salariés. Ces producteurs sont également impliqués dans cette démarche : ils sont audités par environ 200 conseillers laitiers salariés de Sodiaal. Ces audits donnent lieu à des plans d'action visant à améliorer les pratiques agricoles.
Comment Sodiaal mobilise-t-elle ses adhérents et partenaires autour de ces engagements ESG contractualisés ?
P. V. : L'organisation repose sur un fonctionnement démocratique. Les objectifs, notamment en matière de réduction de l'empreinte carbone par litre de lait, ne sont pas décidés unilatéralement, mais font l'objet d'une construction collective. Les salariés, en tant qu'acteurs clés, sont pleinement associés à la démarche.
Les orientations sont d'abord présentées à la gouvernance de Sodiaal, composée du bureau - réunissant les présidents de région - ainsi que du conseil d'administration, qui valide les trajectoires proposées. Celles-ci sont ensuite déclinées dans les conseils de section, afin d'assurer une adhésion complète à tous les niveaux de l'organisation.
Ainsi, les objectifs ne sont pas imposés par la seule direction ou par les équipes salariées, mais résultent d'un engagement collectif, nourri par des échanges réguliers entre le président, le directeur général, les équipes RSE et les différentes instances de gouvernance.
Du côté bancaire, comment ce dispositif s'intègre-t-il dans votre stratégie de développement durable ?
G. Q : L'un des aspects particulièrement intéressants et exigeants du prêt ESG réside dans le fait que le référentiel évolue chaque année. Contrairement à un cadre figé, il s'ajuste en permanence pour accompagner la dynamique de progrès inhérente à la démarche ESG. Chaque année, en collaboration avec Ethifinance, de nouvelles thématiques sont intégrées, notamment la biodiversité, tandis que les indicateurs devenus standards sont retirés. Cela permet de maintenir un haut niveau d'exigence adapté à la maturité progressive des entreprises.
Pour Arkéa, l'enjeu est d'intégrer pleinement l'ESG à son modèle économique, et non de le traiter comme un dispositif annexe. Cet engagement s'inscrit dans la logique du groupe, qui est entreprise à mission. À ce titre, Arkéa publie ses rapports de durabilité, se soumet à l'évaluation d'un organisme tiers indépendant (OTI), et fixe des objectifs pérennes, indépendamment des évolutions réglementaires.
Parmi ces objectifs figurent le fléchage de financements vers des entreprises accompagnées dans leur trajectoire de progrès ESG ou spécifiquement dans leur réduction d'empreinte carbone. Le financement ciblé de projets, notamment dans le domaine de la transition environnementale et de l'accompagnement du secteur public local. L'ambition de doubler le nombre de clients accompagnés sur l'ESG d'ici à 2027, en mobilisant l'ensemble des outils disponibles pour les équipes commerciales, avec pour objectif concret d'atteindre 700 nouveaux groupes clients engagés dans une telle démarche.
À votre avis, ce type de prêt pourrait-il devenir la norme dans le financement des entreprises ou restera-t-il réservé à des acteurs pionniers ?
C'est l'ambition que nous portons. Nous venons de réaliser une étude quantitative et qualitative auprès de nos clients bénéficiaires du prêt. Pour 81 % des entreprises interrogées, le prêt constituait leur premier financement à impact, ce qui signifie que le dispositif a permis d'introduire concrètement les enjeux de durabilité dans leur gestion financière.
C'était précisément l'un des objectifs fixés : démocratiser les prêts durables au sein du tissu économique français, notamment auprès des PME et ETI, jusque-là peu exposées à ce type de mécanisme, traditionnellement réservé aux grandes entreprises. Autre indicateur significatif. 88 % des clients estiment que le prêt a contribué à structurer leur démarche RSE. Ce retour témoigne d'un impact réel et positif, et encourage le développement de nouvelles initiatives sur d'autres thématiques, prévues dans les mois à venir.
Aujourd'hui, de plus en plus d'ETI sont interpellées par leurs parties prenantes et doivent se préparer au reporting exigé par la directive CSRD, malgré les récents reports de calendrier. En parallèle, les établissements financiers, soumis à des obligations réglementaires croissantes, doivent collecter davantage de données extra-financières auprès de leurs clients. Ces dynamiques font que, quelles que soient les évolutions réglementaires, la pression liée à la transparence ESG va s'intensifier. Par ailleurs, la montée en puissance des crédits syndiqués, avec une documentation commune entre plusieurs établissements bancaires, conduit de plus en plus d'entreprises à intégrer des critères extra-financiers dans leurs contrats de financement. Bas du formulaire
Sur le même thème
Voir tous les articles Finance durable