Vers un allègement des aides sociales pour éviter les trappes sur les bas salaires
Le gouvernement avait annoncé l'ajustement des aides sociales afin de les rendre plus efficaces et d'éviter les trappes sur les bas salaires. Le point avec Baptiste Tetier, directeur de la performance RH et expert en cotisations sociales au sein du groupe EPSA.
Interrogé sur le plateau de France 2 lors de l'émission « L'événement », le premier ministre Michel Barnier annonçait la volonté du gouvernement d'ajuster les aides sociales pour qu'elles soient plus efficaces et ainsi éviter les trappes sur les bas salaires. Il a également évoqué son intention de demander aux 4 millions d'entreprises françaises des "efforts" sur les aides qu'elles touchent pour les allocations. Qu'est-ce que cela sous-entend ? Quel(s) impact(s) auraient d'éventuelles restrictions des dispositifs d'allègements existants sur les entreprises ?
Des allègements de cotisations historiques
Pour rappel, des dispositifs d'allègements généraux de cotisations patronales ont été instaurés au milieu des années 1990 pour lutter contre le chômage de masse. Renforcés fréquemment depuis, elles permettent une réduction du taux de cotisation employeur pour l'ensemble des rémunérations inférieures à 1,6 fois le SMIC (ou 2 795,52 € bruts pour un temps plein, sur la base du SMIC en vigueur au 1er octobre 2023), soit plus de la moitié des salariés (en équivalent temps plein) des entreprises éligibles aux allègements généraux. Cet allègement aurait permis de verser près de 31 milliards d'euros aux entreprises en 2023.
Les 3 trois principaux allègements visés par le Projet de Loi de Financement de la Sécurité Sociale 2025 (PLFSSS) sont les suivants :
- la réduction générale de cotisation sur les salaires (RGCS) applicable sur les rémunérations comprises entre 0 et 1,6 Smic, dit "allègement Fillon" ;
- la réduction sur les cotisations assurance maladie, applicable sur les rémunérations comprises entre 0 et 2,5 Smic, dit "bandeau maladie" ;
- la réduction sur les cotisations familiales, pour les salaires entre 0 et 3,5 Smic, dit "bandeau famille".
« Désmicardiser la France »
« C'est un projet qui n'est pas fait dans la précipitation », estime Baptiste Tetier, Directeur de la performance RH et expert en cotisations sociales au sein du groupe EPSA. Et de rappeler la conférence sociale sur les bas salaires du 16 octobre 2023 menée par la première ministre de l'époque Elisabeth Borne qui avait mentionné que ces dispositifs ont permis une baisse significative du coût du travail au niveau du SMIC sur les trente dernières années. Suite à la conférence sociale sur les bas salaires du 16 octobre 2023, la première ministre Elisabeth Borne a confié aux économistes Antoine Bozio et Etienne Wasmer la mission d'évaluer l'impact des allègements de cotisations sociales sur la progression des salaires. Dans leur scénario central, les auteurs proposent de réduire les exonérations afin de réduire d'environ 10% le coût pour les employeurs d'une progression des salaires en dessous de 1,6 SMIC.
Une révision du calcul d'après le PLFSS 2025
A la suite de ce rapport, le PLFSS 2025 souligne « une réforme des allègements généraux, dont la philosophie générale est de concentrer les allègements là où ils permettent de créer le plus d'emplois et de diminuer leur pente pour faciliter les augmentations de revenus des travailleurs, sera mise en oeuvre en 2026. Une première étape de cette réforme des allègements généraux sera mise en oeuvre dès 2025, permettant une réduction des niches sociales à hauteur de 4 Md€ (net des effets retours sur l'impôt sur les sociétés) ». Cette révision du calcul engendrerait ce qu'on appelle des « trappes à salaires ». « On parle de « trappes à salaires », si les employeurs, pour continuer à bénéficier d'avantages particuliers (réductions de cotisations sociales, fiscalité réduite, etc.), maintiennent le salaire de leurs employés à un bas niveau », explique l'expert d'Epsa ».
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La volonté de réduire les effets des dispositifs d'allègements de charges patronales proposés aux entreprises est une ambition tout sauf nouvelle mais aux impacts à bien mesurer. « Depuis 2003 et la mise en place de la formule de calcul RGCS, les modalités d'applications ont été à plusieurs reprises restreintes afin d'en limiter soit la portée soit le montant (2007 : passage des heures rémunérées aux heures contractuelles, 2011 : passage d'un calcul mensuel à un calcul annualisé, 2015 : limitation aux seules correspondant à du temps de travail effectif etc...). De plus, notons qu'une des nouveautés de la Loi de Financement de la Sécurité Sociale 2024 (LFSS) passée inaperçue avait été de « figer » le niveau de SMIC 2023 pour calculer le niveau de rémunération éligible aux allègements « bandeau » maladie et allocations familiales »», explique l'expert.
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Au regard des mesures envisagées, la révision de la formule de calcul RGCS, conduira mécaniquement à « une augmentation du coût du travail ». Les modalités présentées à savoir, bénéficier d'un allègement RGCP réduit pour les rémunérations comprises entre 1 et 1,3 fois le SMIC et d'un allègement plus important pour les rémunérations comprises entre 1,3 et 1,8 fois le SMIC inciteront les entreprises à augmenter les salaires pour bénéficier à plein du dispositif. Il est néanmoins à craindre que cette « trappe à salaire » actuellement constatée sur les rémunérations supérieures à 1,6 fois le SMIC ne se reporte sur le nouveau seuil critique de 1,8 fois le SMIC.
« Si la RGCS et les bandeaux maladie et allocations familiales sont davantage relayés et commentés dans la presse, une vigilance égale doit être portée aux dispositifs spécifiques applicables en outre-mer (allègements LODEOM) et à certains secteurs d'activité (allègements AAD - Aide à Domicile). Ces dispositifs plus généreux que la RGCS répondent à des impératifs liés à l'emploi (chômage plus important, lutte contre le travail au noir etc...). Les modifier actuellement risquerait de rajouter de l'huile sur un feu déjà bien nourri... », conclut-il.
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