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[Dossier] Nouvelles compétences, recrutement, management... Quand la fonction se transforme

[Dossier] Nouvelles compétences, recrutement, management... Quand la fonction se transforme

Sommaire :

1. Des financiers à la fois business partners et geeks

2. Frédéric Blond, Daf de transition : « On n'a pas besoin d'outils mais d'être en contact avec les opérationnels »

3. L'acquisition de compétences, une question de management


1. Des financiers à la fois business partners et geeks

La société se transforme, l'économie mute... et les directions financières évoluent ! Au gré des changements de son éco-système (digitalisation, crise, attentes des différentes parties prenantes...), le Daf voit son rôle s'élargir. Il n'est plus seulement le gardien du temple, celui qui approuve ou désapprouve les investissements. Désormais, il aide la direction générale à avoir une meilleure visibilité pour prendre des décisions stratégiques, il accompagne les métiers dans la réalisation de leurs tâches pour plus de performance, rassure financeurs et actionnaires via une communication transparente... tout en s'assurant que le cash rentre toujours bien. Des missions plus larges qu'il partage avec ses équipes qui ne sont plus simplement des comptables ou des contrôleurs de gestion mais des « business partners », des data analysts ou encore des credit managers. Autant de nouvelles compétences demandés aux financiers qu'il s'agit d'acquérir en interne ou via des recrutements.

La crise transforme la Daf

Difficile de parler de l'évolution des compétences des équipes des directions financières sans évoquer la crise actuelle. Les impacts de la période que nous vivons sur le rôle des financiers sont nombreux. Tout d'abord, la gestion du cash est redevenue prioritaire, pour permettre aux entreprises de traverser la situation sans trop d'encombre. « Avant la crise sanitaire, on demandait aux financiers de lever des fonds ; ils doivent désormais savoir gérer un plan de trésorerie », constate Patrick Abadie, fondateur de Delville Management. Il s'agit en fait de donner de la visibilité aux différentes parties prenantes - notamment aux actionnaires et aux banques - à travers des plans de financement, des plans de gestion de trésorerie ou encore des business plans avec hypothèses.

Des profils compétents en gestion du cash sont donc recherchés : la « culture cash » est revenue sur le devant de la scène. « Il est demandé aux financiers d'avoir une meilleure vision de la trésorerie, des stocks, des créances clients. Ce qui les oblige à se rapprocher du business », note Ilann Boukais, senior manager au sein de la division Finance de Robert Walters. La crise sanitaire permettrait-elle aux directions financières de devenir enfin ces véritables « business partners » dont on parle depuis si longtemps ? Oualid Hathroubi, directeur chez Hays Paris, en est persuadé : « La direction financière a dû se rapprocher des équipes marketing et commerciales pour mieux gérer le cash et comprendre, par exemple, quels produits fonctionnent le mieux ». Il ne suffit donc plus d'être un bon technicien, il faut aussi savoir échanger avec les autres fonctions.

Pour Anthony Baron, co-fondateur d'Adequancy, cette « culture cash », s'accompagne nécessairement d'une digitalisation. La crise a en effet accéléré la digitalisation des directions financières, notamment pour fournir des modèles de prévision plus fins. Une tendance qui renforce l'attrait pour des profils de financiers un peu « geeks ». « Il est attendu des financiers qu'ils apportent de la visibilité sur la santé financière des entreprises à travers des outils de reporting, de forecast. On va donc rechercher à recruter des profils orientés IT, digital. Des compétences en paramétrages, qui évitent de passer par des intégrateurs, sont notamment très recherchées », indique-t-il.

Par ces transformations nécessaires, ces évolutions, la crise que nous vivons a réorganisé le fonctionnement des directions financières. Et les équipes ont dû s'adapter. « Le Covid désorganise les entreprises et les process mis en place avant la crise. Les financiers doivent donc être agiles, s'adapter aux nouvelles tâches qui leur sont dévolues et également savoir bien gérer le stress », avance Patrick Abadie. « De manière générale, il est attendu des candidats de la flexibilité, une capacité d'adaptation... D'autant plus en ces périodes de confinement », abonde Aurélien Boucly, associate business director chez Robert Half France. La direction financière a donc toujours besoin de techniciens mais également de profils plus agiles. « Les financiers doivent savoir travailler en mode projet, se réinventer, travailler dans une environnement à l'évolution incertaine », énumère Ilann Boukais, soulignant que cette tendance préexistante à la crise s'est accélérée avec le Covid.

La digitalisation au coeur des nouvelles compétences

En effet, beaucoup des tendances dont nous venons de parler ne sont pas nouvelles mais sont montées en puissance avec la crise. Du côté de l'IT, par exemple, l'avènement du big data et de l'intelligence artificielle a fortement transformé les entreprises, ce qui s'est répercuté sur les directions financières. « Il est attendu des Daf qu'ils prennent en charge des problématiques de fiabilité des données. Ce qui veut dire que le « quantitative analysis » et les statistiques reprennent du sens dans les compétences qu'il faut avoir au sein de ses équipes », remarque Mikael Deiller, directeur senior chez Michael Page. Au-delà de maîtriser les techniques autour de la gestion de la données, les outils d'intelligence artificielle et d'automatisation obligent les financiers à adopter un autre rôle, à plus haute valeur ajoutée : ils ne saisissent plus les informations mais les rendent exploitables, pour faire des prévisions, rendre les données exploitables auprès des métiers...

Mais ces outils doivent être soigneusement choisis et implémentés, en fonction des besoins de l'entreprise. Une nouvelle compétence que doivent désormais posséder les équipes financières. « Les équipes de la direction financière sont désormais plus sur de la maîtrise d'ouvrage », observe Fabien Richard, directeur associé d'Axys Consultants. Il voit émerger dans les directions financières des profils dédiés à l'évolution des compétences et des pratiques afin de s'assurer que la fonction évolue dans le bons sens, intègre bien les changements. « Des acteurs sont là pour aider à identifier les axes d'amélioration », complète Lionel Bianchi, également directeur associé d'Axys Consultants.

Pour Lionel Bianchi, la montée en puissance des outils digitaux a également accéléré le côté « business partner » de la fonction financière : « Un dialogue entre la finance et les opérationnels s'est mis en place grâce à la data : alors que les différentes directions travaillaient jusqu'à présent de manière silotée, des référentiels communs ont été développés, obligeant les équipes à travailler ensemble ». Ce nouveau rôle de « business partners » des financiers oblige ces derniers à développer des qualités en communication. « Le jargon particulier de la finance nécessite notamment de la pédagogie pour bien expliquer ce que la finance peut apporter », pointe Anthony Baron.

Si les hard skills des financiers, leurs compétences techniques, sont toujours valorisées, les directions financières se sont elles aussi converties à la mode des soft skills, c'est-à-dire du savoir-être : « La communication est plus importante afin de conduire le changement, d'influencer, de s'adapter... dans un monde plus mouvant et plus interconnecté », conclut Mikael Deiller. Après la crise, l'incertitude demeurera ainsi que les évolutions rapides et constantes : les équipes financières devront toujours faire preuve d'agilité et de pédagogie pour mener les projets de transformation nécessaires.

Michel Grigner, Daf de Hays : « Les personnes ont évolué à des fonctions de contrôle et de paramétrage »

Daf de Hays depuis 10 ans, Michel Grigner est aux premières loges pour constater l'évolution des équipes financières. « Depuis 6 ans ont lieu une automatisation et une dématérialisation de l'ensemble des opérations de back office : 80% des flux sont totalement automatisés. Ainsi, les personnes qui ne faisaient que de la saisie ont disparus pour occuper des fonctions de contrôle, de gestion de l'exception mais aussi de paramétrage », rapporte-t-il. Une évolution qu'il a fallu accompagner à travers de la communication, beaucoup d'explications, un discours rassurant et évidemment des formations. Le Daf a aussi dû accompagner les personnes qui ont souhaité quitter l'entreprise. « 25/30% n'ont pas réussi à suivre l'évolution malgré les formations et la pédagogie », déplore Michel Grigner qui trouve les métiers actuels des financiers plus attractifs. Il a donc aussi fallu recruter. « Au-delà de compétences techniques de paramétrages, ou tout du moins un vernis IT qui permet d'exprimer clairement les besoins, je recherche des personnes curieuses, capables d'écouter, de rassurer », raconte le Daf. Michel Grigner invite en effet ses équipes à sortir de leur bureau pour avoir une vision d'ensemble de leur travail, en connaître la finalité.

2. Frédéric Blond, Daf de transition : « On n'a pas besoin d'outils mais d'être en contact avec les opérationnels »

Pas de doute pour Frédéric Blond : les directions administratives et financières se doivent d'être des business partners. Ce qui veut dire que les collaborateurs de la fonction finance sont désormais au plus près des métiers, pour les accompagner mais aussi gagner leur confiance et accéder à toutes les informations nécessaires à la bonne réalisation de leur mission de pilotage.

En tant que Daf de transition, Frédéric Blond accompagne les transformations des directions administratives et financières. Et donc de leurs équipes. Un des sujets qu'il traite ces derniers temps et de faire de la fonction financière une véritable fonction support. « Au niveau de la fonction de contrôle de gestion, je cherche à réduire le nombre de collaborateurs du siège pour mettre davantage de contrôleurs de gestion sur le terrain », rapporte-t-il, soulignant que la problématique pour les comptables est toute autre : ils sont eux, au contraire, plus efficaces centralisés au sien d'un CSP (centre de services partagés). Ce maillage des contrôleurs de gestion dans toute l'entreprise est important pour mieux accompagner les métiers mais aussi pour permettre au Daf d'être présent partout. « L'information remonte plus vite et surtout on accède à des signaux faibles qui ne sont révélés que par des conversations non officielles », raconte Frédéric Blond.



C'est en effet, par des échanges réguliers avec les autres fonctions que les contrôleurs de gestion peuvent être mis au courant de problématiques économiques, budgétaires ou encore de malversations. Autant d'alertes qui sont ainsi prises en charge plus rapidement. « Le lien humain est important dans nos métiers. J'insiste pour que les financiers sortent de leur bulle, se détachent de leurs écrans, de leurs outils : pour être au courant de ce qui se passe vraiment, on n'a pas besoin d'outils mais d'être en contact avec les opérationnels. Un bon financier est quelqu'un qui est en relation avec les gens afin de savoir ce qui se passe pour éclairer la direction générale sur le situation de l'entreprise », indique-t-il.

L'importance du sentiment d'appartenance

Si cette transformation de la direction financière est nécessaire, elle induit une animation différente des équipes. « Il faut réussir à créer un sentiment d'appartenance à la direction financière même pour les équipes qui ne sont pas présentes physiquement au siège. Cela permet de trouver des éléments de partage, d'échanges...», pointe Frédéric Blond. Il recommande d'animer ses équipes finances, en incluant les collaborateurs qui ne sont pas au siège, via des événements qui permettent aux gens de se retrouver et d'échanger sur leurs bonnes pratiques. « Mon rôle est de promouvoir cela, de mettre en avant les expériences de chacun, d'un bout à l'autre de l'entreprise », pense Frédéric Blond. Il estime par ailleurs que, même loin physiquement, les contrôleurs de gestion présents auprès des métiers doivent bien connaître leur manager pour pouvoir lui faire part de difficultés mais également de désirs d'évolution. Même s'il n'est pas physiquement à côté de ses équipes, le Daf doit continuer à les manager, à se soucier de leur évolution.



Cette présence est d'autant plus importante qu'il s'agit de faire accepter aux équipes financière leur rôle de fonction support du business. Ce qui n'est pas toujours facile. « Je crée l'envie de la transformation en vendant du rêve, en parlant de mes expériences passées, en leur montrant où je veux aller », énumère Frédéric Blond. Le Daf s'appuie également sur des alliés, les personnes au sein de la direction financière qui adhèrent au projet et qui peuvent créer un effet boule de neige auprès des autres collaborateurs. « Fonctionner ainsi est peut-être plus lent au démarrage mais on regagne très vite le temps perdu », note Frédéric Blond. D'autant plus que l'enjeu de cette transformation de la Daf en fonction support est de taille : faire de la direction financière une fonction reconnue, sur laquelle on peut s'appuyer. « Une direction financière non crédible risque d'être mise de côté et de voir des informations lui être dissimulées », conclut le Daf. Or, sans information, pas de pilotage de la performance.

3. L'acquisition de compétences, une question de management

Si les équipes de la direction financière doivent évoluer, acquérir de nouvelles compétences, c'est à leur manager, le Daf lui-même, de les accompagner. Cela passe par plusieurs leviers : le recrutement, tout d'abord, pour acquérir des profils que l'on ne possède pas ; mais aussi l'accompagnement au changement des équipes existantes, afin de les amener vers les nouvelles compétences que l'on attend d'elles. Le Daf doit faire sa révolution en termes de management, pour conduire la transformation de la direction financière. Mais aussi coller aux nouvelles attentes des équipes et aux nouvelles tendances, de plus en plus collaboratives.

Séduire les candidats

Pour acquérir de nouvelles compétences au sein des directions financières, il est souvent nécessaire de recruter. Mais la façon de recruter doit évoluer pour trouver les nouveaux profils dont la Daf a besoin. « Il faut être en capacité de s'ouvrir à d'autres parcours. Et cela passe par une meilleure connaissance de l'entreprise, de la direction financière, mais aussi des besoins actuels et futurs. Il faut réussir à se projeter pour intégrer les bonnes personnes », conseille Mikaël Deiller, directeur senior chez Michael Page. Il ne s'agit en effet pas de garder les mêmes schémas de recrutement : on aboutirait aux mêmes profils et la transformation ne se ferait pas. On peut donc s'ouvrir à d'autres formations, d'autres parcours... Et mettre en avant les soft skills recherchées, ces qualités de savoir-être qui deviennent de plus en plus importante. Sur ce point, il peut être judicieux de se faire accompagner de professionnels qui aideront à définir, dans la rédaction de l'annonce, les profils les plus adaptés à ce que l'on recherche. Aurélien Boucly, associate business director chez Robert Half France, met cependant en garde contre la recherche d'un profil trop qualifié par rapport au poste proposé. « Les candidats sont attentifs à leur progression en termes de périmètre, de responsabilité, de salaire par rapport au poste occupé. Les Daf doivent en être conscients et donc être réalistes sur leur capacité à attirer tel ou tel profil. »



Lors de l'entretien de recrutement en lui-même, pour dégager la personnalité du candidat et s'assurer qu'elle correspond à ce qui est attendu, ne pas hésiter à aller sur d'autres questions, moins techniques, plus personnelles... L'entretien de recrutement doit aussi être l'occasion de séduire le candidat, de lui donner envie de rejoindre l'entreprise, tant les profils désormais recherchés sont peu nombreux et très courtisés. Mikaël Deiller invite à raconter une histoire celle de l'entreprise, de sa vision. Il propose aussi de s'appuyer sur des certifications comme « Great Place To Work ». Anthony Baron, co-fondateur d'Adequancy, incite quant à lui à donner du sens pour recruter plus facilement. « Les candidats doivent avoir le sentiment que leur rôle ne se cantonnera pas à de la production mais qu'il sera transverse, qu'ils mèneront des projets », avance-t-il. Pour Lionel Bianchi, directeur associé d'Axys Consultants, donner du sens passe par une présentation de nouveaux projets novateurs qui ont lieu au sein de l'entreprise.

Mais aussi au sein de la direction financière : il ne faut pas oublier que c'est la Daf que les candidats intègreront et c'est elle aussi qu'il faut montrer sous son meilleur jour. Présenter en détail des projets sur lesquels le candidat va être amené à travailler peut donner envie et motiver. Mikaël Deiller conseille de mettre en avant des prix obtenus dans le domaine de finance. « Il faut développer la marque employeur d'un département, au-delà de la marque employeur d'une entreprise, recommande-t-il. Participer à des prix permet de créer une aura ». Citons notamment les Trophées Daf organisés par Daf Magazine qui mettent en avant les projets réalisés au sein des directions financières.



Autre manière de donner envie aux candidats de travailler pour sa direction financière : inviter un membre de l'équipe lors de l'entretien. « Le candidat va travailler avec ce salarié et il est important que l'entente soit bonne : depuis quelques années, la rémunération n'est plus le critère n°1 dans le choix d'un poste mais son intérêt et l'ambiance », souligne Oualid Hathroubi, directeur chez Hays Paris. Or l'entente avec les collègues est primordiale en termes d'ambiance : si le courant passe entre le candidat et le salarié, l'affaire est dans la poche. « Changer de job représente toujours un risque, une incertitude. Il s'agit donc de rassurer les candidats en créant du lien avec lui. Les candidats souhaitent rejoindre une aventure humaine qui a du sens », confie Ilann Boukais, senior manager au sein de la division Finance de Robert Walters.

Aurélien Boucly rappelle qu'avec la crise sanitaire les candidats ont davantage de choix. « Ils prennent le temps de réfléchir à deux fois ». La crise sanitaire apporte cependant un avantage aux recruteurs : avec le télétravail, il n'est plus nécessaire d'habiter près de l'entreprise pour laquelle on travaille. « Cela peut résoudre un problème d'attractivité puisque le staffing peut être mondial », imagine Laurent Dequeant, associé Oresys : l'expert en cybersécurité ardemment recherché peut habiter en Suède ou en Espagne.

Accompagner le changement

« Un recruté ne remplace pas un ancien collaborateur, ce n'est pas une question de substitution mais de transformation », tient à souligner Pascal de Lima, chef économiste d'Harwell Management et auteur de l'ouvrage « Capitalisme et Technologie : les liaisons dangereuses - Vers les métiers de demain » (éditions Forbes). Et d'expliquer : « Il s'agit de développer une complémentarité entre l'ancien et le nouveau monde ». Autrement dit, le recrutement ne suffit pas à faire évoluer la direction financière vers les nouvelles compétences recherchées : il faut aussi accompagner les équipes existantes. Cela passe bien sûr par de la formation. « Cela consiste à actualiser les compétences afin d'accompagner les sujets de demain mais aussi de déployer l'employabilité des salariés », précise Mikaël Deiller qui rappelle que les financiers attendent de leur entreprise d'être formés. « Cela va dans les deux sens, poursuit-il. On forme parce qu'il y a des besoins mais aussi parce que les financiers ont envie d'être formés. »

Anthony Baron pense que le Daf doit se soucier de l'évolution de ses équipes et de leurs perspectives. « C'est de la responsabilité du Daf d'attribuer aux membres de son équipe des tâches en fonction de leurs envies et de leurs compétences. Si une réorganisation est nécessaire, il faut alors la mener », affirme-t-il. Il conseille également de travailler étroitement avec la direction des ressources humaines sur les plans de formations. Pour Lionel Bianchi, directeur associé d'Axys Consultants, c'est la question de l'employabilité qui est essentielle au sein des directions financières, notamment pour les métiers en danger, comme ceux de la comptabilité transactionnelle. « Il faut réussir à créer des passerelles à l'intérieur de la Daf ; or c'est souvent cloisonné entre la comptabilité, les contrôle de gestion... La mobilité à l'intérieur de la direction financière est un véritable challenge à relever. » Pascal de Lima parle quant à lui de matrices de reconversion qui peuvent aider les équipes à se projeter dans leur métier dans dix ans, aussi bien au niveau des hard que des soft skills.



La formation est souvent un passage obligé, donc. Mais encore faut-il trouver la bonne ! Fabien Richard, directeur associé d'Axys Consultants, dit intervenir dans un cursus de la filière gestion de Dauphine pour acculturer les équipes financières sur la data et l'IA et leur apprendre à les utiliser dans leur métier ; Pascal de Lima est quant à lui professeur à aivancity, une école hybride à mission issue de la loi Pacte spécialisée dans les formations en intelligence artificielle et data science. Ces formations peuvent aussi avoir lieu en entreprise ou via des séances de coaching. Ce qui peut permettre de faire évoluer les personnes non pas uniquement techniquement mais aussi humainement, d'acquérir les fameuses soft skills. Pascal de Lima parle des méthodes de brainstorming ou d'ice breaking, des jeux, ou encore des casques de réalité virtuelle. « Ces derniers sont intéressants pour développer le sens de l'interaction avec les autres. »

Au-delà de nouvelles compétences, il s'agit aussi d'adopter une nouvelle culture, une nouvelle organisation, de nouveaux réflexes. Fabien Richard conseille d'aider dans ce changement de culture à travers des projets pilotes qui embarquent les nouvelles façons de faire. Pour Oualid Hathroubi, on peut imaginer des actions du style « Vis ma vie » : les financiers passent une journée auprès des commerciaux pour voir leur façon de travailler. De quoi permettre ensuite un meilleur accompagnement des métiers. Cette ouverture vers les autres fonctions est, d'après Ilann Boukais, une envie des équipes financières, qui souhaitent monter en compétences sur d'autres sujets que la finance pure. Il imagine la tenue de webinars lors desquels des responsables au sein d'autres directions présentent leur métier.

Quelles que soient les techniques utilisées pour faire acquérir ces nouvelles façons de travailler aux équipes financières, Patrick Abadie, fondateur de Delville Management, souligne l'importance de faire des feedbacks réguliers aux équipes. « Quand les équipes sont en train d'acquérir de nouvelles compétences ou d'adopter de nouveaux process, il est nécessaire de faire des retours sur ce qui est bien et sur ce qui est moins bien. » Fabien Richard préconise quant à lui de communiquer sur les résultats et les apports de ces projets réalisés avec les nouvelles façons de faire.

Un management plus collaboratif

Cet accompagnement du changement nécessite donc de mettre en place un management différent, plus à l'écoute de ses équipes. « Ce n'est pas la même chose de manager une équipe plus hétérogène, avec des compétences et des parcours différents. Il faut s'adapter aux différentes personnalités, aux différents profils », pointe Mikaël Deiller qui prône un management plus horizontal. Ce qui correspond finalement aux attentes actuelles des salariés qui souhaitent une évolution vers du management collaboratif. Pourquoi ne pas aller encore plus loin et adopter une posture davantage participative, plus dans l'ère du temps ? « Il s'agit de donner du contenu aux équipes afin de leur expliquer la trajectoire de leurs missions, et notamment l'impact qu'elles auront sur le business », décrit Anthony Baron, proposant de co-construire avec les équipes une feuille de route qui définit un cap vers lequel tous les collaborateurs s'engagent. Lionel Bianchi parle aussi de co-construction d'une feuille de route, dans l'idée de rendre les équipes actrices. Pour rendre effective cette co-construction, il invite à utiliser des outils collaboratifs ou encore des workshops du type « le dur, le mou, le flou » qui permettent d'identifier et de résoudre ensemble des problèmes. « Ce genre d'outil est très apprécié parce que tout le monde peut s'exprimer », indique Lionel Bianchi.



Cette nouvelle façon de manager correspond d'autant plus aux nouvelles façons de travailler que le télétravail s'est imposé avec la crise sanitaire. En effet, les Daf doivent faire davantage confiance à leurs équipes et cet état de fait, l'acquisition de cette autonomie, ne devrait pas connaître de retour en arrière une fois les personnes de nouveau présentes physiquement sur leur lieu de travail. « Les gens ont besoin qu'on leur fasse confiance, qu'on leur confère des responsabilités », constate Patrick Abadie. Ce qui, de plus, peut être bénéfique pour la direction financière : d'après une étude Objectif Cash sur le management menée courant avril 2021 auprès de CEO et CFO, 60% des dirigeants reconnaissent qu'avec le télétravail leurs équipes ont progressé dans l'affirmation de soi et la prise de parole en public et 53% ont vu des personnes se révéler, devenir plus efficaces. Mais ce management collaboratif nécessite du temps, de la patience, de l'écoute, d'adapter son management à chaque personne. Or, l'étude d'Objectif Cash révèle que 81% des dirigeants consacrent moins de 20 % de leur temps au management de leurs équipes. Il est temps de redonner au management ses lettres de noblesse.

A retenir

- Pour acquérir de nouvelles compétences, le recrutement est un passage obligé : le Daf doit se préparer à accueillir de nouveaux profils, atypiques, et donc à les séduire via une présentation de projets novateurs au sein de la direction financière

- Mais les recrutés ne vont pas remplacer l'ensemble des équipes : les collaborateurs existants doivent être accompagnés dans l'acquisition de nouvelles compétences via des formations et du coaching

- C'est aussi une nouvelle culture, une nouvelle organisation qu'il faut mettre en place via des projets pilotes et surtout une communication sur les apports des nouvelles façons de travailler

- Pour accompagner le changement, le management doit évoluer et devenir plus collaboratif : cela répond de plus à une attente des salariés, en quête d'autonomie

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