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Pacte Dutreil : qu'en est-il de la transmission d'entreprise aujourd'hui ?

Les chiffres sont éloquents : 185 000 entreprises seraient susceptibles d'être cédées chaque année. L'enjeu est de taille puisqu'il s'agit de conserver des savoir-faire, des emplois, et un tissu entrepreneurial dynamique.

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Pacte Dutreil : qu'en est-il de la transmission d'entreprise aujourd'hui ?
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Dans ce cadre, plusieurs réformes ont été mises en place afin de permettre la pérennisation du tissu économique Français. Le pacte Dutreil en est une mesure phare. En effet ce dispositif permet, dans le cadre de la transmission des titres d'une société ou d'une entreprise individuelle, de bénéficier d'une exonération de 75% sur la valeur des titres ou de l'entreprise.

Il peut s'agir d'une transmission par succession ou donation, peu importe que la transmission s'opère en pleine propriété ou dans le cadre d'un démembrement de propriété. En contrepartie, plusieurs conditions sont à respecter.

Un dispositif de transmission facilité en 2019

Assoupli par la loi de Finances 2019, le régime juridique et fiscal du pacte Dutreil prévoit plusieurs conditions d'exonération :

1. La société dont les titres sont cédés doit exercer une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale ;

2. Un engagement collectif de conservation des titres d'au moins deux ans doit être pris par le donateur et ses ayants-droits et porter sur au moins 17% et 34% de ces mêmes droits (34% des droits financiers et des droits de vote pour les engagements souscrits avant 2019) lorsqu'il s'agit de titres de sociétés non cotées ;

3. Après la transmission des titres et à la fin de l'engagement collectif d'une durée de deux ans, un engagement individuel de conservation doit être pris par les héritiers ou donataires pour une durée minimale de quatre ans ;

4. L'exercice, sous condition, d'une activité principale ou d'une fonction de direction pendant les trois années qui suivent la transmission.

Lorsque l'ensemble de ces conditions sont respectées, chaque héritier ou légataire bénéficie d'un abattement de 75% sur les titres de l'entreprise. Ce dispositif facilite et garantit la transmission de l'entreprise, offrant aux bénéficiaires une réduction drastique des coûts habituellement associés à la transmission d'entreprise.

De plus, il est noté que la Loi de Finances pour 2019 a modernisé le dispositif Dutreil-Transmission : il est désormais possible pour les signataires, pendant la période d'engagement collectif, d'apporter leurs titres à une société holding.

Des commentaires en consultation publique en faveur d'un durcissement ?

Du 6 avril au 6 juin 2021, l'administration fiscale a soumis ses commentaires sur le pacte Dutreil à consultation publique. Sont notamment à l'étude :

L'élargissement du dispositif aux sociétés en participation et aux sociétés créées de fait

En principe, la transmission de telles structures est exclue du dispositif d'exonération en ce qu'elle ne concerne pas des titres représentatifs du capital d'une personne morale. Toutefois, l'administration admet " que l'exonération s'applique à une société sans personnalité morale lorsque l'acte constitutif de la société a été enregistré ou lorsque sa formation a été déclarée à l'administration fiscale ".

L'admission d'un changement d'activité

La société doit conserver son activité éligible au bénéfice de l'exonération pendant toute la durée de l'engagement collectif et individuel de conservation. Le changement d'activité pendant cette durée est toutefois possible lorsque l'activité nouvelle est exercée immédiatement après ou concomitamment avec l'ancienne, et revêt une nature industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale.

La confirmation de l'exclusion du dispositif aux activités de location meublée

Si l'administration fiscale a pu considérer par le passé que l'activité de loueur en meublé à usage d'habitation exercée à titre habituel est éligible au dispositif d'exonération, elle l'exclue désormais expressément dans ses commentaires.

Condition tenant à l'exercice de la fonction de direction

L'un des principaux débats concerne l'obligation pour l'un des héritiers d'assurer la direction de l'entreprise une fois les titres transmis. Dans de nombreuses entreprises, l'héritier ou le donataire n'a pas vocation à assurer un tel poste à responsabilité. Qu'en sera-t-il dans le cas d'un héritier mineur ou d'une personne non formée à la gestion d'une telle structure ? Une transmission soumise à cette règle pourrait ainsi avoir de lourdes conséquences, voire être source de conflit, face à des collaborateurs impliqués et destinés à la direction de l'entreprise.

Alors que le constat sur l'insuffisance des transmissions et cessions d'entreprises est récurrent en France et que les concernées manquent souvent de préparation, quel signal enverrait un durcissement du pacte Dutreil ? Il faut compter une dizaine d'années pour préparer une transmission dans de bonnes conditions. Installer de nouvelles contraintes pour bénéficier de l'abattement fiscal du pacte Dutreil pourrait s'avérer dangereux. Qui plus est, les entreprises sortent d'une année complexe et vont avoir besoin de temps pour effacer les traces de la crise sanitaire et économique. Les entreprises qui retrouveront leur niveau d'activité rapidement devront elles-mêmes jongler entre remboursements, gestion de trésorerie et investissements.

L'enjeu est de taille et l'illustration parlante : pour la transmission d'une entreprise en pleine propriété évaluée à un million d'euros, les droits de donation sans pacte Dutreil peuvent être estimés à 100K€ et à 20K€ avec le pacte Dutreil actuel. Les résultats de la consultation publique sont à l'étude et l'administration fiscale n'a pas encore annoncée de date de publication définitive. Une chose est sure, réduire voire supprimer, des avantages sur lesquels s'appuient les entreprises, notamment les PME/ETI, c'est prendre le risque de " perdre " des entreprises françaises qui ne sauraient/pourraient plus être transmises.

Pour en savoir plus

Frédéric Thienpont est associé chez GMBA, cabinet d'expertise comptable, d'audit et de conseil, et responsable de la ligne de services "Fiscalité & Gestion du patrimoine". Il accompagne des entreprises et des particuliers autour de leurs problématiques patrimoniales (stratégie d'investissement, cession d'entreprise ou de fonds de commerce...), de questions fiscales complexes (intégration fiscale, prix de transfert, problématiques TVA, TASCOM...) ainsi qu'en matière de contentieux de la fiscalité (IRPP, IFI, exonération des plus-values...).


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