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Avis d'expert - L'essentiel à savoir sur le dispositif des lanceurs d'alerte

Plus que jamais d'actualité, le dispositif relatif aux lanceurs d'alerte a été récemment précisé et renforcé. Qu'y a-t-il à savoir sur les obligations des entreprises ? Quelle procédure mettre en place ? Quelle protection pour les lanceurs d'alerte ? Eclairage.

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Avis d'expert - L'essentiel à savoir sur le dispositif des lanceurs d'alerte

Initiée par la loi relative à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière, la protection du lanceur d'alerte a été étendue par la loi dite Sapin 2 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique.

La protection s'applique aux personnes physiques qui révèlent des faits graves : crimes, délits et autres violations graves de règles de droit, ou encore menaces ou préjudices graves pour l'intérêt général.

Les dispositions de la loi du 21 mars 2022 sont venues renforcer les garanties offertes aux personnes qui signalent ou divulguent publiquement, dans l'intérêt public, des informations sensibles, voire confidentielles. Elles transposent la directive du 23 octobre 2019 sur la protection des personnes qui signalent des violations du droit de l'Union.

Enfin, le décret du 3 octobre 2022 précise les procédures de recueil et de traitement des signalements et fixe la liste des autorités externes visant à améliorer la protection des lanceurs d'alerte.

Qui sont les lanceurs d'alerte ?

Un lanceur d'alerte est une personne physique qui signale ou divulgue, sans contrepartie financière directe et de bonne foi, des informations obtenues dans le cadre de l'activité professionnelle ou dont il a eu personnellement connaissance, et portant sur un crime, un délit, une menace ou un préjudice pour l'intérêt général. Il peut également s'agir d'une violation (ou une tentative de dissimulation de cette violation) d'un engagement international de la France.

Il peut s'agir d'un salarié ou d'un ancien salarié, mais également de personnes qui se sont portées candidates à un emploi.

Quelles entreprises sont concernées ?

Les entreprises employant au moins 50 salariés sont tenues d'établir une procédure interne de recueil et de traitement des signalements, après consultation du comité social et économique.

Les entreprises ne dépassant pas 250 salariés ont la possibilité, sous certaines conditions, de mettre en commun le canal de réception des signalements ainsi que l'évaluation de l'exactitude des allégations formulées dans le signalement.

Pour les entreprises ne disposant pas d'une telle procédure interne, les lanceurs d'alerte peuvent effectuer leurs signalements à leur supérieur hiérarchique direct ou indirect, à l'employeur ou à un référent désigné par celui-ci.

Le règlement intérieur, obligatoire dans les entreprises d'au moins 50 salariés, doit comporter, depuis le 1er septembre 2022, une clause rappelant l'existence du dispositif de protection des lanceurs d'alerte. Il ne s'agit pas de préciser le contenu de ce dispositif mais uniquement d'en mentionner l'existence.

Comment recueillir et traiter les alertes ?

Deux canaux de signalement existent : interne à l'entreprise (supérieur hiérarchique, employeur ou référent désigné à cet effet), ou externe auprès d'une autorité désignée par le décret (DGCCRF, HAS, CNIL, DGT, DGEFP etc) ou du défenseur des droits, de l'autorité judiciaire ou enfin de l'institution, l'organe ou l'organisme de l'Union européenne compétent s'agissant d'une violation d'un droit de l'UE.

Le signalement externe doit préciser si un signalement interne a ou non été transmis.

Les délais de traitement sont précisés par le décret

L'article 9 de la loi Sapin 2 impose par ailleurs que les procédures assurent une stricte confidentialité de l'identité de l'auteur du signalement, des personnes visées par celui-ci et des informations recueillies. Les éléments permettant d'identifier le lanceur d'alerte ne peuvent être divulgués, sauf à l'autorité judiciaire, qu'avec le consentement de celui-ci. S'agissant des éléments de nature à identifier la personne mise en cause, ils ne peuvent être divulgués, sauf à l'autorité judiciaire, qu'une fois établi le caractère fondé de l'alerte. La divulgation de ces informations est passible de deux ans d'emprisonnement et de 30.000 € d'amende.

La divulgation publique est possible uniquement à l'expiration d'un délai de 3 ou 6 mois, selon l'autorité, suivant un signalement, en cas de danger grave et imminent, ou manifeste pour l'intérêt général, ou lorsque le recours au canal externe fait courir à son auteur un risque de représailles ou ne permettrait pas de remédier efficacement à l'objet de la divulgation.

Quelle est la protection du lanceur d'alerte ?

Le lanceur d'alerte bénéficie dans certaines conditions d'une immunité pénale et civile, ainsi que d'une protection contre les mesures de représailles au titre de son contrat de travail. En effet, l'article L. 1132-3-3 du code du travail dispose qu'aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, pour avoir relaté ou témoigné, de bonne foi, de faits constitutifs d'un délit ou d'un crime dont il aurait eu connaissance dans l'exercice de ses fonctions ou pour avoir signalé une alerte. Le licenciement d'un lanceur d'alerte prononcé en méconnaissance de ce principe est nul (C. trav., art. L. 1132-4).

Enfin, le lanceur d'alerte peut bénéficier d'une aide financière et d'un soutien psychologique.

La protection s'étend aux facilitateurs, aux entités juridiques liées au lanceur d'alerte, ainsi qu'aux personnes physiques en lien avec celui-ci dans le cadre de leurs activités professionnelles et qui sont susceptibles de faire l'objet de représailles.

L'article 12 de la loi Sapin 2 prévoit qu'en cas de rupture du contrat de travail consécutive à un signalement, le lanceur d'alerte peut saisir le conseil de prud'hommes en référé.

Un arrêt du 1er février 2023 de la Cour de cassation nous donne un éclairage sur la portée du contrôle judiciaire. Une salariée a été licenciée après avoir émis une alerte mettant en cause son employeur. Elle a saisi la formation des référés au titre de la nullité de son licenciement. Déboutée en référé et en appel, la Cour de cassation estime quant à elle que dès lors que la qualité de lanceur d'alerte était reconnue, les juges auraient dû rechercher si l'employeur rapportait la preuve que sa décision de licencier était justifiée par des éléments objectifs étrangers à l'alerte.

Quelles sanctions en cas de non-respect du dispositif de protection ?

Il n'est pas prévu de sanction spécifique pour l'employeur qui n'aurait pas établi de procédure interne de signalement. Toutefois, la violation de l'obligation de sécurité pourrait être évoquée par un lanceur d'alerte en l'absence de cette procédure. Par ailleurs, l'intérêt pour l'entreprise d'établir des règles de procédure interne est de lui permettre d'identifier les risques signalés à un stade précoce et d'y mettre un terme rapidement. Ce dispositif interne permet à l'entreprise, en répondant à l'alerte et en mettant fin aux faits réprimés qui ont été signalés, d'éviter de rendre publics des scandales nuisant à sa réputation et d'éviter d'engager sa responsabilité pénale pour les faits signalés.

L'auteur : Emilie Meridjen, associée en droit social chez Sekri Valentin Zerrouk est la partenaire de sociétés françaises et étrangères qu'elle conseille dans l'élaboration et la mise en oeuvre de documentations et stratégies sociales pertinentes, pragmatiques et sécurisées. Elle défend également ses clients devant les juridictions du travail et de la sécurité sociale.


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