Congés payés durant les arrêts maladie : quelles conséquences pour les entreprises ?
La Cour de cassation a récemment jeté un pavé dans la mare en imposant aux employeurs d'octroyer des congés payés durant les arrêts maladie de leurs salariés. Une décision rétroactive, qui pose la question de la prescription et donc le poids sur les finances des entreprises.
C'est un changement majeur dans le domaine du droit aux congés payés en France. Trois arrêts de la Cour de cassation du 13 septembre 2023 obligent désormais les employeurs à fournir des congés payés pendant les arrêts maladie de leurs salariés même si cette absence n'est pas liée à un accident de travail ou à une maladie professionnelle. La Cour de cassation met ainsi en conformité le droit français avec le droit européen en matière de congé payé. Une mesure qui inquiète les entreprises. Celle-ci est notamment jugée "incompréhensible" et "inacceptable" par la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME). "Les conséquences financières d'une telle décision seraient désastreuses financièrement pour les entreprises. Cela renchérirait notablement le coût du travail", a-t-elle déploré dans un communiqué de presse. Jusqu'alors, le code du travail français octroyait 2,5 jours de congés payés au cours de chaque mois de travail effectif. Les arrêts de travail faisant suite à une maladie non professionnelle n'étaient pas assimilés par la législation française à du travail effectif, le salarié n'acquérait donc pas de congés payés. A contrario, les employés en arrêt maladie suite à une maladie professionnelle pouvait obtenir des congés payés, mais dans une limite d'un an. C'est désormais de l'histoire ancienne. "La Cour de cassation a fait sauter la limite de temps pour le cas des salariés en arrêt suite à une maladie professionnelle. Par ailleurs, les salariés en arrêt pour maladie simple doivent aussi acquérir des congés payés durant toute la durée de l'arrêt de travail", explique Louise Peugny, avocate associée au sein du cabinet Voltaire Avocats.
Quid de la rétroactivité ?
L'avocate conseille aux entreprises de se mettre en ordre de marche dès maintenant et de faire un état des lieux pour provisionner le risque et chiffrer le coût de cette régularisation. "Nous recommandons à nos clients de modifier leur logiciel de paye afin de permettre à leurs salariés d'acquérir des congés payés durant les arrêts maladie", confie-t-elle. Reste que le principe de rétroactivité pourrait peser lourd sur les finances de l'entreprise. "La jurisprudence est rétroactive. De fait, les salariés toujours présents dans l'entreprise et ayant été ultérieurement en arrêt maladie pourraient revendiquer leur droit à poser des congés payés mais ne pourront pas réclamer leur paiement. En revanche, ceux qui ont quitté l'entreprise pourraient demander à se faire payer une indemnité compensatrice de congés payés", informe-t-elle.
Des incertitudes concernant la prescription
Dans ce contexte, se pose la question de la prescription afin de savoir dans quelle limite de temps les salariés peuvent réclamer la pose ou le paiement des congés payés. "Dans un des arrêts du 13 septembre, la Cour de cassation indique que la durée de la prescription est de trois ans. Mais elle considère que le point de départ de ce délai de trois ans est l'expiration de la période légale ou conventionnelle au cours de laquelle les congés payés auraient pu être pris, à condition que l'employeur ait mis le salarié en mesure de prendre effectivement ses congés payés", détaille l'avocate. Concrètement, le salarié pourrait réclamer des jours de congés payés non obtenus durant des congés maladie sur toute la durée de la relation contractuelle, dans le cas où l'employeur appliquait le principe du code du travail français. "Cela reviendrait à faire de la demande de congés payés une demande imprescriptible. Cela pose donc un problème au regard du principe de sécurité juridique des entreprises et est contraire au principe de droit à la prescription", estime Louise Peugny. De fait, elle ne préconise pas, pour le moment, aux entreprises de régulariser de manière spontanée les situations antérieures à la décision de la Cour de cassation car il existe encore beaucoup d'incertitudes sur ce sujet de la prescription.
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