A la loupe : cinq outils de restructuration sociale
A l'occasion d'un colloque sur les enjeux sociaux des entreprises en difficulté organisé par l'IFPPC, l'organisation professionnelle des métiers de la restructuration d'entreprise, une table-ronde a plus particulièrement été consacrée aux outils de restructuration sociale dont disposent les entreprises. Zoom sur cinq d'entre eux.
Parce qu'elle est en difficulté ou parce qu'elle doit de se restructurer, une entreprise peut avoir besoin de faire évoluer sa masse salariale. A l'occasion d'un colloque sur les enjeux sociaux des entreprises en difficulté organisé par l'IFPPC (Institut Français des Praticiens des Procédures Collectives), l'organisation professionnelle des métiers de la restructuration d'entreprise, une table-ronde a mis en avant cinq outils de restructuration sociale qui sont apparus récemment ou ont connu une nouvelle jeunesse. Et qui peuvent être intéressants à mettre en oeuvre.
L'accord de performance collective (APC)
Institué en 2018 suite aux ordonnances Macron de 2017 modifiant le code du travail, l'accord de performance collective permet aux entreprises de faire évoluer la durée du travail ou son organisation, modifier la rémunération ou encore favoriser les mobilités internes. Et ce sans justification particulière.
Il faut par ailleurs souligner que les clauses de l'APC se substituent aux clauses contraires et incompatibles du contrat de travail. Mais, comme le nom de ce dispositif l'indique, un accord doit avoir été signé au niveau de l'entreprise ou de l'établissement. "Les salariés qui refuseraient ces réformes peuvent être licenciés. Mais l'objectif d'un tel accord n'est pas de licencier mais de rester à effectifs constants : des efforts sont demandés aux salariés pour passer une période difficile", a précisé Alexandre Fabre, professeur de droit.
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"C'est un dispositif qui a fait grincer les dents quand il a été mis en oeuvre, a reconnu Jacques Muller, délégué interministériel adjoint aux restructurations d'entreprises. Mais il est utile pour consolider la situation d'une entreprise". Et Valérie Leloup-Thomas, mandataire judiciaire, de compléter : "Ce dispositif peut être appliqué aux entreprises en difficulté mais aussi à celles qui souhaitent développer leur performance". Selon elle, cet outil permet notamment de prendre des mesures de prévention en amont. "Pour que cet outil soit efficace, il faut proportionner les contreparties aux efforts du salarié", a-t-elle prévenu.
L'activité partielle
Existant depuis longtemps, l'activité partielle a trouvé une nouvelle jeunesse avec la crise du Covid 19 et les difficultés d'approvisionnements que connaissent les entreprises aujourd'hui. Son principe consiste à faire prendre en charge par l'État les substituts de salaire, l'entreprise étant obligée de fermer ou d'imposer une réduction du temps de travail à ses salariés à cause de difficultés conjoncturelles, de problèmes d'approvisionnement ou encore de pandémie.
L'autorisation d'activité partielle est accordée pour une durée maximum de 3 mois, renouvelable dans la limite de six mois sur une période de référence glissante de 12 mois consécutifs.
L'activité partielle de longue durée (APLD)
Allant un peu plus loin que l'activité partielle, l'activité partielle de longue durée s'adresse aux entreprises confrontées à une réduction d'activité durable : il leur est permis de diminuer le temps de travail et de faire prendre en charge tout ou partie de la rémunération salariés par l'État en contrepartie d'engagements notamment en matière de maintien de l'emploi mais aussi de formation. " Le principal intérêt de l'APLD est de conserver les forces vives, le savoir-faire, et donc de pouvoir redémarrer quand l'activité repart", a souligné Jérôme Cabooter, administrateur judiciaire. Il a cependant insisté sur le risque de ne pas pas être en capacité de tenir ces engagements et de devoir rembourser les sommes perçues.
Le frein principal réside selon Jérôme Cabooter dans la limitation de la réduction du temps de travail : elle ne peut en effet pas dépasser 40 % de l'horaire légal par salarié, sur la durée totale de l'accord. Par contre, cette formule peut être mise en place pour une durée de 24 mois, consécutifs ou non, sur une période de 36 mois consécutifs et les taux de l'allocation sont plus avantageux que ceux de l'activité partielle. "Contrairement à l'activité partielle décidée unilatéralement par le chef d'entreprise, l'APLD nécessite un accord collectif", a ajouté Alexandre Fabre.
Le dispositif Transitions collectives (Transco)
Lancé le 15 janvier 2021 par le gouvernement, le dispositif Transitions collectives (Transco) offre la possibilité aux entreprises d'anticiper les mutations d'emploi : il est en effet possible de réorienter les salariés occupant des emplois "fragilisés" au sein de sa structure vers des métiers "porteurs" dans une autre société via notamment de la formation financée tout ou partie par l'État. L'identification des emplois "fragilisés" doit conduire à un accord de type Gestion des emplois et des parcours professionnels (GEPP) : un dialogue sur le sujet doit donc être engagé avec les partenaires sociaux. A noter que ce dispositif est basé sur le volontariat des salariés.
"C'est un dispositif récent pour lequel nous n'avons pas encore beaucoup de recul. Mais c'est intéressant : un certain nombres d'entreprises savent que certains de leurs métiers sont condamnés et Transco leur permet d'anticiper en mutualisant leurs contraintes avec celles d'entreprises en voie de développement sur un même bassin d'emploi", a jugé Jacques Muller qui pense que le frein peut venir des salariés, qui peuvent préférer attendre un PSE.
La rupture conventionnelle collective (RCC)
Instaurée également par les ordonnances Macron de 2017, la rupture conventionnelle collective permet aux entreprises de rompre le contrat de travail de plusieurs salariés volontaires sans nécessité de motif économique. Un accord définissant les modalités de la rupture conventionnelle collective doit avoir été signé et validé par l'autorité administrative. "Cet accord permet de fixer des règles comme le nombre maximal de salariés, les modalités, les garanties, les indemnités...", a énuméré Nabil Kerouaz, avocat. Pour lui, la RCC est un plan de départ volontaire encadré.
"C'est un dispositif qui a ses atouts mais aussi ses freins. Certaines entreprises hésitent à y aller, notamment vis-à-vis de la question du volontariat : le licenciement contraint est impossible si les chiffres ne sont pas atteints. Du côté des syndicats, le PSE est préféré pour les perspectives supplémentaire qu'il ouvre", a rapporté Jacques Muller. Jérôme Cabooter a souligné quant à lui que les entreprises en difficulté avaient généralement besoin de prendre des mesures plus rapides et vigoureuses que le seul volontariat. "La complexité est de déconnecter ce dispositif de difficultés économiques ; l'entreprise peut sinon être accusée de fraude au PSE", a mis en garde Nabil Kerouaz.
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