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3 - Conseil externe et juriste interne : le duo gagnant

Une couverture juridique efficace est essentielle pour les risques auxquels est soumise toute entreprise en croissance. Lorsque les besoins de l'entreprise le justifient, le Daf doit savoir externaliser la gestion juridique à un cabinet spécialisé, voire procéder à un recrutement en interne.

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"Le droit est présent partout. Le besoin juridique des entreprises est en croissance", déclare Denis Musson, président du Cercle Montesquieu (rassemblant des responsables juridiques d'entreprises de toutes tailles) et directeur juridique du producteur de minéraux ­industriels Imerys. Pourtant, la France ne compte aujourd'hui que 16 000 juristes d'entreprise (source: Association française des juristes d'entreprise, AFJE). Les entreprises préfèrent souvent s'adresser à des cabinets d'avocats externes ou à leurs experts-comptables. Quelle est la bonne stratégie: recruter un responsable juridique ou externaliser cette fonction?

Analyser les besoins juridiques

La première chose à faire consiste à analyser minutieusement les besoins juridiques de l'entreprise: quelle est la fréquence d'utilisation de la fonction juridique? S'agit-il d'une entreprise exposée au risque contractuel? Son secteur est-il très réglementé?

Si un grand nombre d'entreprises font le choix d'externaliser la fonction juridique, c'est avant tout parce qu'elles n'ont pas besoin d'un juriste à temps plein. Dans ces cas-là, Denis Musson évoque la possibilité de partager un juriste entre plusieurs PME. "Cela permet de bénéficier de l'expérience plus large d'un juriste qui a la connaissance de plusieurs entreprises confrontées souvent aux mêmes challenges", observe-t-il.

Par ailleurs, selon Marie Duverne-Hanachowicz, avocate associée au sein du cabinet Lamy Lexel, faire appel à un cabinet d'avocats peut aussi permettre de "mieux faire passer le message": "Sur certains secteurs, comme la distribution, il peut être difficile de concilier un juriste interne avec les équipes opérationnelles qui ne comprennent pas, par exemple, les exigences en termes de conditions générales de vente."

Ce sont souvent des problématiques de croissance, notamment internationales, qui poussent les entreprises à recruter un responsable juridique. À l'image de Delphine Delvert-Montigny, actuelle directrice juridique de l'équipementier automobile français FSD, qui est arrivée dans le groupe comme juriste il y a 12 ans: " La société dépassait le stade de la PME, avec un chiffre d'affaires de 18 millions d'euros et un effectif légèrement inférieur à 2000 salariés. Après avoir développé l'aspect commercial, le groupe était confronté à des problématiques de stratégie touchant le juridique." Les entreprises internalisent la fonction juridique lorsque l'activité se complexifie et que les risques augmentent. "Toutes les sociétés qui ont des problématiques de développement ont besoin d'une assistance juridique pour être accompagnées à l'international ou ­simplement pour rechercher des moyens financiers", pense Patrick Bignon, fondateur de Bignon De Keyser, cabinet de conseil en stratégie dédié aux professions juridiques.

Transférer le risque sur le cabinet externe

Mais recruter un responsable juridique ne veut pas dire qu'on se passe totalement d'un conseil externe. Très souvent, les juristes internes travaillent main dans la main avec les cabinets externes. "Le juriste interne joue aussi de rôle d'acheteur, de sourceur de compétences extérieures", note Christophe Roquilly, professeur de droit à l'Edhec Business School, directeur du centre de recherche LegalEdhec et codirecteur du LLM Law & Tax Management.

Les cabinets spécialisés sont en effet incontournables pour traiter des sujets complexes. "Les juristes font appel à nous pour des opérations exceptionnelles comme des levées de fonds ou des acquisitions, pour les contentieux, mais aussi pour les sujets sur lesquels ils peuvent être limités en termes de compétences, comme le droit social ou fiscal", rapporte Marie Duverne-Hanachowicz. En effet, la fiscalité évolue chaque année: difficile de suivre s'il faut également gérer en parallèle de multiples questions juridiques. "Les fiscalistes internes devraient être en formation tout le temps pour suivre les nombreuses évolutions. En cabinet, nous bénéficions d'une formation continue", explique Stéphane Bouvier, avocat fiscaliste chez CMS Bureau Francis Lefebvre.

Les entreprises font également appel à des cabinets externes en cas de surcharge de travail. Surtout, s'offrir les services d'un conseil juridique externe permet de transférer le risque. "Un directeur juridique ne s'engage pas sur des questions qu'il ne maîtrise pas. Il s'entoure donc de conseils externes pour se protéger. Ainsi, en cas de problème, ce n'est pas lui qui est tenu pour responsable", souligne Stéphane Bouvier. La meilleure stratégie n'est ni d'opter pour un juriste interne ni de choisir un conseil externe, mais de mettre en place une combinaison des deux.

Le juriste d'entreprise, un avantage compétitif

Pourtant, un juriste d'entreprise, en dialoguant avec les équipes, peut réussir à se positionner comme un "business partner" et montrer tous les avantages qu'il apporte. Denis Musson souligne qu'un juriste interne sera plus au fait des problématiques de son entreprise qu'un cabinet de conseil. "De plus, avec le risque juridique en croissance, les entreprises ont besoin en interne de quelqu'un dont c'est le premier souci", avertit Christophe Roquilly.

D'autant plus que le droit peut être un avantage compétitif: "Le juriste permet d'éviter les risques, mais aussi de trouver des opportunités de développement", estime Denis Musson. Il donne l'exemple des actions de groupe, les fameuses "class actions" américaines, qui permettent à des consommateurs s'estimant victimes d'une même fraude de la part d'une entreprise de se regrouper pour obtenir réparation de leur éventuel préjudice. Adoptées en février dernier par le Parlement, elles devraient se développer en France: "Il s'agit de prendre les précautions qui s'imposent. Ce qui peut représenter une opportunité pour les entreprises qui s'y préparent", insiste le président du Cercle Montesquieu.

Ève Mennesson

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