Recherche

CONTROLE FISCAL: RESTEZ ACTEUR

L'avis de vérification modèle 3927 vient d'arriver au courrier. Si le planning relève du vérificateur, l'entreprise peut et doit garder la main sur certains aspects, afin de rester actrice du contrôle et non simple spectatrice.

Publié par le
Lecture
17 min
  • Imprimer

Votre entreprise est visée par un contrôle fiscal? Entre la réception de l'avis et le début des opérations de vérification, vous disposez d'un délai de 15 à 20 jours. Durant cette période, le Daf, aux côtés de son comptable, doit rassembler tous les documents comptables et les registres obligatoires relatifs aux exercices vérifiés. Une attention particulière doit être portée aux éléments fondamentaux qui assurent la cohérence des données chiffrées par rapport à la situation réelle de l'entreprise: concordance d'ensemble des données comptables après arrêté et du rassemblement des feuilles de travail ; aspect formel du dossier ; bonne tenue des divers registres obligatoires...

Une bonne documentation renverse la charge de la preuve », rappelle maître Hervé Oliel, avocat spécialisé en fiscalité et partenaire du cabinet Wan Avocats. Par exemple, pour les frais de réception, si, sur les «notes», figurent le nom, la fonction du bénéficiaire et l'objet du déjeuner, l'opportunité de ces actions est présumée. Or l'inspecteur ne peut pas matériellement vérifier l'identité des personnes. Conclusion: si une note n'est pas complète, il convient de la remplir avant le premier rendez-vous en recoupant les agendas.

Il faut aussi identifier les «faiblesses» de l'entreprise et retirer des documents embarrassants ou confidentiels s'ils n'ont pas d'incidence comptable: négociation financière avec la banque, proposition de rachat d'une autre société...

MAITRE HERVE OLIEL, AVOCAT SPECIALISE EN FISCALITE ET PARTENAIRE DU CABINET WAN AVOCATS

« Il peut être judicieux de faire intervenir son conseil dès le premier rendez-vous, en tant qu'interface pédagogique.»

AVANT LE PREMIER RENDEZ-VOUS, DECIDER DES SUPPORTS...

Outre ces exigences relatives à la documentation, réfléchissez aux types de supports à remettre au vérificateur. Point incontournable: la comptabilité. Pour l'heure, vous avez le choix entre une remise papier ou une version dématérialisée. L'avantage de cette dernière, côté administration, est le gain de temps et une vérification de la cohérence globale facilitée. Côté contribuable, il s'agit de limiter la présence du vérificateur dans l'entreprise.

Mais accepter de fournir une version dématérialisée, c'est aussi prendre le risque que le vérificateur, persuadé de disposer de tous les éléments, se dispense de poser des questions. D'où des conclusions peut-être hâtives que vous ne pourrez combattre qu'après la fin de la vérification. Carlos Fernandes, expert-comptable, commissaire aux comptes et dirigeant d'Amparo Conseil, précise que, souvent, le Daf accepte la remise dématérialisée. «Si sa comptabilité comporte des particularités techniques, c'est un mauvais calcul, sauf si, à la remise, on expose clairement les schémas comptables utilisés. Les outils informatiques d'étude de vraisemblance fonctionnent sur la base de standards. Or, quelle entreprise peut se targuer de rentrer dans les standards?»

Et si la préférence du contribuable va à la dématérialisation, reste la question de la protection des données: mieux vaut un CD-Rom qu'une clé USB et un PDF qu'un fichier Excel.

POUR ALLER + LOIN

Contrôle fiscal et CIR
Selon une récente enquête du cabinet LowendalMasaï, le nombre de contrôles fiscaux portant sur le crédit d'impôt recherche a augmenté de 67 % au cours des 18 derniers mois.
Deux postes retiennent l'attention des vérificateurs: les dépenses de personnel (72 % des entreprises interrogées) et les dépenses de sous-traitance (26 %). Pour en savoir plus sur le CIR, lire notre dossier Innovation, p. 33.

POSITIONNER LES INTERLOCUTEURS DU VERIFICATEUR

Plus qu'un adversaire, le vérificateur doit être vu comme un auditeur. A ce titre, il doit savoir qui sera en charge du contrôle au sein de l'entreprise. Ce peut être le responsable comptable, mais le Daf doit aussi être présent à tous les rendez-vous.

Quant au mode de communication à adopter, bien des Daf évitent de faire intervenir physiquement un conseil externe afin de bénéficier d'un statut d'amateur et de gagner du temps. Mais ce jeu-là est risqué et l'inspecteur est rarement dupe.

Selon maître Hervé Oliel, il peut être judicieux de «faire intervenir son conseil dès le premier rendez-vous, mais en le positionnant strictement dans un rôle d'interface pédagogique». L'avocat n'est pas censé être celui qui a les réponses, mais celui qui a les clés pour comprendre les questions posées, dans toute leur étendue, pièges compris. La juste mesure, si la vérification ne porte pas sur des éléments complexes, est sans doute de faire intervenir son conseil au premier et au dernier rendez-vous.

EVITER LE REJET DE LA COMPTABILITE

Le premier rendez-vous a pour objectif un survol des éléments internes et externes du fonctionnement et de l'activité de l'entreprise. De courte durée, il permet au vérificateur d'établir le calendrier de ses interventions et d'indiquer les documents qu'il souhaite consulter lors de sa prochaine venue. Il est possible, à ce moment, de demander un espacement des réunions.

Le contrôle s'inscrit entre ce rendez-vous et la réunion de synthèse. Son but: comparer les montants figurant dans les déclarations fiscales avec la comptabilité de l'entreprise. Procédant souvent par sondage(s), le vérificateur va élargir son contrôle si l'un d'eux fait apparaître des erreurs.

Tout au long du contrôle, il faut donc veiller à la forme des pièces justificatives remises: c'est une présomption de sérieux qui instaure un climat de confiance. L'appui d'un conseil peut être précieux, car il permettra de collecter tous les éléments périphériques, gage de rigueur. Si, souvent, le Daf n'est pas en mesure de situer son entreprise par rapport aux normes établies par l'administration, le conseil est plus à même de répondre. Ainsi, l'acceptation ou le refus par le vérificateur de la comptabilité d'entreprise dépend d'une notion (comptabilité probante) floue. « Un rejet peut être prononcé parce que l'administration n'est pas en mesure d'appréhender le logiciel utilisé», insiste Carlos Fernandes (Amparo Conseil). Ainsi, une entreprise, filiale d'un groupe américain, qui travaillait avec le logiciel comptable de sa société mère, a été confrontée à un rejet car celui-là ne répondait pas aux normes françaises de comptabilité. Attention aussi aux comptabilités adaptées pour répondre aux exigences du reporting à la société mère.

3 QUESTIONS À... LÉA FAUCLON, avocat associé chez Blackbird

La gestion d'un contrôle fiscal informatisé doit être anticipée
Qu'est-ce qu'un contrôle fiscal des comptabilités informatisé?
C'est une procédure qui, en pratique, se généralise au cours d'une vérification de comptabilité. Elle soumet l'entreprise à trois options. La première est de mettre à la disposition des agents de l'administration le matériel et les fichiers nécessaires au contrôle sur place. Deuxième cas, l'entreprise remet elle-même au vérificateur les traitements qu'elle a réalisés, sous le contrôle de l'administration, ou bien, dernière option, elle fournit à l'administration la copie de fichiers réclamés pour lui permettre de réaliser elle-même les traitements.
Il est en général conseillé d'opter pour la troisième solution.


Comment s'y préparer?
Un contrôle fiscal informatisé doit être anticipé. Il convient donc de mettre en place une équipe pluridisciplinaire composée des responsables fiscaux, financiers et des systèmes d'information. Réaliser régulièrement des audits de conformité et des contrôles internes permet de déceler les défaillances et d'y remédier avant le contrôle.


Quels en sont les risques?
Ces contrôles permettent à l'administration d'être plus efficace. De plus, la mise en commun des compétences des vérificateurs généralistes et des vérificateurs informatiques les rend plus à même de déceler des irrégularités.

A NOTER

Quelques erreurs à éviter
1) Gagner du temps à tout prix
Reporter la date du premier rendez-vous est tentant, mais cela perturbe le planning du vérificateur et laisse présager un contrôle difficile.
2) Privilégier le mutisme ou l'agressivité
Le mutisme nuit à l'entreprise, pas au vérificateur. L'agressivité entraîne une moindre tolérance.
3) Proposer un paiement cash contre un abandon des rappels
Dans sa prise de décision, l'Administration privilégie la régularité juridique à l'intérêt financier.
4) Le coup du dépôt de bilan ou d'un licenciement massif
Agiter cette menace ne suffit pas. Il faut démontrer juridiquement que le redressement n'est pas fondé. La présentation de l'impact économique et humain n'intervient qu'à titre complémentaire.
5) Tenter de mettre le vérificateur hors jeu par l'intervention d'une personnalité
6) Ne pas croire à l'équité des services fiscaux
Pour prononcer un dégrèvement, les services doivent se justifier. Leur fournir un argumentaire avec une grille de contestation originale, juridiquement et économiquement fondée, peut aider.
7) Fuir le vérificateur ou prévoir une équipe d'avocats pour lui en imposer

CARLOS FERNANDES, EXPERT-COMPTABLE, COMMISSAIRE AUX COMPTES ET DIRIGEANT D'AMPARO CONSEIL

« Un rejet de comptabilité peut être prononcé parce que l'administration n'est pas en mesure d'appréhender le logiciel utilisé. »

NEGOCIER: QUAND ET AVEC QUI?

La phase d'investigation, qui dure moins de neuf mois pour 99 % des PME, se clôt par une réunion de synthèse. Le vérificateur indique oralement l'ensemble des points sur lesquels il entend redresser la société et celle-ci peut en débattre avec lui. Si aucun point de désaccord ne subsiste, le dirigeant de l'entreprise reçoit un avis d'absence de redressement. A défaut, il reçoit une proposition de rectification (imprimé n°3924) sous 15 jours. Le délai pour contester est de 30 jours, porté à 60 en cas de demande expresse du contribuable. Cette prorogation doit être demandée, car elle retarde la mise en recouvrement et les intérêts. Attention, si le contribuable ne répond pas, il est présumé avoir accepté les redressements.

Une fois la réponse formalisée, il faut attendre celle de l'administration, qui, dans un imprimé n°3926, indique si elle maintient ou non sa position. Pour répondre, elle n'est tenue à un délai fixe (60 jours) que pour les entreprises dont le CA est inférieur à 1 526000 ou 460000 euros, selon qu'elles réalisent une activité de vente ou de prestations de service. Si aucun terrain d'entente n'est possible, avant même la réception de la proposition, négocier est envisageable via le recours hiérarchique: en général le chef de brigade, supérieur du vérificateur. Un recours ultérieur, auprès de l'interlocuteur départemental ou régional, présente un véritable intérêt, celui-ci ayant plus de latitude dans sa prise de décisions. Autre possibilité: saisir, après la réponse aux observations du contribuable, la commission départementale (ou nationale selon le CA) en cas de désaccord sur les faits qui motivent le redressement. Mais son avis ne lie pas l'administration.

Dernier recours hors contentieux: le médiateur du Minefe. Non intégré à la DGFiP, son intervention peut être utile dans deux hypothèses. La première est le mépris d'une réalité économique. Tel est le cas si l'entreprise a perdu les justificatifs des charges pour cause d'incendie et que le vérificateur décide qu'en l'absence de factures, il réintègre ces charges. Deuxième hypothèse: en cas de demande d'application modérée de la loi fiscale. Par exemple, une société venant d'acheter avec TVA un immeuble avait exercé son option pour la récupération avec un retard d'un jour. En cause, une mauvaise interprétation des nouvelles règles de TVA immobilières. Le médiateur a admis le remboursement. Un recours précieux donc, mais qui n'est tenu à aucun délai. De plus, son intervention n'interrompt pas la mise en recouvrement.

Enfin, il est impératif de s'assurer que tout ce qui a donné lieu à redressement est parfaitement clair. Attention à ne pas oublier le traitement comptable et fiscal du redressement, car l'administration peut revenir pour vérifier que le redressement d'IS, par exemple, n'est pas passé en charges. «Il est judicieux de demander, après la mise en recouvrement, le rapport de vérification dans lequel figurent le déroulement du contrôle et les notes internes dont les points de surveillance», ajoute maître Hervé Oliel. Une démarche qui vous permettra de tirer profit de cette expérience.

FLORENCE LEANDRI

S'abonner
au magazine
Retour haut de page