Recherche

Vers une gouvernance fiscale pour les entreprises françaises?

Certes, il n'existe pas (encore) en droit français d'obligations de gouvernance fiscale. Mais une entreprise française, si elle est implantée dans un pays où un tel cadre existe, doit s'y conformer. Elle doit aussi aborder la question fiscale au niveau groupe. Conseils sur la marche à suivre.

Publié par le - mis à jour à
Lecture
4 min
  • Imprimer
Vers une gouvernance fiscale pour les entreprises françaises?

En imposant aux entreprises la mise en place de mesures internes de prévention et de détection de faits de corruption ou de trafic d'influence, la loi Sapin 2 sur la transparence, la lutte contre la corruption et la modernisation de la vie économique allonge la liste des obligations des entreprises en matière de gouvernance juridique et pénale. S'il n'existe pas encore en droit positif français d'obligations de "bonne gouvernance" en fiscalité, on se dirige assurément, sous l'influence de l'OCDE, de la Commission européenne et des initiatives toujours plus nombreuses des États, vers une véritable gouvernance fiscale d'entreprise.

La gouvernance fiscale, que l'on peut définir comme la "gouvernance d'entreprise appliquée à la fiscalité", intéresse deux types de parties prenantes. Les administrations fiscales, d'une part, qui y voient un moyen de concentrer les contrôles fiscaux sur certains contribuables "à risques" et ainsi de mieux gérer leurs ressources. Et les entreprises, d'autre part, qui par ce biais bénéficient d'une plus grande sécurité juridique et peuvent mieux maîtriser leurs enjeux financiers et réputationnels.

La gouvernance fiscale et les entreprises françaises

L'OCDE a publié en mai 2016 un guide (Co-operative Tax Compliance - Building Better Tax Control Frameworks), dans lequel elle définit un cadre de gouvernance (Tax Control Framework) permettant d'aboutir à une confiance réciproque entre les entreprises et les administrations. Ce cadre comprend différents blocs:

  • une stratégie fiscale définie sous le contrôle et la responsabilité des organes exécutifs;
  • une application de cette vision de la fiscalité à tous les niveaux de l'entreprise;
  • l'établissement et l'attribution de responsabilités claires;
  • une documentation des processus complète et claire;
  • des vérifications et mises à jour régulières de l'organisation et des processus mis en place.

Construire un cadre de gouvernance fiscale conduit à exiger de la part des acteurs économiques une maîtrise des processus, humains comme techniques. C'est la donnée dans son ensemble qui génère l'information fiscale, et le cadre a pour vocation d'octroyer des garanties à l'Administration sur la cohérence de cette information. Et s'il n'existe pas encore de cadre de gouvernance fiscale en droit français, les entreprises françaises n'en sont pas dispensées pour autant. Pour les acteurs économiques français, la thématique de la gouvernance est une préoccupation concrète en raison de la nécessité de se conformer à des cadres locaux existant dans leurs différents pays d'implantation, souvent ignorés depuis la France.

Certaines administrations ont opté pour une approche passant par la responsabilisation des organes exécutifs (Allemagne, Royaume-Uni). D'autres insistent sur les aspects processuels et de gestion du risque (Espagne, Italie, États-Unis, Pays-Bas). Les autorités fiscales de l'Australie, pays très en avance sur le sujet, ont quant à elles mis en place l'ensemble de ces aspects et publié des recommandations de "bonnes pratiques" très fouillées (Tax Risk Management and Governance Self Assessment Procedures, 26 juillet 2016) devant permettre à chaque redevable de procéder à son self-­assessment, qu'il devra communiquer aux autorités fiscales en amont de tout contrôle. Nous détaillons ci-après quelques exemples concrets d'obligations de gouvernance fiscale mis en place dans des États voisins de la France.

La genèse des règles de gouvernance fiscale

Conséquence d'une succession de scandales et de crises, depuis le début des années 2000, les réglementations autour du sujet de la gouvernance se sont multipliées. La gouvernance fiscale propose une nouvelle grille de lecture de la fiscalité dans l'entreprise, qui passe par une vision stratégique de la fiscalité, mais aussi par la responsabilisation des dirigeants et des organes exécutifs. Les bonnes pratiques en matière de gouvernance fiscale ont été pensées en lien avec les travaux de l'OCDE sur BEPS (Base Erosion and Profit Shifting) visant à lutter contre l'érosion des bases fiscales, et font suite à l'initiative portant le nom de Cooperative Tax Compliance. Il découle de ces travaux des recommandations et obligations variées à la charge des entreprises, et l'on assiste donc à l'éclosion d'un cadre de gouvernance fiscale ("Tax Control Framework").

Le thème de la gouvernance fiscale est aujourd'hui central pour le G20, le FMI et l'OCDE. Ainsi, dans le rapport OCDE / FMI du 1er mars 2017 sur la sécurité fiscale, l'accent a été mis sur les programmes de coopération volontaire comme vecteurs de sécurité juridique pour les acteurs économiques (rapport OCDE / FMI "Tax Certainty", mars 2017, p. 22).

>> Lire la suite en

S'abonner
au magazine
Retour haut de page