Réforme de l'assurance-chômage : les impacts pour les PME
La nouvelles mesures de l'assurance-chômage ont été présentées par le Premier ministre Édouard Philippe et la ministre du Travail Muriel Pénicaud mardi 18 juin au matin, lors d'une conférence de presse. Le point sur les principales annonces.
Très attendues, les voilà révélées. Lors d'une conférence de presse le matin du mardi 18 juin 2019, le Premier ministre Édouard Philippe et la ministre du Travail Muriel Pénicaud ont précisé les nouvelles mesures de l'assurance-chômage. La réforme sera mise en place par décret à partir de novembre 2019.
Peu de temps avant, à dix heures, les partenaires sociaux étaient invités à une réunion multilatérale via laquelle ils ont été informés des nouvelles mesures. Pour rappel, après trois mois et demi de négociations houleuses en février dernier, syndicats et patronats avaient échoué à se mettre d'accord sur la réforme de l'assurance-chômage. Le gouvernement a repris la main et présente sa propre copie, censée selon Édouard Philippe "faire baisser le chômage en dessous des 8,4% actuels, soutenir davantage les demandeurs d'emploi précaires et faire économiser au régime de l'assurance-chômage de 1 à 1,3 milliard d'euros par an, soit près de 3,9 milliards d'euros sur trois ans".
A ajouter que l'assurance-chômage enregistre actuellement une dette globale de 40 milliards d'euros pour un budget de dépense annuel de 35 milliards d'euros environ. Quelles sont donc les principales mesures à retenir, notamment pour les entrepreneurs ?
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Une taxe forfaitaire sur les CDD d'usage
Tous secteurs confondus, les CDD d'usage se verront appliquer une taxe forfaitaire de 10 euros. "L'idée est d'inciter les entreprises à proposer des contrats d'une semaine ou d'un mois plutôt que de quelques heures par jours, indique Muriel Pénicaud. Ce type de contrat non seulement coûte 9 milliards d'euros de déficit par an à l'Unedic, mais surtout précarise la plupart des demandeurs d'emploi. Des entreprises en font carrément une politique de ressources humaines. Il faut dissuader les abus."
Un bonus-malus sur les contrats courts
Dès le 1er janvier 2020, un bonus-malus sera instauré pour les CDD et les missions d'intérim. Il s'appliquera uniquement dans les secteurs d'activité suivants : la fabrication de denrées alimentaires, de boissons et de produits à base de tabac, les autres activités spécialisées, scientifiques et techniques (comme par exemple, le secteur de la publicité), l'hébergement et la restauration, la production et la distribution d'eau-assainissement, la gestion des déchets, le transport et l'entreposage, la fabrication de produits en caoutchouc et en plastique, et d'autres produits non-métalliques, le travail du bois et enfin l'industrie du papier et l'imprimerie.
Deux gros secteurs utilisant souvent des CDD échappent à cette mesure : le bâtiment et la santé. Les secteurs du spectacle et de l'audiovisuel ne sont pas non plus concernés et les TPE de moins de 11 salariés ne seront pas assujetties à ce dispositif.
Comment le bonus-malus s'appliquera-t-il ? Muriel Pénicaud répond : "Les cotisations patronales d'assurance-chômage varieront entre 3% et 5% de la masse salariale en fonction du nombre de contrat en CDD et CDI. Les bons élèves auront moins de cotisations patronales à payer."
Un point de vue nuancé par Michel Gire, associé co-fondateur du cabinet d'expert-comptable GMBA : "L'amplitude du taux de cotisations patronales et le forfait de 10 euros appliqué à tout CDD d'usage sont trop faibles pour modifier la pratique d'embauche de certains secteurs. Il aurait été plus efficace de s'appuyer sur une fourchette de 2 à 6% et de soumettre les CDD d'usage à un taux de cotisations plus élevé au lieu d'une somme forfaitaire qui ne découragera pas les abus."
Les entreprises proposant des emplois mieux accompagnées
Sur certains secteurs d'activités, les offres d'emploi ne manquent pas mais elles ne sont bien souvent pas pourvues faute de candidats, de visibilité ou de lisibilité.
Pour répondre plus rapidement et efficacement à leurs difficultés de recrutement, la réforme de l'assurance chômage prévoit un renforcement de l'accompagnement des entreprises. "Dès lors qu'une offre d'emploi sera restée sans réponse plus de 30 jours après son dépôt, Pôle emploi recontactera l'entreprise et lui proposera le service adapté", explique Muriel Pénicaud.
Travail sur le contenu de l'offre, pré-sélection de candidats, mise en place d'actions de formations préalables au recrutement, tels sont les exemples des nouvelles aides que Pôle emploi proposera. Un engagement contractualisé de délai de mise en oeuvre de ces mesures sera également pris avec l'entreprise. Ce dispositif pourra aussi être adapté au bassin d'emploi, certaines régions ayant des besoins plus importants en termes de recrutement ou de qualification d'employés.
L'indemnisation chômage attribuée à deux nouvelles catégories de travailleurs
La réforme élargit les droits au chômage pour les salariés démissionnaires. Mais seulement dans les conditions suivantes : avoir travaillé durant 5 ans dans la même entreprise et être porteur d'un projet de création d'entreprise ou de reconversion professionnelle nécessitant une formation. "Ce droit pourra être renouvelé tous les 5 ans, soit 8 fois sur une vie professionnelle de 40 ans" , souligne la ministre du Travail.
Autre mesure, les travailleurs indépendants dont l'activité est en liquidation pourront quant à eux profiter de "l'assurance chômage sans cotisations supplémentaires ", pour un montant de "800 euros par mois pendant six mois." Au Premier ministre de commenter :"C'est une mesure qui, nous l'espérons, soutiendra ce type d'entrepreneurs dans une période difficile après une cessation d'activités."
Une allocation de retour à l'emploi dégressive pour les plus hauts revenus
"A partir du 1er novembre 2019, les salariés qui avaient un revenu supérieur à 4 500 euros bruts par mois verront leur indemnisation réduite, au début du 7ème mois d'indemnisation, de 30% avec un plancher. Ce plancher sera fixé à 2 261 euros nets. Tous les salariés âgés de 57 ans ou plus ne seront pas concernés par la mesure", annonce la ministre du Travail.
Selon les statistiques citées par Mme Pénicaud, ce type de demandeurs d'emplois ont plus de facilité à retrouver du travail en raison de leur niveau de qualification et de leur expérience plus importants. Pourtant, ils sont ceux qui restent le plus longtemps au chômage. Cette mesure est censée les inciter à retrouver du travail plus rapidement et à faire faire des économies à l'Unedic.
Une indemnité déblocable à partir de 6 mois de travail
Dès le 1er novembre prochain, il faudra avoir travaillé 6 mois sur les 24 derniers mois pour avoir le droit à l'indemnisation chômage. La règle est aujourd'hui de 4 mois sur les 28 derniers mois. La ministre du Travail évoque "que la France reste aujourd'hui le pays où l'indemnisation chômage est la meilleure au monde, même avec cet allongement."
Les chômeurs seront mieux accompagnés
A partir du 1er janvier 2020, tous les demandeurs d'emploi qui se seront vus proposer une offre d'emploi stable, mais nécessitant de mettre à niveau leurs compétences, pourront bénéficier d'une formation correspondant à cette offre.
"Cette formation leur sera automatiquement attribuée ", déclare Muriel Pénicaud. Autre élément pour renforcer l'accompagnement des demandeurs d'emploi : dans les quatre premières semaines qui suivent leur inscription, ils auront droit à deux demi-journées d'accompagnement intensif avec leur agence Pôle Emploi de proximité.
Des réactions mitigées
"Pour ceux qui le vivent, le chômage est une angoisse, une épreuve. La France n'est pas condamnée à un chômage structurel. On peut y remédier. Et puis, nous avons calibré cette réforme pour soutenir particulièrement les demandeurs d'emploi les plus précaires. C'est notre feuille de route au gouvernement" , rappelle le Premier ministre à l'issue de la conférence de presse.
Du côté des partenaires sociaux (syndicats et patronat), la gronde est déjà là. Interrogé par l'AFP, le numéro un de la CFDT Laurent Bergé s'est dit "en colère" contre cette réforme de l'assurance chômage. Il la juge "profondément injuste" et pense qu'"elle ne responsabilise qu'en partie les entreprises qui usent et abusent de la précarité".
L'AFP rapporte également que le président du Medef, Geoffroy Roux de Bézieux, "regrette la mise en place du bonus-malus sur les contrats courts". Il estime la mesure "inefficace pour l'emploi" et pense qu'elle donne "une vision punitive de l'économie". Cet avis est partagé par la Confédération des PME (CPME), dont le président François Asselin s'est exprimé en ces termes à l'agence de presse : "Un employeur va réfléchir à deux fois avant d'embaucher."
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