La rupture conventionnelle collective, un outil à manier avec précaution
La rupture conventionnelle collective permet à l'employeur de proposer un départ collectif et négocié à plusieurs de ses salariés. Plus souple qu'un PSE, elle doit néanmoins se manier avec précaution. Des évolutions récentes de la jurisprudence sont à noter.
« Elles portent le même nom mais la rupture conventionnelle collective n'a en réalité pas grand-chose à voir avec la rupture conventionnelle individuelle. Elle ne suit ni les mêmes règles, ni les mêmes ambitions», prévient d'emblée Alexandra Stocki, avocate associée chez Proskauer Rose Llp, spécialiste du droit du travail.
Alors que la rupture conventionnelle individuelle relève souvent d'une problématique liée à la relation collaborateur/employeur (désaccord, performance, désir d'aller voir ailleurs etc), la rupture conventionnelle collective (RCC) tient elle plutôt à une réorganisation de l'entreprise et à la nécessité de supprimer des postes. Cette solution peut être préférée aux PSE puisqu'elle coûte souvent moins cher (absence d'obligation de proposer le congé de reclassement par exemple) avec un contrôle plus limité de l'administration et offre surtout plus de souplesse puisqu'elle n'est pas assujettie obligatoirement à un motif économique.
En revanche, dans les deux cas, dans une rupture individuelle comme dans une rupture collective, le point d'orgue fondamental repose sur l'accord librement consenti de toutes les parties. Et c'est bien ce point qu'est venu renforcer une récente décision du Conseil d'Etat, dont il faudra désormais tenir compte dans les prochaines procédures de RCC, sous peine de se faire retoquer par la DIRECCTE.
Fermeture de site : les ruptures conventionnelles collectives ne seront plus validées
Une entreprise qui avait signé avec ses syndicats une RCC dans le cadre d'une restructuration accompagnée d'une fermeture d'un site de production, - RCC validée en bonne et due forme par les services de l'Etat-, s'est finalement vue assignée devant le juge administratif par une de ses organisations syndicales. Annulation accordée par le Conseil d'Etat en mars dernier sous l'argumentation suivante : « {...] un tel accord, compte tenu de ce qu'il doit être exclusif de toute rupture de contrat de travail imposée aux salariés, comme le prévoit l'article L.1237-17, ne peut être validé par l'autorité administrative lorsqu'il est conclu dans le contexte d'une cessation d'activité de l'établissement ou de l'entreprise en cause conduisant de manière certaine à ce que les salariés n'ayant pas opté pour le dispositif de rupture conventionnelle fassent l'objet, à la fin de la période d'application de cet accord, d'un licenciement pour motif économique et, le cas échéant, d'un plan de sauvegarde de l'emploi ».
En clair, traduit Alexandra Stocki, « si la RCC est conduite dans le cadre d'une fermeture de site, le Conseil d'Etat considère qu'il n'y a plus de consentement librement consenti puisque les salariés refusant la RCC seront forcément licenciés dans un deuxième temps». Les entreprises doivent donc désormais écarter cette option lorsqu'elle se trouvent dans une situation de fermeture de site. « Une RCC est possible en cas de difficultés économiques ou de nécessité de sauvegarder la compétitivité de l'entreprise, mais pas en cas de cessation d'activité. Cette décision du conseil d'Etat règle donc une question très importante et clarifie le régime de la RCC ».
Ce qu'il faut savoir sur la RCC
Présence obligatoire de syndicats dans l'entreprise pour une RCC ou négociation alternative (CSE, salarié mandaté etc)
L'accord collectif portant la rupture conventionnelle collective peut être négocié dans toute entreprise, quelle que soit sa taille et son secteur d'activité
L'accord doit prévoir : les modalités d'information du CSE et de suivi de mise en oeuvre, le nombre maximum de départs envisagés, les modalités d'étude des candidatures et de départage ainsi que les modalités de calcul des indemnités de rupture. A noter : le CSE doit pour l'instant seulement être « informé » de la procédure mais le sujet d'une consultation est actuellement sur le haut de la pile des revendications des « avocats salariés ». « Il est probable que des contentieux émergent sur ce point », pointe Alexandra Stocki, indiquant être pour sa part favorable à une consultation en aval. « La mise en oeuvre d'une RCC peut possiblement avoir des conséquences sur l'organisation du travail de ceux qui restent, notamment si le plan de marche de l'entreprise n'est plus le même. Une consultation au stade de la mise en oeuvre me parait parfaitement justifiée », concède l'avocate qui accompagne principalement des « employeurs ».
Dossier à déposer sur le portail RUPCO : ruptures-collectives.emploi.gouv.fr
Contestation possible dans les deux mois
Si les conditions de départ proposées ne sont pas suffisamment séduisantes, il est probable qu'elle échoue. Si la suppression de postes est indispensable à la pérennité de l'entreprise, il faudra alors se réorienter vers un PSE.
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