Entreprises familiales : c'est le bon moment pour la transmission
Etape décisive dans la vie d'une entreprise familiale qui souhaite faire perdurer son histoire et ses valeurs, une succession se construit normalement dans le temps en faisant coïncider la vision du dirigeant, l'histoire singulière de l'entreprise et les dispositifs existants. Elle est cependant souvent remise à plus tard au profit de l'urgence opérationnelle.
Pour autant, certains événements peuvent être de nature à accélérer ce processus. La crise du Covid-19, par son caractère inédit et son ampleur, oblige tout un chacun - et a fortiori un dirigeant d'entreprise - à réfléchir au futur un peu différemment, à envisager son entreprise dans le temps long.
En France, la transmission d'une entreprise donne lieu à des droits de donation/succession qui peuvent s'élever jusqu'à plus de 45 % si elle n'a pas été anticipée. Or avec la chute brutale du chiffre d'affaires et de la rentabilité, la transmission est actuellement plus intéressante, car moins coûteuse, du fait d'une réduction de l'assiette des droits à payer. Concrètement, si une entreprise voit sa valorisation réduite de moitié, les droits de succession s'en verront diminués d'autant.
Il existe donc actuellement, malgré le contexte difficile, une fenêtre pour transmettre son patrimoine et ainsi faire perdurer la vision d'une famille, d'un dirigeant, en s'appuyant sur les dispositifs disponibles.
Le pacte Dutreil : un dispositif pensé pour les entreprises familiales
Instauré en 2003, modifié à de nombreuses reprises et en dernier lieu par la loi de finances 2019, le dispositif dit " pacte Dutreil " a été conçu pour offrir un régime de faveur qui permet de réduire à 25 % la valeur de l'entreprise servant de base au calcul des droits si les conditions édictées par le pacte sont réunies. L'abattement de 75 % est, par ailleurs, cumulable avec la réduction de 50 % des droits de donation si le donateur est âgé de moins de 70 ans, à condition que la donation soit réalisée en pleine propriété.
Dans l'esprit, ces dispositions visent à assurer la pérennité d'une entreprise au moment de sa transmission et notamment à éviter que les héritiers d'un chef d'entreprise ne soient contraints de freiner les investissements, voire de vendre l'activité pour payer les droits de succession. Elles ont été pensées pour favoriser la continuité du tissu économique français et s'appliquent donc tout particulièrement à un actionnariat familial.
Dans le contexte actuel, le " pacte Dutreil " crée ainsi une opportunité particulièrement favorable pour la transmission de l'entreprise et sa pérennisation. Espérons néanmoins que cette fenêtre se referme rapidement afin que nos entreprises retrouvent le plus vite possible le chemin de la croissance.
Quelles sont les conditions du Pacte Dutreil ?
. L'entreprise doit exercer une activité commerciale, industrielle, libérale, agricole, artisanale ou être holding animatrice de son groupe.
. Le chef d'entreprise doit s'engager à conserver seul ou collectivement au moins 17 % des droits financiers et 34 % des droits de vote de l'entreprise pendant une durée minimale de 2 ans. Dans le cas où la société serait cotée, ces seuils sont abaissés à 10 % des droits financiers et 20 % des droits de vote.
Lire aussi : Projet de réforme du pacte Dutreil : un coup dur porté à la transmission intrafamiliale
. Lors de la transmission des titres, les héritiers/donataires devront s'engager à les conserver pendant 4 ans au minimum.
. L'un des associés signataire devra exercer pendant toute la durée de l'engagement collectif et pendant les 3 années qui suivent la transmission une fonction de direction au sein de l'entreprise.
Pour en savoir plus
Johan Gaulin est avocat associé EY Société d'Avocats. Il est en charge de l'activité entreprises familiales pour EY France.
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