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Le coût de l'inaction : pourquoi les entreprises doivent anticiper dès maintenant la facturation électronique en Europe

Aihedan Dimulati, Global E-Invoicing Lead chez Quadient analyse dans cette tribune exclusive comment la réforme de la facturation électronique en France et au niveau européen est en train d'harmoniser la lutte contre la fraude à la TVA, moderniser la collecte de l'impôt et digitaliser les échanges commerciaux.

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Le coût de l'inaction : pourquoi les entreprises doivent anticiper dès maintenant la facturation électronique en Europe
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La facturation électronique est en passe de devenir la nouvelle norme dans toute l'Europe. À travers l'initiative ViDA (VAT in the Digital Age), la Commission européenne souhaite harmoniser les exigences de facturation entre les États membres pour lutter contre la fraude à la TVA, moderniser la collecte de l'impôt et digitaliser les échanges commerciaux. Ce mouvement entraîne des réformes profondes dans plusieurs pays, avec des calendriers parfois différents mais avec une direction commune.

Un cadre réglementaire morcelé, mais un objectif commun

La complexité de la facturation électronique tient en grande partie à la diversité des approches nationales. L'Union européenne travaille à l'harmonisation, mais chaque État membre conserve ses spécificités.

En France, à compter de septembre 2026, toutes les entreprises devront être en mesure de recevoir des factures électroniques, tandis que les grandes entreprises et les ETI auront également l'obligation d'émettre leurs factures B2B via des Plateformes Agréées (PA), anciennement appelées PDP. En Allemagne, la réception de factures électroniques est obligatoire depuis cette année, avec des obligations d'émission à partir de 2027. En Belgique, l'échéance est fixée à 2026, avec une intégration complète dans le réseau Peppol.

Ces approches peuvent paraître fragmentées, mais elles convergent toutes vers un objectif commun qui est de permettre aux administrations fiscales de capter les taxes liées aux transactions commerciales en temps réel. Pour les directions financières, cela implique de disposer de systèmes capables d'interpréter plusieurs formats d'échange de données, de valider les données instantanément et de s'adapter à des contextes transnationaux. La capacité à bien gérer les factures électroniques devient ainsi un indicateur clé de maîtrise des risques réglementaires. Être prêt en amont des prochaines échéances va s'avérer crucial pour ne pas s'exposer à des risques majeurs, à la fois opérationnels et financiers.

S'adapter, pas seulement adopter

Il ne faut pas s'y tromper : le véritable défi n'est pas seulement l'adoption de la facturation électronique, mais sa bonne intégration dans l'organisation. L'enjeu, c'est l'adaptation.

Ainsi, si vous vendez à des clients français, achetez à des fournisseurs allemands ou gérez une filiale en Belgique, vous serez, de fait, concerné dès 2025 ou 2026, compte tenu du calendrier réglementaire de chacun de ces pays. Pour les équipes financières, cela signifie qu'il faut mettre en place dès aujourd'hui des solutions capables de répondre aux exigences multiples sans complexifier les processus ni multiplier les outils.

Au-delà de la conformité, une opportunité stratégique

Trop souvent, la facturation électronique est perçue comme une contrainte ou une simple obligation réglementaire. Or, elle constitue une véritable opportunité de transformation. Les entreprises qui abordent ce changement de manière tactique - en mettant en place des solutions minimales juste pour répondre aux obligations - risquent de devoir réinvestir massivement quelques mois plus tard, lorsque les exigences s'élargiront à d'autres pays.

À l'inverse, celles qui intègrent la facturation électronique dans leur stratégie financière en tirent des bénéfices plus profonds et durables. Ainsi, selon une étude que nous avons récemment menée en partenariat avec OpinionWay auprès de 350 directeurs financiers, près de la moitié des entreprises (49 %) constatent déjà des gains économiques, tandis que 41 % enregistrent une amélioration de leur productivité - un chiffre qui grimpe à 65 % pour celles comptant 500 salariés ou plus. En outre, en s'appuyant sur des outils digitaux d'automatisation, les entreprises gagnent aussi en rapidité pour payer et se faire payer, renforçant ainsi leur solidité financière.

Selon Ardent Partners, la dématérialisation permettrait de réduire de 50 à 80 % le coût total de traitement des factures. L'organisation Institute of Finance & Management confirme une réduction de 60 % du temps de traitement et une économie moyenne de 50 % sur les processus liés aux comptes fournisseurs.

Par ailleurs, des données de facturation structurées permettent notamment d'accélérer les délais de paiement (DSO) et d'améliorer les relations avec les fournisseurs. Elles sont également un atout précieux pour les projets d'analyse prédictive et le pilotage du besoin en fonds de roulement.

Mais leur utilité va au-delà de la performance financière ; elles contribuent aussi directement au reporting ESG. En effet, les factures intègrent des informations essentielles pour mesurer l'impact environnemental et social d'une entreprise (provenance des produits, conditions de transport, certifications durables des fournisseurs, empreinte carbone liée aux achats, ou encore respect des délais de paiement), un critère clé pour l'évaluation des pratiques sociales vis-à-vis des partenaires commerciaux.

La confiance et l'interopérabilité au coeur des attentes

En France, notre étude montre que la sécurité reste le principal frein à l'adoption de la facturation électronique, bien avant les considérations budgétaires. Et cette inquiétude est loin d'être infondée : la dématérialisation des factures implique la circulation et le stockage de données sensibles, ce qui accroît mécaniquement les risques de cyberattaques, de fraude et de violation de la confidentialité.

Mais réduire le débat à la cybersécurité serait une erreur. L'interopérabilité est tout aussi cruciale. Sans systèmes capables de communiquer entre eux et avec les plateformes agréées, les entreprises s'exposent à des blocages opérationnels coûteux. Les directions financières le savent : il ne s'agit pas seulement de cocher une case réglementaire, mais de choisir des solutions qui sécurisent les données tout en s'intégrant harmonieusement à leur écosystème ERP.

Prendre une longueur d'avance, au-delà de la simple mise en conformité

Les entreprises françaises ont le choix. Elles peuvent considérer la facturation électronique comme un projet informatique d'importance relative, à mettre en place quand elles auront le temps (c'est-à-dire à la dernière minute). Ou elles peuvent se préparer pour l'avenir et s'appuyer sur cette obligation réglementaire pour repenser leurs processus financiers, en commençant par les données de facturation et en évoluant vers une automatisation de bout en bout.

Celles qui ont agi tôt voient déjà les résultats. Notre récente étude a d'ailleurs révélé qu'elles réduisent leurs coûts, accélèrent les paiements et obtiennent des informations que les systèmes manuels ne peuvent tout simplement pas fournir. Plus important encore, elles sont en train de pérenniser leur infrastructure financière afin d'être prêtes pour le prochain changement de réglementation et la prochaine évolution du marché.

Beaucoup d'entreprises affichent une certaine sérénité face à l'échéance, alors même qu'une majorité n'a pas encore entamé sa mise en conformité. Ce n'est pas qu'elles ignorent la réforme, mais probablement qu'elles la sous-estiment. Pour certains dirigeants, la facturation électronique n'est qu'un sujet technique, loin des priorités stratégiques. Ce serait une erreur de le croire. Derrière cette obligation se cache une transformation profonde : celle des processus financiers, de la gouvernance des données et, plus largement, de la manière dont les entreprises interagissent avec leurs écosystèmes. Attendre, c'est prendre le risque de subir cette mutation plutôt que d'en tirer parti.

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