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[Décryptage] Régime TVA unique applicable aux offres complexes de services, comment ça marche ?

Les principes en matière de taux de TVA applicable à une offre commerciale regroupant plusieurs éléments indissociables ou non sont codifiés. Pour vous permettre de vous y retrouver voici un décryptage des critères d'appréciation et des dérogations prévues par ce nouveau dispositif.

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[Décryptage] Régime TVA unique applicable aux offres complexes de services, comment ça marche ?

La Loi de finances 2021 vient codifier les principes dégagés par la jurisprudence européenne(1) permettant d'apprécier l'existence ou non d'une prestation unique, et ainsi le taux de TVA applicable, selon deux types de situation :

- d'une part, en analysant si les prestations fournies sont si étroitement liées qu'elles forment objectivement une seule prestation économique indissociable dont la décomposition revêtirait un caractère artificiel ;

- d'autre part, en distinguant dans l'offre la prestation principale des autres qui ne seraient qu'accessoires.

En outre, des dérogations sont prévues notamment pour les agences de voyages et les offres numériques.

1. Les principes de TVA applicables aux opérations complexes

a) Critères d'appréciation du caractère unique d'une offre

Le nouveau texte précise que " l'étendue d'une opération doit être déterminée à l'issue d'une appréciation d'ensemble réalisée du point de vue du consommateur, envisagé comme un consommateur moyen, tenant compte de l'importance qualitative et quantitative des différents éléments en cause ainsi que de l'ensemble des circonstances dans lesquelles l'opération se déroule "(1).

Ainsi, " relèvent d'une seule et même opération les éléments qui sont si étroitement liés qu'ils forment, objectivement, une seule opération économique indissociable, dont la décomposition revêtirait un caractère artificiel ".

b) Caractère prédominant du principal sur l'accessoire

Le texte rappelle toutefois que " chaque opération imposable à la TVA est considérée comme étant distincte et indépendante et suit son régime propre déterminé en fonction de son élément principal et de ses éléments accessoires ".

Cependant, le caractère " accessoire ", n'est pas défini par la Loi ce qui est regrettable. Rappelons que la CJUE(3) considère une prestation comme accessoire lorsqu'elle constitue pour la clientèle, non pas une fin en soi, mais le moyen de bénéficier dans les meilleures conditions de la prestation principale ; quant à la doctrine administrative(4), elle retient comme accessoire celle qui présente un intérêt limité au sein de l'ensemble de l'offre.

c) Quid du taux de TVA d'une opération complexe ?

Les opérations multiples formant un tout indissociable conduisent à un taux de TVA unique.

Le taux applicable à l'opération est celui de l'élément principal. En cas de pluralité d'éléments principaux, ou lorsque les éléments sont analysés comme étant équivalents, le taux applicable est le taux le plus élevé.

Toutefois, lorsque l'élément principal relève du taux de 2,1%, cet élément sera soumis au taux particulier et les éléments accessoires au taux qui leur est propre.

2. Opérations dérogatoires

Les offres soumises à un régime dérogatoire sont principalement celles proposées par des agences de voyages (a), et celles concernant l'accès aux services numériques (b).

a) Offres des agences de voyages/circuit touristique(5)

L'offre d'une agence agissant en nom propre est toujours assimilée à une prestation de service unique, sans distinguer le principal et l'accessoire, et ce même si l'agence de voyages a recours à plusieurs prestations de services rendues par d'autres assujettis à la TVA. Ainsi, l'opération commerciale est soumise à un taux de TVA unique (20%), sans ventiler les prestations qui seraient soumises à un taux de TVA réduit (par exemple les billets de train soumis au taux de 10%).

b) Offres composites d'accès aux services numériques(6)

Ces offres regroupent notamment les offres d'abonnement fournies en contrepartie d'un prix forfaitaire et constituées de plusieurs opérations imposables à la TVA (comme par exemple un abonnement incluant la téléphonie, l'accès à internet et la télévision à la demande) qui peuvent relever de taux de TVA différents.

Jusqu'à l'adoption du nouveau texte, si une offre unique comportait l'accès à des services de télévision pour un prix forfaitaire incluant d'autres services (téléphonie et accès à internet notamment), le taux de 20% était applicable au prix global.

Le législateur a voulu uniformiser l'application des règles de détermination d'assiette à toutes les offres d'abonnement, selon la règle du " supplément de prix " qui consiste à isoler la partie du prix correspondant à une ou plusieurs options exclues de l'offre unique. Ainsi, cette règle s'applique dorénavant à toutes les offres d'abonnement pour un prix forfaitaire comprenant au moins l'un des services suivants : communications électroniques, télévisions, services de radiodiffusion ou tout service fourni par voie électronique. Le taux réduit ne sera ainsi appliqué qu'au supplément de prix payé par le client, et déterminé par rapport au prix d'une offre identique commercialisée par le même fournisseur dans des conditions comparables et n'offrant pas tout ou partie du service optionnel.

L'intérêt de cette règle est de pouvoir isoler la base d'imposition d'une prestation soumise à un taux réduit (2,1%, 5,5% ou 10%) et de soumettre une partie du prix forfaitaire de l'opération composite à un tel taux.

La règle de ventilation fixée par l'article 268 bis du CGI suppose toutefois que cette offre soit composée de plusieurs opérations indépendantes, puisque si l'abonnement est qualifié en tant qu'opération unique, elle sera soumise dans son ensemble au taux de TVA le plus élevé.

Conclusion : la nouvelle législation reste encore complexe dans son application et il conviendra d'attendre les commentaires de la doctrine administrative explicative sur ce sujet.

Pour en savoir plus

Vincent Garcia, avocat associé PDGB, s'occupe surtout de fiscalité appliquée aux établissements de crédit, et plus particulièrement aux banques de réseaux)

Benoît Dambre, avocat associé PDGB, s'occupe surtout de fiscalité internationale, fiscalité des entreprises, fiscalité des M&A et de contentieux fiscal, fiscalité patrimoniale des dirigeants d'entreprise).

(1) CJUE, 10-11-2016, C-432/15, Pavlina Bastova ; et CJUE, 18-1-2018, C-463/16, Station Amsterdam CV.

(2)Nouvel article 257 ter, I du CGI.

(3) Notamment, CJUE 25-2-1999 aff. 349/96, CPP ; ou CJUE 2-10-2010 aff. 276/09, Everything Everywhere Ltd.

(4) BOI-TVA-LIQ-30-20-50 n°140

(5)Nouvel article 257 ter, III du CGI

(6)Nouvel article 268 bis du CGI

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