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Quid du dialogue social en 2022 ?

Le contexte économique pèse actuellement sur le dialogue social. Les entreprises sont aujourd'hui confrontées à plusieurs difficultés telles que des négociations salariales difficiles, des grèves, une évolution du paysage syndical ou encore un désengagement des délégués du personnel.

Publié par Audrey Fréel le - mis à jour à
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Quid du dialogue social en 2022 ?

Crise sanitaire, hybridation du monde du travail, pénuries de talents, inflation, guerre en Ukraine... Le début de l'année 2022 a été marqué par de profonds bouleversements pour les entreprises. "Nous sommes dans une période en très fort mouvement qui a mis sur le devant de la scène de nombreux sujets en entreprise : la sécurité, la santé, le pouvoir d'achat, les transformations de métiers et compétences, les pénuries de compétence et un marché de l'emploi très bigarré", résume Paulo Antonio Lopes, DRH chez IGS Formation Continue, lors d'un webinaire organisé par IGS le 26 avril 2022. Ces facteurs se sont retranscrits directement sur le dialogue social.

Une tension sociale forte

"En France, l'inflation va forcément de pair avec une crise sociale", affirme Jean-François Guillot, président du cabinet de conseil en qualité sociale Cardinale sud. En atteste les négociations annuelles obligatoires (NAO), qui ont été vécues assez difficilement dans de nombreuses entreprises. D'autant que beaucoup de groupes ont publié des bons résultats. "A titre d'exemple, chez nos clients, nous avons recensé 17 grèves liés au NAO depuis le 1er janvier 2022. Nous n'avions jamais vu cela auparavant. Les salariés veulent aussi leur part du gâteau", indique Jean-François Guillot. Pour l'expert, plusieurs causes racines contribuent à attiser les tensions sociales. "Une des raisons est que, souvent, la fonction finance a un sentiment de surpuissance par rapport aux autres fonctions, et notamment aux RH. Nous sommes aussi passés à un mouvement social horizontal plutôt qu'à la défense de grandes causes, et cela déstabilise tout le monde", explique-t-il. Le président de Cardinale sud pointe aussi un manque de lisibilité d'un point de vue rémunération. "Il est aujourd'hui difficile de s'y retrouver entre la prime Macron, les intéressements, la participation, les NAO, les clauses de revoyure ou encore certains salaires qui ont été gelés pendant la crise sanitaire", souligne-t-il. Avant d'ajouter : "Nous avons aussi évolué d'un pouvoir d'achat à un vouloir d'achat, notamment attisé par la crainte de l'inflation". L'expert remarque également un changement de génération du côté des syndicalistes, avec, parfois, une radicalisation de certains délégués du personnel, qui ont un engagement politique fort.

Une transformation des syndicats

Cette transformation perçue du côté des représentants du personnel est notamment une des conséquences du coronavirus. "Pendant la crise sanitaire, les syndicats ont eu des difficultés pour démontrer leur utilité et exister aux yeux du personnel. De nombreux syndicalistes en fin de carrière ont décidé de partir, ce qui a amené l'arrivée de délégués du personnel avec de nouvelles méthodes d'action et envies", constate Jean-François Guillot. Un changement qui peut être néfaste pour l'entreprise, selon les experts. "Le pire pour un groupe est d'être face à des collectifs non formés au dialogue social et à la négociation. Nous avons eu l'expérience l'an dernier sur un de nos sites avec l'émergence d'un mouvement non structuré ni encadré par une organisation syndicale et cela est bien plus difficile à appréhender", illustre Alexis Rérolle, directeur des ressources humaines au sein du groupe STMicroelectronics. Autre problème : les jeunes générations semblent plus difficiles à s'engager. "La difficulté aujourd'hui est qu'il y a de moins en moins de syndicalistes alors qu'on leur demande d'avoir de plus en plus de compétences", constate Jean-François Guillot. Dans ce contexte, certaines organisations syndicales cherchent des solutions pour séduire de nouvelles recrues. "Au cours des deux dernières années, nous avons eu, au sein de l'IGS, des sollicitations de certaines organisations syndicales pour travailler sur des parcours de carrière pour attirer les talents", confirme Paulo Antonio Lopes. La direction des entreprises à également un rôle à jouer, notamment via la reconnaissance du mandat et de la carrière syndicale. "Chez ST, nous encourageons l'engagement syndical via des incitations contractuelles qui donnent des garanties en termes de développement de carrière, de rémunération et de retour à l'emploi", souligne Alexis Rérolle. Dans un contexte d'incertitudes économiques, les entreprises doivent, plus que jamais, veiller à préserver la qualité du dialogue social.

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