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DossierBâtir une politique de mobilité à l'international

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2 - Projet international : faut-il miser sur la mobilité ou le recrutement local ?

Type de structure, secteur d'activité, objectifs de la filiale : le choix d'une embauche locale ou d'une expatriation dépend de nombreux facteurs. Si l'embauche de personnel sur place se révèle généralement moins coûteuse, elle n'est pas recommandée dans tous les projets internationaux.

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Face à un contexte économique toujours dégradé à domicile, les entreprises françaises sont contraintes d'aller chercher la croissance hors de nos frontières. Selon une étude publiée par DHL Express et Ubifrance en juillet 2013, 26 % des PME qui ont des échanges à l'international ont connu une hausse significative de leur activité sur les trois ­dernières années, contre 13 % pour celles qui se cantonnent au marché domestique.

La conquête de ces parts de marché s'accompagne souvent de l'ouverture de filiales, et donc du personnel dédié.

L'expatriation, une solution lourde

Le coût de l'opération constitue un premier élément de réflexion. Or, l'expatriation est une option onéreuse : elle inclut généralement un "package" comprenant un salaire versé par la filiale assorti d'une prime d'expatriation, la prise en charge du déménagement, la mise à disposition d'un logement, les frais de scolarité des enfants, une voiture de fonction, parfois un chauffeur personnel...

" Les grandes entreprises disposent d'équipes entières qui gèrent ce personnel en mobilité. Les PME, confrontées aux mêmes problématiques mais avec des ressources plus limitées, doivent donc impérativement se faire aider par un prestataire de services ", recommande Maître Céline Huet, avocate associée chez CW Associés. Ce dernier pourra structurer l'opération, orienter l'entreprise vers les contacts adéquats et mettre en place les différents paramètres, comme l'établissement de certificats de travail ou la mise en place de la paie sur place.

Contrat local ou détachement ?

Pour limiter les frais, les petites entreprises désireuses d'employer du personnel français à l'international peuvent recourir à des contrats locaux afin de s'affranchir de la prime d'expatriation et de l'égalisation fiscale.

C'est la solution que privilégie Vincent Breuil, Daf de la société de commerce électronique Nexway, qui réalise 70 % de son chiffre d'affaires à l'étranger et a recruté un responsable commercial dans sa filiale brésilienne suivant ce schéma. " Il s'agit lors de la création d'une filiale de suspendre le contrat français et de mettre en place un contrat local, sujet à évolution en fonction des résultats de la filiale, avec un rapatriement en France dans le cas où les résultats ne sont pas au rendez-vous " , détaille-t-il.

Autre solution : le détachement de salarié, qui permet de continuer à salarier l'employé au sein de l'entreprise française. Celui-ci reste affilié à la Sécurité sociale et continue à payer ses impôts en France. " Une formule très pratique, mais liée à des accords bilatéraux qui créent des limites dans le temps ", tempère le Daf. Le détachement est donc en général privilégié pour des missions dont la durée n'excède pas un ou deux ans sur place.

En local, quel vivier de compétences ?

Une autre solution consiste à se tourner vers des profils 100 % locaux. S'ils ne représentent pas de vraie différence en termes de salaire en Allemagne aux États-Unis, ils peuvent permettre de réduire les coûts dans des pays comme la Chine. Le recrutement de personnel local présente aussi un autre avantage : " Lorsque nous avons effectué un rachat au Japon, nous avons fait le choix de laisser à la tête de cette filiale son fondateur, qui est canado-japonais. Sa connaissance du marché et de la culture locale a été fondamentale pour la réussite de cette opération ", éclaire Vincent Breuil.

" La tendance de fond est de diminuer au maximum le nombre d'expatriés pour des raisons économiques, souligne Paul Mercier, dg de Michael Page Africa. C'est d'autant plus facile que l'écart se réduit entre le savoir-faire qu'on trouve en Occident et dans le reste du monde. On commence à trouver les mêmes compétences partout, ou presque. "

Certaines régions demeurent toutefois plus difficiles d'accès au niveau du recrutement. Paul Mercier cite l'exemple de la Sierra Leone ou de l'Angola, où les problèmes géopolitiques ont entraîné un déficit de personnel qualifié, ou encore les pays du Golfe, où le poids économique est disproportionné par rapport à la taille de la population locale.

D'autres pays en forte croissance, comme le Brésil, connaissent par ailleurs une importante demande de personnel qualifié qui fait monter les salaires des postes à responsabilité. " Il y est souvent moins coûteux de recourir à un contrat d'expatriation que d'embaucher en local sur les fonctions exécutives, où les salaires peuvent être supérieurs de 40 % à ce qui se pratique en Occident ", souligne Frédéric Ronflard, managing director Brésil pour le cabinet de recrutement Robert Walters.

Mixer expatriations et embauches locales

De nombreuses sociétés font donc le choix d'un mix entre expatriés pour les fonctions opérationnelles et personnel local pour les fonctions RH et administratives, ainsi que pour le back-office.

C'est le cas de Gregori International, une PME spécialisé dans la construction de terrains de sport, dont 100 % du chiffre d'affaires provient de ses activités internationales. Le groupe, présent au Maroc, en Guinée équatoriale, au Gabon, à Dubaï, ou encore en Polynésie française, a fait " le choix de l'expatriation pour le personnel d'encadrement, qui représente 30 personnes. En revanche, tout le back-office est constitué de personnel local ", explique Sandrine Courty, responsable RH de la société, qui évoque la nécessité d'avoir des personnes fiables et opérationnelles immédiatement. " Nous sommes parfois confrontés à des régions où il est impossible de trouver des moyens humains performants dans notre coeur de métier, ce qui nous pousse à avoir nos expatriés sur place ", fait-elle valoir.


Ne pas négliger le contrôle de gestion

Certaines zones géographiques posent également la question du contrôle de gestion. " Les problèmes de corruption sont connus en Europe de l'Est, et notamment en Russie, témoigne Maître Céline Huet, avocate associée chez CW Associés. Dans de tels schémas, les entreprises préfèrent en général recourir à l'expatriation plutôt que faire appel à du staff local, même s'il est compétent. " L'ONG Transparency International communique chaque année son indice de la perception de la corruption par pays, disponible sur son site internet. En 2013, le Danemark, la Nouvelle-Zélande et la Finlande figuraient parmi les pays les plus sûrs, tandis que l'Afghanistan, la Corée du Nord et la Somalie affichaient les notes les plus basses.

Antoine Pietri

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