Parité dans la finance : des évolutions de carrière contrastées
Pour pallier les disparités hommes-femmes dans les entreprises, plusieurs lois ont été votées. Selon les cas, elles ont marqué les esprits, mais ont-elles vraiment changé la donne ? Pour quelles avancées ? Retours d'expérience de la CFO de SANOFI France, Agnès Perré.

En novembre 2019, à son arrivée à la tête de la Banque centrale européenne (BCE), Christine Lagarde posait en photo. Seule femme au milieu des 24 hommes du conseil des gouverneurs. Depuis, la présence féminine a légèrement progressé avec la nomination d'Isabel Schnabel, portant à deux le nombre de femmes dans cette prestigieuse instance financière.
En 2023, seulement 7 % des directeurs généraux (ou P-DG) des entreprises du CAC 40 étaient des femmes (Forbes, mars 2024). À ce rythme, le Forum économique mondial estime que la parité hommes-femmes ne serait atteinte qu'en 2154, soulignant l'ampleur des efforts encore nécessaires pour accélérer l'égalité professionnelle. En France, différentes lois ont été adoptées pour gommer ces disparités.
La loi sur l'égalité économique et professionnelle de 2021, dite loi Rixain, instaure des quotas dans les entreprises de plus de 1 000 salariés. L'objectif est d'imposer 30 % de femmes aux postes à plus hautes responsabilités en 2027, puis d'atteindre 40 % en 2030. Cette loi n'est pas une première. La loi Copé-Zimmermann de 2011, relative à la représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des conseils d'administration et de surveillance, impose une représentation des femmes « non inférieure à 40 % » dans les conseils d'administration des structures de plus de 250 personnes. Depuis 2019, toutes les entreprises de plus de 250 salariés et, depuis 2020, toutes celles de plus de 50 salariés doivent calculer et publier leur index de l'égalité professionnelle chaque année au 1er mars. Si ces mesures forcent les entreprises à adopter une politique plus inclusive, elles restent controversées. De nombreuses femmes souhaitent être reconnues pour leurs compétences plutôt que pour un système de quotas, qui pourrait entacher leur légitimité.
Une accélération dans les recrutements
« De plus en plus de clients attachent une importance particulière à la parité et expriment une préférence pour des candidates dans certains contextes. Cette demande peut être motivée par des considérations RSE ou des impératifs de quotas, mais aussi par la reconnaissance des qualités complémentaires qu'apportent les femmes dans des instances dirigeantes ou des situations spécifiques nécessitant un certain doigté », détaille Lionel Gouget, associé chez Valtus, cabinet spécialisé en management de transition.
Une tendance particulièrement marquée dans les grandes entreprises ou sur des missions sensibles, où l'approche et la communication féminines sont perçues comme un atout stratégique. « Pour les fonctions finance, je constate encore une sous-représentation des femmes, bien que la tendance soit clairement à l'accélération. Les chiffres en témoignent : en 2022, les femmes représentaient moins de 23 % des managers dans les fonctions financières. En 2024, elles sont 38 % parmi les nouveaux inscrits dans notre base, indique l'expert. C'est une progression significative qui montre que les choses évoluent dans le bon sens ». Une progression due au rajeunissement des profils et à un effet de longue traîne, notamment pour des femmes qui ont démarré leur carrière dans les cabinets d'audit.
Un parcours professionnel aligné
« Quand je suis arrivée chez Sanofi, mon manager m'a demandé ce que je voulais développer dans ma carrière, ce qui m'intéressait. C'était la première fois qu'on me demandait comment je voulais gérer ma carrière », explique Agnès Perré, CFO chez Sanofi France. Avant ce poste, elle occupait un poste d'auditrice dans un grand cabinet et avait comme client... Sanofi. Une fois embauchée dans le groupe, elle a bénéficié de plusieurs promotions internes, et à chaque fois, motivées par ses compétences, et non par son genre. « Quand on m'a proposé la direction du contrôle interne, 18 mois après mon arrivée, je ne pensais pas que le directeur financier du groupe puisse me donner une chance », décrit-elle. Elle y reste ensuite six ans et considère aujourd'hui que ce poste de direction lui a été confié parce que « j'étais l'experte du contrôle interne après mon parcours en cabinet d'audit ».
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Deux ans plus tard, sa hiérarchie lui propose la direction financière de l'international. Poste qu'elle occupe jusqu'à sa nomination en novembre 2024 en tant que CFO Sanofi France. « N'étant toujours pas remplacée, je gère donc également la direction financière de la France qui est complexe, avec 16 usines, et tout l'export de Sanofi dans le monde. » Elle est persuadée que son évolution s'est faite naturellement, même si elle est devenue plus carriériste. « Au début, je pensais à mon intérêt et à celui de l'entreprise. Maintenant, je gère ma carrière. Quand on me propose un poste, je me demande ce que j'y gagne, quel pourrait être le prochain step », analyse-t-elle.
Agnès Perré se dit avoir été toujours très engagée sur les questions de diversité et d'inclusion, notamment sur la parité. « Je suis "sponsor gender" pour la France, aux côtés du responsable de l'industriel, car les fonctions finance, industrielle et digitale sont celles où la parité est la moins représentée ». Pour elle, il est essentiel d'y travailler pour faire bouger les lignes. « Lorsque j'ai pris mon poste de directrice financière France au 1er novembre, plusieurs jeunes femmes m'ont fait remarquer que j'étais la première à occuper cette fonction dans le pays. Pour moi, ce n'était pas un élément déterminant, ayant déjà exercé des responsabilités à l'international, mais pour les équipes locales, c'était un signal fort », détaille-t-elle. -
« Je n'ai jamais ressenti de frein du fait d'être une femme, ni eu le sentiment qu'on m'ait attribué un poste simplement parce qu'il fallait répondre à un quota de diversité. J'ai toujours pensé que mes compétences, mon potentiel et ma capacité à relever des défis ont été les véritables moteurs de mon évolution professionnelle. À chaque étape, j'ai su relever des challenges stimulants et continuer à progresser vers des postes à haute responsabilité enrichissants comme celui que j'occupe aujourd'hui chez Sanofi France. »
Le secteur pharmaceutique est relativement plus féminisé que d'autres industries. « On m'a confié ces postes en reconnaissant mon potentiel, en me poussant à me dépasser, ce qui m'a fait continuellement progresser dans des rôles stimulants », souligne-t-elle. Peut-être que nous partons de moins loin en matière d'égalité hommes-femmes par rapport à d'autres secteurs. Il y a d'ailleurs une volonté affirmée de la direction de favoriser la féminisation des postes, notamment à des niveaux hiérarchiques plus élevés, où les déséquilibres sont encore visibles, analyse-t-elle.
Sur le volet diversité et équité, l'écart de salaire entre hommes et femmes, chez Sanofi, est globalement inférieur à 5 % dans la plupart des pays du groupe. Il n'existe pas de disparités majeures. Enfin, un congé parental, lancé fin 2021, prévoit 14 jours pour tous les employés à travers le monde. L'adoption de cette mesure est équilibrée : fin novembre, la répartition des bénéficiaires depuis janvier 2022 était de 48,9 % de femmes et 51,1 % d'hommes. « C'est une mesure qui est extrêmement importante pour les jeunes talents de l'entreprise », conlut Agnès Perré.
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