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Dividendes : des changements en termes d'intégration fiscale

Le régime mère-fille en matière de versement de dividendes et d'intégration fiscale est en passe d'évoluer. Le champ d'application du taux réduit de quote-part de frais et charge (QPFC) de 1% pourrait être étendu. Décryptage.

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Dividendes : des changements en termes d'intégration fiscale

La CJUE (Cour de Justice de l'Union Européenne) a récemment jugé que le principe de liberté d'établissement s'oppose à l'ancienne législation relative aux dividendes au sein de l'intégration fiscale, en ce qu'elle refusait l'application de la neutralisation aux dividendes distribués par certaines filiales européennes à une société mère française ayant fait le choix de ne pas être membre en France d'une intégration fiscale avec d'autres sociétés françaises intégrables. Cet arrêt pourrait probablement avoir une portée plus large et s'étendre au régime actuellement en vigueur.

Pour rappel, en application du régime mère-fille, les produits nets des participations sont retranchés du résultat fiscal imposable de la société mère, à l'exception d'une quote-part de frais et charges (« QPFC »).

L'actualité relative aux QPFC sur les dividendes est particulièrement riche depuis quelques mois. Il y a tout juste un an, le Conseil d'Etat annulait certains commentaires administratifs, permettant ainsi -sous conditions- à une société mère française de bénéficier d'un crédit d'impôt lié à une retenue à la source prélevée dans l'Etat de situation de sa filiale distributrice (CE, 8e-3e ch., 5 juill. 2022, n° 463021, SA AXA).

Cet arrêt ne concerne pas cette fois les retenues à la source, mais les situations d'intégration fiscale.

Pour les exercices ouverts avant le 1er janvier 2016, la QPFC liée aux dividendes distribués au sein de l'intégration fiscale était -sous conditions- neutralisée au niveau du résultat d'ensemble du groupe fiscal. Lorsque les dividendes étaient distribués par des filiales d'autres Etats membres qui, si elles avaient été résidentes de France, auraient pu appartenir à un groupe fiscal intégré, la neutralisation ne s'appliquait pas, ce qui a été jugé contraire à la liberté d'établissement par la CJUE dans un arrêt dit Steria en 2015 (CJUE, 2 sept. 2015, aff. C-386/14, Groupe Steria SCA).

Dans les affaires liées à l'arrêt commenté (CJUE, 11 mai 2023, aff. C-407/22 et 408/22), la société mère demandait le bénéfice de la neutralisation de la QPFC à raison des dividendes distribués en 2011 et 2012 issus de ses filiales européennes qui auraient été éligibles à l'intégration fiscale si elles avaient été établies en France. L'administration s'y opposait dès lors que la société française n'avait pas adhéré à une intégration fiscale alors qu'elle disposait en France de sociétés intégrables. Saisi, le Conseil d'Etat a sursis à statuer et a transmis une question préjudicielle à la CJUE.

En substance, la CJUE juge que la législation française en vigueur avant 2016 n'était pas conforme au droit européen, en ce qu'elle permettait à une société mère, ayant opté pour l'intégration fiscale avec des sociétés résidentes, de bénéficier de la neutralisation de la réintégration de la QPFC afférente aux dividendes perçus de filiales européennes intégrables, alors qu'elle refusait cette neutralisation à une société mère résidente n'ayant pas opté pour une telle intégration fiscale malgré l'existence de liens capitalistiques avec d'autres sociétés résidentes le permettant.

Dans le régime actuel, la QPFC n'est plus neutralisée, mais son taux est réduit à 1% en cas de distribution au sein de l'intégration fiscale. Ce taux s'applique également lorsque la filiale est établie dans un autre Etat de l'UE ou partie à l'EEE conventionné et aurait rempli les conditions pour être membre de cette intégration fiscale si elle avait été établie en France et que la société mère française est membre d'une intégration fiscale ou si la société mère est non-intégrée, à condition que l'absence d'appartenance à un groupe fiscal intégré résulte d'une impossibilité d'opter et ne soit pas uniquement due à l'absence des options et des accords à formuler pour devenir membre (ex. détention du capital de filiale inférieure à 95% ou dates de clôture des exercices différentes).

L'arrêt commenté vise le régime antérieur à 2016, mais sa portée pourrait être étendue au régime actuel. Ainsi, dans l'hypothèse d'une société mère française percevant des dividendes d'une filiale étrangère établie dans l'UE et intégrable, peu importe donc que la société française ait choisi ou non d'être membre d'une intégration en France. Lorsque le taux de QPFC 5% (au lieu de 1 %) a été appliqué, elle pourrait déposer une réclamation afin de préserver ses droits.

L'auteur : Charlotte VENIARD est avocate counsel en matière de fiscalité de entreprises au sein du cabinet PDGB. Avec près de 15 ans d'expérience, elle assiste majoritairement les entreprises, tant dans leurs opérations quotidiennes que dans le cadre de restructurations ou de contrôles fiscaux. Membre active au sein de la Commission des débats techniques de l'Association Française des Femmes Fiscalistes, elle est en charge de cours de fiscalité internationale en DJCE et de l'enseignement du module de fiscalité des entreprises à HEAD.


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