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Comment éviter le contentieux lié à la mise en jeu d'une clause de garantie de passif ?

En l'absence de dispositif légal consacré à la garantie des cessions, la rédaction d'une clause de garantie doit être soigneusement pensée par le cédant comme par le cessionnaire. Le recours à une assurance est également un moyen de garantir une répartition équilibrée des risques entre les parties.

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Comment éviter le contentieux lié à la mise en jeu d'une clause de garantie de passif ?

En l'absence de dispositif légal consacré à la garantie des cessions, la rédaction d'une clause de garantie doit être soigneusement pensée par le cédant comme par le cessionnaire. Le recours à une assurance est également un moyen de garantir une répartition équilibrée des risques entre les parties.

Comment éviter le contentieux lié à la mise en jeu d'une clause de garantie de passif ?

La clause de garantie d'actif et de passif est une clause par laquelle le cédant d'une opération de cession s'engage à dédommager l'acquéreur de toute diminution de l'actif ou de toute augmentation du passif survenant après la cession mais ayant une cause antérieure.

En l'absence de prévisions légales encadrant la garantie des opérations de cession, les juges retiennent le plus souvent une interprétation restrictive de ces clauses. En conséquence, l'absence de stipulations précises ne peut créer d'obligations à l'encontre du cédant et une obligation de prudence pèse sur le cessionnaire.

La phase de négociations préalables lors de la rédaction de cette clause de garantie est donc d'une importance capitale, tant pour le cessionnaire qui cherche à obtenir le meilleur prix de cession ainsi qu'un maximum de transparence et de garantie quant à la rentabilité future de la société acquise, que pour le cédant qui a pour objectif de recevoir un prix suffisant et d'être libéré de toute obligation à compter du jour de la cession.

La stratégie du cédant

Parmi les négociations essentielles que doit mener le cédant, ce dernier a intérêt à limiter le montant du dédommagement qui pourrait être réclamé par le cessionnaire. A cette fin, il dispose de plusieurs mécanismes qui peuvent faire l'objet de négociations : un montant unitaire minimum par réclamation, un plafond forfaitaire qui ne pourra être dépassé qu'en cas de mauvaise foi(1) , une franchise restant à la charge du repreneur, un seuil de déclenchement, une dégressivité de la garantie de passif dans le temps (couramment par tiers sur trois ans), une clause de prise en compte du préjudice net en cas d'économie d'impôt pour le cessionnaire, une clause de non garantie de passif excluant expressément un poste spécifique, etc.

Il lui est également recommandé de chercher à contrôler le délai maximum au cours duquel le cessionnaire peut invoquer la garantie à la suite de la cession. Si en pratique la durée moyenne des garanties est de 18 à 36 mois, il est conseillé dans tous les cas de fixer une échéance comportant une date.

Enfin, le droit à l'information du cédant peut faire l'objet de nombreux contentieux. L'intérêt est de taille : lors de l'appel en garantie, le non-respect du droit à l'information du cédant, voire de son droit d'intervention s'il est prévu, peut entrainer la déchéance de la garantie. Le cédant peut donc négocier une clause de direction du procès, qui subordonne l'indemnisation du cessionnaire à la conduite par le cédant des procédures qu'il jugerait utiles contre les créanciers sociaux. Il peut également négocier une clause prévoyant que le cessionnaire devra immédiatement aviser le cédant de toute demande de paiement émanant des créanciers sociaux, avec un encadrement du délai d'information et des modalités pratiques de l'envoi et du contenu de l'information.

La prudence du cessionnaire

Le cessionnaire a quant à lui intérêt à renforcer son contrôle au moment de la négociation de la cession face au risque de la transmission de la responsabilité pénale. En effet, depuis une décision du 25 novembre 2020, une société absorbante peut voir sa responsabilité pénale engagée sur le fondement d'actes commis par la société absorbée antérieurement à la fusion, pour les fusions postérieures à la date du 25 novembre 2020(2). Il est donc recommandé de prévoir des mesures d'audit renforcées en matière de risque pénal.

La rédaction de la clause de garantie de passif peut également anticiper la prise en charge d'un risque identifié de nature pénale ou d'une autre nature. Ainsi, en pratique, les risques identifiés par le cessionnaire au cours de la due diligence sont le plus souvent exclus du champ de la clause de garantie de passif par une clause anti-dilatoire. Toutefois, en l'absence de précision en ce sens, les juges optent pour une lecture générale de la clause de garantie de passif et ne vérifient pas si le cessionnaire avait eu connaissance ou non du risque avant la cession(3). Le cessionnaire a tout intérêt à ce que les risques juridiques éventuels identifiés lors de la période de due diligence puissent être couverts par la clause de garantie d'actif et de passif ou par une assurance, ces risques correspondant souvent à des risques à faible probabilité mais à gravité élevée.

Le recours à une assurance

L'assurance garantie de passif permet à la fois au cessionnaire de sécuriser le paiement de la garantie et au cédant d'éviter de provisionner le montant de la garantie dans son bilan. Le recours à une telle assurance connait une croissance exponentielle : près de 50% des transactions dont le montant est supérieur à 100 millions d'euros ont fait l'objet d'une assurance garantie de passif(4). Cet outil permet d'apaiser les relations entre cédant et cessionnaire, et d'éviter les blocages pendant la phase de négociation.

Les acheteurs peuvent également chercher à assurer un risque juridique échappant à l'assurance garantie de passif parce qu'identifié au cours de la due diligence. L'assurance contre les risques juridiques éventuels (Contingent Legal Risk Insurance) permet de les appréhender, en soustrayant ce passif potentiel de la valeur de la société cible pour le faire peser sur l'assureur. Le rendement attendu est alors assuré, tout en ayant externalisé le risque afin de garantir une répartition plus équilibrée des risques entre les parties.

Pour en savoir plus

Geoffroy Goubin, avocat associé, Bougartchev Moyne Associés

Lisa Janaszewicz, avocate, Bougartchev Moyne Associés

Avec la collaboration d'Ariane Laburthe-Tolra, élève avocate


[1] Selon le rapport CMS European M&A Study 2021, en France, les montants de plafond entre 10% et 20% du prix de cession sont les plus courants sur toute taille d'opérations (les montants ayant tendance à diminuer avec la taille de l'opération).

[2] Cass. Crim., 25 novembre 2020, n°18-86.955.

[3] Cass. com., 3 mai 2018, n°16-23.817.

[4] CMS European M&A Study 2021 cité dans Option Droit et Affaires, 29 mars 2021, " Conventions de garantie : avec la pandémie, un marché contrasté un peu plus favorable aux cessionnaires ".

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