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Ruptures conventionnelles : les règles changent au 1er septembre

Devant l'essor des ruptures conventionnelles, l'Etat a décidé dans sa dernière loi de finances rectificative du mois dernier, d'adapter son régime social afin d'en gommer les effets pervers.

Publié par Stéphanie Gallo le | Mis à jour le
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Ruptures conventionnelles : les règles changent au 1er septembre

192.277 ruptures conventionnelles en 2009, 395.151 en 2017, 492.938 en 2018, 502.004 en 2022... Après un net ralentissement en 2020 lié à la crise Covid, le succès de la rupture conventionnelle ne se dément pas. Il faut dire que ses avantages sont certains, pour les salariés comme pour les employeurs. Pour les salariés, la rupture conventionnelle leur permet de quitter leur job sans être contraint de démissionner et donc de conserver leur accès aux allocations chômage. Pour les employeurs, elle leur offre l'opportunité de se séparer de salariés devenus indésirables en évitant de monter un dossier de licenciement qui pourrait s'avérer juridiquement hasardeux.

Sauf que devant ce succès croissant, le sujet de la rupture conventionnelle est aussi devenu un enjeu de finances publiques. Pour limiter les effets pervers constatés ces dernières années, la loi de financement rectificative du 14 avril dernier a entériné des modifications importantes dans le régime social et fiscal de la rupture conventionnelle. Objectif : que celle-ci ne soit pas plus avantageuse que d'autres modes de rupture, en particulier pour les salariés proches de la retraite. Pour les employeurs, la rupture conventionnelle peut actuellement en effet s'avérer moins couteuse que la mise à la retraite d'un collaborateur. Coté collaborateurs, certains pouvaient également préférer un passage par la case chômage (avec allocations) avant de réclamer leur pension de retraite.

« Globalement, la rupture conventionnelle va désormais coûter plus cher à l'employeur mais, de manière générale, la différence de coût ne devrait pas venir contrebalancer les avantages d'une rupture conventionnelle engagée à l'initiative d'une entreprise souhaitant se séparer d'un salarié sans se risquer dans un licenciement », relativise Alexandra Stocki, avocate associée chez Proskauer Rose Llp, spécialiste du droit du travail. En revanche, « pour les ruptures sollicitées par les salariés, les ruptures de convenance pour se reconvertir, pour changer d'entreprise etc, qui sont parfois devenues presque des habitudes dans certaines entreprises, là, l'employeur y réfléchira peut-être un peu plus ».

Qu'est-ce qui va changer ?

Actuellement deux régimes sociaux différents s'appliquent dans les ruptures conventionnelles, selon que le salarié peut prétendre, ou non, à une pension de retraite. Si le collaborateur peut bénéficier d'une pension de retraite (à taux plein ou pas), l'indemnité de rupture conventionnelle est soumise à cotisations sociales ainsi qu'à la CSG-CRDS dès le premier euro mais n'est pas assujetti au forfait social de 20%.

Si le collaborateur n'est pas arrivé à l'âge de la retraite, l'indemnité est, elle, soumise à ce forfait social de 20% (exclusivement supporté par l'employeur) pour sa part exonérée de cotisations sociales ainsi qu'à la CSG-CRDS (dans la limite de l'indemnité légale ou conventionnelle de licenciement). Cette indemnité est en outre assujettie à cotisations sociales (entreprise et salarié) pour sa fraction non imposable.

« Désormais le forfait social de 20% est supprimé, il est remplacé par une contribution unique de 30% quel que soit le statut du salarié via à vis de la retraite. En parallèle, la contribution patronale sur l'indemnité de mise à la retraite passe elle aussi à 30% (au lieu des 50% versés à la CNAV). Les régimes de CSG-CRDS sont alignés pour tous les collaborateurs, qu'ils aient atteint ou pas l'âge de la retraite, l'indemnité est exonérée pour sa fraction exonérée de cotisations sociales dans la limite de l'indemnité légale ou conventionnelle de licenciement. Le coût financier entre une mise à la retraite et une rupture conventionnelle sera donc équivalent (sous réserve des dispositions de la convention collective applicable en matière d'indemnité de mise à la retraite)», détaille Alexandra Stocki. Les cotisations sociales sont exonérées pour tous sur la fraction non imposable dans la limite de deux PASS ( soit 87.984 euros en 2023). L'indemnité de rupture conventionnelle ou de mise à la retraite dont le montant dépasserait 10 fois le Pass restera en revanche soumise dès le 1er euro aux cotisations de Sécurité sociale.

Point de vigilance sur la date d'entrée en vigueur de la loi

Si les évolutions à venir avec cette réforme sont assez claires, reste néanmoins un point de vigilance à garder en tête pour les prochaines ruptures conventionnelles. « La loi rectificative mentionne seulement que ces nouvelles règles concernent les ruptures qui interviendront à partir du 1er septembre 2023. Concrètement, cela signifie que cela peut concerner soit les ruptures qui seront signées à partir du 1er septembre, soit celles qui feront l'objet d'une demande d'homologation à compter de cette date, soit celles qui seront homologuées à compter de cette date ou encore celles dont la prise d'effet est prévue à partir du 1er septembre », met en garde l'avocate de Proskauer Rose Llp.

Le BOSS (Bulletin Officiel de la Sécurité Sociale) devrait logiquement préciser ce point dans les prochaines semaines mais en attendant Alexandra Stocki conseille de rester vigilant pour les prochaines ruptures conventionnelles dont la prise d'effet pourrait se faire après cette date du premier septembre. Si besoin, l'experte engage les entreprises à se renseigner, par écrit pour en garder une trace en cas de contrôle, auprès de leurs services régionaux de sécurité sociale voire la Direction de la Sécurité sociale, même si, sur un strict plan juridique, une telle réponse ne devrait pas être opposable en cas de contrôle.

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