Recherche

DossierSoyez cash !

Être cash pour un Daf, c'est mettre la structure en ordre de marche au service de la génération de cash, de son optimisation et de sa gestion prévisionnelle. Entre mise en oeuvre de ses compétences techniques et communication auprès des parties prenantes, le Daf se doit d'être sur tous les fronts.

Publié par le
Lecture
25 min
  • Imprimer
Soyez cash !

1 Agir sur le BFR, hors postes clients et fournisseurs : 1er levier, les stocks

Réduire, ou du moins maîtriser le besoin en fonds de roulement (BFR, l'excès d'actifs circulants sur les passifs circulants) ? C'est le Graal de toute direction financière et assurément, depuis le début de la crise financière et économique en 2008, un impératif pour un grand nombre d'entreprises.

Quels peuvent être les moyens mis en oeuvre pour y parvenir ? On pense d'emblée, quand ce n'est pas exclusivement, aux options traditionnelles employées pour "monétiser" le cycle d'exploitation : recouvrer le plus rapidement possible les créances sur les clients et, à l'inverse, retarder le paiement des fournisseurs, cela dans les limites désormais imposées par le volet "délais de paiement" de la loi dite LME, entrée en application le 1er janvier 2009.

Il existe cependant d'autres leviers pour agir sur le BFR, qu'on aurait tort de considérer comme quantités négligeables : tout d'abord, une gestion avisée des stocks (matières premières, produits semi-finis et disponibles à la vente), mais aussi une attention accrue aux créances non commerciales et enfin, certaines techniques de financement du cycle d'exploitation.

2 Trouver le bon niveau de stocks

" Agir sur les stocks ? Voilà une piste très intéressante pour réduire le BFR, et dont le pay-back est plus important qu'on ne le pense habituellement ", estime Yves Peccaud, dirigeant de CultureCash.com, qui constate que chefs d'entreprise et Daf sont trop souvent obnubilés par les seuls investissements permettant de doper la productivité.

Mais trouver le bon niveau de stocks relève de la quête perpétuelle. " On a d'un côté les commerciaux et les responsables de la production qui souhaitent des stocks les plus élevés possibles, de l'autre le point de vue financier, qui commande de les réduire au maximum. Un Daf passe son temps à tenter de concilier ces intérêts divergents ", témoigne Hervé Tiberghien, le p-dg d'Alpex Protection - une entreprise de la région Rhône-Alpes, spécialisée dans la fabrication de tissus imperméables, qui réalise environ 9 millions d'euros de chiffre d'affaires -, lequel admet qu'en ce moment, compte tenu des taux de financement historiquement bas, " la priorité va plutôt à la recherche des commandes ".

Il incombe au Daf, même s'il est a priori éloigné des subtilités de la logistique, de se saisir de ce dossier, en tant que "sponsor", c'est-à-dire animateur d'un projet réunissant des opérationnels de divers horizons. Il est en tout cas le mieux placé pour sensibiliser les responsables de terrain aux coûts générés par les stocks (coût de portage ou financier et coûts directs). Mais le recours à des compétences extérieures - la logistique est un domaine expert, qui ne s'improvise pas - mérite d'être considéré, " à condition que cela se traduise par un transfert de compétences ", nuance Yves Peccaud.

Pour obtenir un effet durable sur le BFR, le Daf sera avisé de mettre sur pied une série d'indicateurs et un tableau de bord, destinés à mesurer l'efficacité des actions menées, mais aussi pour en faire partager les résultats. Rappelons qu'en la matière, compte tenu de la cyclicité propre à de nombreux secteurs d'activité, des notions comme le stock moyen ou encore le stock en début ou en fin de période doivent être manipulées avec prudence.

3 Les stocks, source de cash

Les stocks, matières premières ou produits finis, représentent un casse-tête quand il s'agit d'optimiser leur gestion, mais aussi un actif facilement identifiable qu'on peut transformer en levier pour le financement du cycle d'exploitation.

Le financement (ou avance) sur stock, qui s'adresse en priorité aux entreprises à l'activité cyclique, présente l'avantage d'être moins cher que le crédit de trésorerie classique, car la banque qui l'octroie mobilise moins de fonds propres (le stock gagé ou nanti constitue une garantie de premier rang).

Les organismes de crédit financent en moyenne 50 % du prix de revient du stock et rarement au-delà de 80 %, cela en fonction, principalement, de la fongibilité des marchandises.

Ce crédit plutôt bon marché a un revers : il nécessite un certain formalisme. Il faut en effet mettre en place un double contrat, l'un avec la banque, l'autre avec un prestataire spécialisé (gagiste), qui procède à l'audit du stock, à la mise en place du gage et au suivi des marchandises.

Les outils de communication à distance, qui permettent un suivi fiable et régulier des stocks, facilitent la mise en place de ce type de financement. Les stocks gagés sont de ce fait moins souvent cantonnés (gardés en dehors de l'entreprise).

En tout état de cause, il sera prudent, et même vital, de ne pas se montrer jusqu'au-boutiste : le danger que représente la rupture d'approvisionnement (en amont du cycle de production ou côté ventes) doit toujours être mis en arbitrage avec les gains attendus d'une réduction des stocks.

Attention aussi aux fournisseurs lointains, qu'on choisit avant tout pour leurs prix apparemment imbattables : le long cheminement de la marchandise, le plus souvent réglée à la commande, revient ni plus ni moins à constituer un stock mobile.

Antoine Gendre

Hors postes clients et fournisseurs, point de salut ? L'opinion est courante mais fausse, car la maîtrise des stocks, trop souvent délaissée par les directions financières, procure un levier important sur la trésorerie.

4 [Focus] La consignation, une technique qui présuppose la confiance

La consignation est un dispositif qui revient à faire porter le stock par le fournisseur (il en garde la propriété, quel que soit le lieu de stockage) et qu'on rencontre surtout en présence de matières premières.

5 Les limites de la consignation

Cette technique, grâce à laquelle on peut s'approcher du fameux "flux tendus", nécessite cependant qu'une relation de confiance ait été établie avec le fournisseur, lequel, par ailleurs, aura tendance à pratiquer en contrepartie des prix plus élevés. " C'est toujours la même vieille histoire de rapport de force ", constate Philippe Leclercq, Daf du Groupe Marazzi France, spécialisé dans la céramique, qui précise que la distribution est en train de reprendre la main : " Depuis que sont apparues les contraintes liées à la LME, les distributeurs cherchent d'autres sources de gains dans le domaine du BFR et ont tendance à faire porter le stock par les fabricants ", note-t-il.

Antoine Gendre

Avec la consignation, c'est le fournisseur qui conserve la propriété du stock, permettant ainsi un fonctionnement à "flux tendus". Une technique qui n'est envisageable que dans le cadre d'une relation de confiance bien établie !

6 Agir sur le BFR, hors postes client et fournisseurs : 2e levier, les créances non commerciales

L'optimisation du BFR passe aussi par le recouvrement rapide des créances non commerciales, fiscales ou sociales notamment. " Contrôler les retards dans ce domaine est un vrai plus du financier ; cela incombe naturellement au Daf, qui doit le faire régulièrement. Gros avantage : c'est une action qui ne mobilise que peu de ressources ", juge Yves Peccaud, dirigeant de CultureCash.com.

Les créances fiscales peuvent être mobilisées, sous certaines conditions, auprès des banques commerciales ou de la Banque publique d'investissement. C'est le cas du crédit d'impôt recherche et du crédit d'impôt compétitivité emploi (lire l'entretien avec Arnaud Chambriard). " Si l'entreprise n'était pas déficitaire en ce moment, je m'engouffrerais dans cette brèche ", assure le directeur financier d'une entreprise de distribution.

7 Minorer les besoins de trésorerie en augmentant les capitaux permanents

La chasse aux subventions (création et reprise d'entreprise, soutien à l'activité, soutien sectoriel...) représente aussi un levier financier non négligeable : on agit non pas directement sur le BFR, mais on minore les besoins de trésorerie en augmentant les capitaux permanents ou quasi permanents (cas où les subventions sont renouvelées). " Je veille, dans la mesure du possible, à accéder aux aides aux projets collaboratifs des pôles de compétitivité [Fonds unique interministériel, NdlR] ", explique Hervé Tiberghien, dont l'entreprise consacre plus de 5 % de son CA à la R & D.

8 Recourir à l'affacturage

On peut enfin, en matière de besoin en fonds de roulement, le financer, notamment au travers de l'affacturage, une technique désormais normalisée et qui s'est largement débarrassée de la mauvaise réputation qui lui était attachée. Le Gouvernement a récemment lancé une mission destinée à favoriser l'accès des PME à cette technique de mobilisation des créances commerciales.

Antoine Gendre

La maîtrise des stocks constitue une première piste pour agir sur le BFR. Mais ce n'est pas la seule piste : le recouvrement des créances non commerciales peut également s'avérer fructueux.

9 [Avis d'expert] Arnaud Chambriard, associé gérant, Neftys Conseil, intermédiaire en opérations de banque

10 Le moment est-il propice pour mobiliser ses créances fiscales ?

Oui, car les banques sont plus frileuses en matière de crédit, en raison notamment des contraintes prudentielles issues des accords de Bâle III : elles privilégient de ce fait les financements adossés, notamment à des créances fiscales, généralement de bonne qualité. Ces créances doivent être restituables et cessibles : elles concernent donc, principalement, les crédits de TVA ou d'IS, le crédit de report en arrière de déficits fiscaux (carry-back), ainsi que l'ensemble des nombreux dispositifs de crédits d'impôt aux entreprises, dont les bien connus crédit d'impôt recherche (CIR) et crédit d'impôt pour la compétitive et l'emploi (Cice), qui devraient atteindre respectivement 6 et 20 milliards d'euros en 2014.

11 À qui s'adresser ?

Pour le Cice, à Bpifrance et à tous les réseaux commerciaux, officiellement ouverts à ce type de financement. Dans le domaine du CIR, l'appétit et le savoir-faire varient assez sensiblement d'un établissement à un autre. En ce qui concerne les autres créances, la pratique n'est ni généralisée ni industrialisée.

12 Quels sont les mécanismes communs à ces mobilisations ?

Le préalable est l'audit de la créance, relativement aisé s'il s'agit d'un Cice, mais potentiellement beaucoup plus compliqué dans les autres cas. Vient ensuite la cession de la créance, sous la forme d'un Dailly. Enfin, la mise en place du financement, qui porte, en moyenne, sur 80 % du montant.

Le coût pour l'entreprise, contre-partie de la disposition anticipée de cash, est équivalent à une facilité de trésorerie pour le Cice et le CIR. Aux conditions de marché actuelles, il est très incitatif. Pour les autres créances, le coût est plus élevé. Signalons qu'un minimum d'environ 25 000 euros est nécessaire pour que soit accepté un dossier Cice et qu'il faut compter au moins 75 000 euros dans les autres cas.

Notons encore qu'à partir de 1 million d'euros, on peut envisager un montage déconsolidant - la cession de la créance est sans recours - qui peut intéresser les entreprises désireuses d'améliorer leurs ratios financiers. Enfin, en présence de CIR et de Cice, on peut envisager un préfinancement.

Antoine Gendre

Le coût de mobilisation du CIR ou du Cice est très incitatif. Une opportunité à saisir pour optimiser le cash, selon Arnaud Chambriard, associé gérant de Neftys Conseil.

13 Le haut de bilan, de la contrainte à la ressource ?

Le premier réflexe, pour optimiser la trésorerie de l'entreprise, est de jouer sur les actifs les plus liquides : gestion des stocks, créances clients, ou encore dettes fournisseurs... Pourtant, il importe de ne pas négliger le haut de bilan.

Premier impératif : trouver un équilibre entre l'endettement bancaire et l'apport de capitaux frais par des actionnaires extérieurs. Cette solution présente notamment l'intérêt de ne pas peser sur le cash. Elle implique, cependant, une dilution du capital. " Il faut également savoir qui entre au capital. Les actionnaires professionnels sont plus intrusifs que les petits porteurs ", fait remarquer David Brault, fondateur d'Objectif Cash. " La dette bancaire pèse toujours sur le cash, puisqu'elle implique le remboursement du capital et des intérêts. Elle est inscrite au bilan, et pose une contrainte ", ajoute-t-il.

Pour limiter le poids du remboursement sur le cash, une possibilité : négocier au mieux les modalités de la dette, ce qui revient in fine à étendre sa capacité de négociation avant que d'éventuelles tensions de trésorerie ne surviennent, et par conséquent à anticiper les risques.

14 Le Daf doit devenir un (mauvais) scénariste

" Le rôle du Daf est d'acquérir du cash dans les meilleures conditions ", remarque Yves Peccaud, dirigeant de Culture Cash. " Il doit travailler dans un souci de volume, de maturité et de coût. Si on va chercher la dette en période de crise ou après un mauvais bilan, elle coûte plus cher ou bien on ne la trouve pas. " Il est donc essentiel d'établir un "worst case scenario" de façon à anticiper en amont l'ensemble des risques - risque pays, risque technologique, risque client... - auxquels l'entreprise pourrait devoir faire face, et obtenir des facilités de financement à même de les couvrir.

Face à la nécessité de présenter l'équivalent de trois mois de frais fixes et de BFR en trésorerie accessible, le Daf doit aussi procéder à des simulations fondées sur une hypothèse pessimiste, tel le cas d'une chute brutale du chiffre d'affaires sur plusieurs mois. Si ce scénario débouche sur un manque de trésorerie, le fait de ­disposer d'une solution pour mobiliser du cash sera identifié, et donc plus facilement mobilisable. Mais cet argent n'a pas nécessairement besoin d'être présent en trésorerie : il peut s'agir, par exemple, d'une ligne de crédit, d'un découvert, d'un Dailly ou d'un contrat d'affacturage.

15 Ne pas refuser de l'aide

En premier lieu, acceptez de l'aide pour modéliser et analyser la génération de cash dans l'entreprise, en prenant notamment en compte les différents éléments du haut de bilan via certains logiciels de prévision et de simulation. La société CashSolve, leader sur ce marché, propose ainsi le logiciel Cash Modeling, qui permet de suivre l'évolution des ratios de covenants sur une journée, un mois ou un an. " En un coup d'oeil, le Daf peut consulter les prévisions d'exploitation et déterminer si la société risque un bris de covenants, et à quel horizon ", détaille Thomas Rubio, directeur du pôle conseil de la société.

En second lieu, n'hésitez pas à recourir à l'aide de certains organismes d'État pour limiter votre emprunt bancaire. C'est la démarche de la société Olea Medical, spécialisée dans les logiciels dédiés à l'imagerie médicale. " En cinq ans, nous avons bénéficié de trois avances remboursables de la part d'Oséo pour un montant d'un million d'euros. Elles ont été accordées pour un projet de R & D bien défini, et sont remboursables à taux zéro en cas de succès. Les paiements ont commencé cette année et sont inférieurs à 15 000 euros par trimestre ", relate Christine Grasset, la Daf de la société.

Faire des choix d'investissements, et donc d'immobilisations pouvant être cédées, et aider au choix du "bon" fonds monétaire est aussi un moyen pour agir sur la génération de cash via le haut de bilan.

16 Le Daf doit savoir choisir

Le choix des investissements peut (doit) nécessiter la mise en place de processus de sélection des projets : équipement, usine, rachat de concurrent... Pour Yves Peccaud (Culture Cash), " plusieurs facteurs sont à prendre en compte : le placement idéal est un projet rentable, à risque maîtrisé, qui présente un payback rapide ". " Il ne faut sélectionner que les investissements pour lesquels on a l'assurance qu'ils permettront de rembourser le capital tout en conservant une marge de manoeuvre liée aux aléas de l'entreprise ", ajoute David Brault (Objectif Cash).

Le rôle du Daf consiste, en outre, à identifier les immobilisations qui ne revêtent pas d'importance stratégique pour l'entreprise, et qui peuvent faire l'objet de cession pour générer de la trésorerie. " Il s'agit d'abord de valider que la rentabilité de chaque filiale ou segment stratégique délivre bien celle prévue (ROCE). Si tel est le cas, le cash doit remonter à la holding, indique Yves Peccaud. Dans le cas inverse, il faut regarder leur cession qui va générer du cash lors de la vente. " Ce raisonnement peut également concerner la partie immobilière des assets lorsque des bâtiments sont détenus en propre. Il faut ensuite vérifier si de petites immobilisations non utilisées peuvent faire l'objet de cessions. Selon Yves Peccaud, " il y a toujours de tels équipements ou biens qui peuvent alors être cédés pour accroître aussi la trésorerie ".

Antoine Pietri

La dette et les actifs immobilisés peuvent constituer des contraintes sur le pilotage du cash. Dans un contexte d'optimisation de ce dernier, le rôle du Daf est (aussi) de veiller à ce que le haut de bilan devienne une source d'approvisionnement de trésorerie pour l'entreprise.

17 [Cas pratique] Un LBO sans impact sur la trésorerie : le cas de Néothermie

Sous LBO, le ou les fonds d'investissement qui détiennent la société sont très attentifs à la génération de cash de l'entreprise, qui constitue le principal indicateur de rentabilité. Or, les éventuelles remontées de dividendes impactent la trésorerie de l'entreprise.

D'autres stratégies sont parfois privilégiées, comme dans le cas de Néothermie, une PME spécialisée dans les travaux d'installation d'équipements thermiques et de climatisation. " Dans notre cas, l'intérêt du fonds est de vendre la société après cinq ou six ans avec un multiple beaucoup plus élevé pour générer des plus-values. Le cash est donc réinvesti dans l'entreprise, et la gestion de la trésorerie ne subit aucun effet négatif ", rapporte Didier Postel, le Daf.

Antoine Pietri

Didier Postel, Daf de Néothermie, revient sur son expérience du LBO.

18 [Cas pratique] Provost, une société "cash riche"

La société Provost, spécialisée dans les rayonnages, dispose de 42 millions d'euros de fonds propres pour seulement 2 millions d'emprunts à moyen terme. " Les prêts que nous avons sollicités visaient à racheter des agences et à acquérir des machines ", explique Benjamin Nolf, le dg adjoint de cette société qui réalise un chiffre d'affaires 2013 de 80 millions d'euros. Ces machines, qui coûtent plus d'un million d'euros, entrent dans les immobilisations corporelles.

" Nous sommes dans une logique de culture familiale, avec un groupe qui s'est développé principalement par autofinancement. Dans ces conditions, lorsque nous sollicitons un prêt pour financer une acquisition tangible, qui va participer au développement de l'entreprise, les banques sont très intéressées. " Cette situation a permis au Daf d'obtenir un taux défiant toute concurrence, à 1,40 % sur cinq ans.

Antoine Pietri

Benjamin Nolf, Daf de Provost, revient sur les conditions qui ont permis à sa société d'obtenir un prêt au taux très attractif.

19 Impliquer tous les services dans les besoins de trésorerie

" Face au cash, toutes les entreprises, quelle que soit leur spécificité, ont le même enjeu. Seul leur niveau de maturité face à la question n'est pas identique ", souligne Carl Civadiée, responsable de l'offre BFR et Cash management du groupe d'audit et de conseil Grant Thornton. Sensibiliser et motiver les collaborateurs à cette question requiert de vraies capacités de leadership de la part du Daf(1).

20 Communiquer régulièrement

Il est un point sur lequel tous les interviewés se rejoignent : la notion de pérennité. Les actions coup de poing n'ont qu'un effet court-termiste et peuvent être démobilisatrices en laissant croire que cela a suffi. Mieux vaut des réunions régulières, en face à face, des révisions et du travail conjoint. " Tout est dans la communication et la capacité à s'adapter à l'auditoire ", résume Hubert Poinsignon, Daf depuis plus de 20 ans. Avec, pour les Daf d'entreprise réalisant un CA entre 10 et 100 M€, un avantage : " La sensibilité à cette notion, à ce besoin vital qu'est le cash, est encore assez forte ". Mais ces mêmes Daf aux multiples tâches ont rarement du temps à consacrer à une telle motivation de trésorerie. Faire appel à un cash manager de transition, souvent un ex-Daf spécialisé en la matière, a du sens et permet de variabiliser la charge.

Autre point qui fait l'unanimité, l'importance du top management : " Communiquer sur le cash n'a d'intérêt que s'il y a communication parallèle sur la stratégie. Car le Daf fait le lien entre le projet partagé par l'ensemble des salariés et le cash requis pour l'amorcer et le développer ", poursuit Hubert Poinsignon. " En tout état de cause, la diffusion optimale de la culture cash repose sur une décision sponsorisée par le p-dg et supervisée par le Daf ", insiste Carl Civadiée

21 Connaître son auditoire

Qui sont les parties prenantes ? Le codir, les salariés avec une mention spéciale au middle management, les clients, les fournisseurs, les investisseurs et l'État ! La spécificité marquante de l'entreprise détermine le public le plus important. Si l'activité est le négoce, le Daf devra se concentrer (hormis sa propre équipe) sur les fournisseurs, le stock et la qualité achats. Si l'entreprise est fortement consommatrice de main-d'oeuvre, il se concentrera sur la DRH, pour stabiliser la masse salariale. Ou bien encore si l'entreprise est positionnée sur un marché en évolution, il visera les investisseurs. En général, en industrie, trois services sont coeur de cible : production, logistique et commercial.

22 Opter pour un discours factuel

Sandy Zito, Daf de l'entreprise Sam outillage, qui fonde sa politique cash sur quatre thématiques - résultat, BFR, investissements et emprunts -, communique auprès des opérationnels et du terrain sur les trois premiers éléments, et auprès des financiers sur le quatrième.

Il s'agit d'émettre un diagnostic qui permettra à chacun d'identifier en quoi il peut aider à la génération de cash. " Le service achats doit être en mesure de comprendre que son activité est conditionnée à la commercialisation, mais que pour optimiser ces achats, la problématique des stocks doit être prise en compte ", illustre Carl Civadiée.

En comité de pilotage, face aux directeurs de départements, Sandy Zito a adopté un discours très factuel : " On reçoit telle marchandise, qui reste chez nous 120 jours ; nous payons à 60. Or nos clients nous payent à 70. Nous avons donc 130 jours de délai à financer. " Un mode de communication qu'il recommande vivement. " II convient d'utiliser des échelles de valeur concrètes : un jour de stock c'est tant d'euros ; un déplacement commercial c'est encore tant ; si on gagne un mois de paiement, on économise tant... Cela permet de faire comprendre à la logistique la nécessaire révision des tailles de lots et le fait qu'après analyse de la rotation des stocks, on opte pour commander moins à chaque fois mais plus fréquemment, puisque la consommation de cash s'en ressent de manière positive. "

" S'entretenir avec les managers individuellement pour partager les informations terrain est essentiel, tout comme la restitution en codir, afin de mettre tout le monde dans le même ordre de marche devant le p-dg ", conseille Carl Civadiée.

23 L'affaire de tous ou l'affaire de chacun ?

" La trésorerie n'est pas l'affaire de tous mais l'affaire de chacun, répète régulièrement le Daf de Sam outillage. Le dépassement de la date de règlement d'une facture concerne certes la comptabilité clients, mais aussi le commercial. " Initiez donc pour tout dépassement le schéma suivant : détection par la comptabilité, remontée au Daf, qui informe le directeur commercial, lequel saisit le commercial. En peu de temps, la comptabilité et le commercial échangeront en direct, au bénéfice de la génération de cash. Et n'oubliez pas d'opter pour un reporting cash incluant l'équipe commerciale.

Il faut une relation gagnant-gagnant : avec des indicateurs liés au cash dont les objectifs conditionnent la variable des personnes concernées. " Pour les commerciaux, misez sur un bonus basé sur l'encaissement clients plutôt que sur le seul chiffre d'affaires ", conseille Sandy Zito qui aimerait bien procéder à un tel changement dans sa structure. Autre piste : " un plan d'intéressement qui a le triple avantage de concerner tout le monde, de permettre l'instauration d'un seuil lié à l'effort quotidien pour générer du cash et qui peut être construit par groupe de salariés ou grande fonction de la société ", avance Hubert Poinsignon.

Deux erreurs à ne pas commettre
1. Verser dans un discours trop technique : éviter le jargon financier et simplifier le résultat puisqu'il s'agit d'avoir des salariés, de les rémunérer, de réaliser des profits et de financer la croissance.
2. Confondre l'optimisation du cash avec la compression des charges, ce qui est néfaste sur le long terme.

(1) Vous pouvez consulter sur ce sujet la tribune "Financement : quand le management manque d'audace".

Florence Leandri

Difficultés de trésorerie ou résultats décevants ? Quand le cash doit devenir prioritaire, le Daf doit alors savoir être moins technique et plus communicant afin que les parties prenantes deviennent des parties partageantes.

24 [Focus] La gestion du cash a sa place dans les objectifs des managers

Une enquête menée en septembre 2013 par BearingPoint, auprès des adhérents (44 répondants) de l'Association des professionnels et directeurs de comptabilité et gestion (APDC), sur la place du cash révèle que :

Pour 86 % des répondants, le cash est une priorité transverse, touchant tous les départements (dont Daf, RH, logistique, commercial), et que les entreprises sont en quelques années passées des prévisions de cash aux objectifs de cash.
Selon 38 % des répondants, si la gestion du cash fait depuis longtemps partie des priorités d'une majorité d'entreprises, elle s'est renforcée depuis le début de la crise.
62 % des entreprises interrogées déclarent avoir inclus la gestion du cash dans les objectifs de leurs managers (dirigeants d'entités, de BU...), avec des indicateurs de type cash conversion rate, free cash flow, ROCE et DSO ainsi que, dans une moindre mesure, la prise en compte du taux d'impayés.

Florence Leandri

Selon une enquête menée par BearingPoint en septembre 2013, la culture cash s'impose désormais de manière transverse dans les entreprises. Et trouve sa place dans les objectifs des managers...

25 [Témoignage] Véronique Gabillon, Daf d'Inspearit : " Nous sommes sortis d'un groupe international qui pratiquait le cash pooling "

Un DSO (days sales outstanding) Europe de 61 jours fin 2012 qui s'établit à 52 fin 2013, un DIO (jours d'en-cours mobilisés par l'activité) réduit, une position de cash très stable, un contrat d'affacturage utilisé en France pour un seul client : la gestion du cash chez Inspearit est un chantier récent, mais très bien mené et partagé.

" Fin juillet 2011 nous sommes sortis, via un MBO, d'un groupe international, DNV, qui pratiquait le cash pooling (gestion centralisée de la trésorerie) ", relate Véronique Gabillon, la Daf d'Inspearit, qui a donc instauré une gestion prévisionnelle du cash à trois mois, un an, voire à plus long terme.

26 Agir en amont, un impératif

Cette indépendance n'est pas la seule spécificité de cette gestion du cash qui doit aussi tenir compte des covenants liés aux emprunts bancaires, lesquels reposent sur le cash (ratios d'indépendance financière et d'endettement). " Et nous remboursons ces emprunts par annuité, en juin ; il y a donc nécessité de travailler sur la collecte des fonds dès janvier. " À cela s'ajoute le développement de l'entreprise en Asie via trois petites entités très consommatrices de cash. D'où un objectif : agir en amont.

Pour cela, la position de cash est communiquée et consolidée chaque lundi matin, ce qui permet de détecter les grosses variations et d'établir une saison­nalité de ces positions : " En août, nous facturons 40 % d'un mois normal et comme le paiement est à environ deux mois, nous savons qu'en octobre, la position de cash sera détériorée si nous n'effectuons pas une campagne de relance dès septembre pour réduire cet impact. " Véronique Gabillon réalise aussi un reporting mensuel du cash avec forecast sur trois mois glissants.

27 Une gestion prévisionnelle adaptée en fonction des implantations

Dans sa gestion prévisionnelle du cash, elle tient compte de la spécificité des pays où Inspearit est implantée. D'une part, pour l'Europe, il existe des prévisions à l'année qui partent de l'EBITDA, du P&L budgété, du bilan de fin d'année, ainsi que d'hypothèses d'encaissements et de décaissements pays par pays. Ces prévisions sont révisées tous les mois avec intégration du P&L réel par pays.

D'autre part, un gros travail a été effectué pays par pays sur le processus de facturation. " Dans une activité de service, facturée en grande partie mensuellement, il est essentiel que les factures soient conformes aux requêtes des clients, majoritairement de grands groupes, afin que le DIO soit le plus bas possible. " Mais certains impératifs législatifs et culturels ne peuvent être occultés, fût-ce au bénéfice d'une culture cash générale : " En Chine, la réception de fonds est conditionnée à un écrit signé par les deux parties, lequel doit être enregistré par les autorités administratives chinoises ; en Italie, le délai de règlement varie entre six mois et un an. "

Forte de tous ces éléments la direction administrative et financière ne suit le BFR "que" trimestriellement. Outre la technique, Véronique Gabillon reconnaît volontiers qu'elle a pu s'appuyer sur le top management pour diffuser cette culture cash au sein d'Inspearit et " plutôt que des actions coup de poing, nous avons cherché en permanence à construire des processus pérennes : pour la facturation, pour les relances clients ". Autre force : le groupe a un objectif BFR consolidé, KPI partagé par toutes les fonctions et qui conditionne leur variable. -

Inspearit Group
Activité :
conseil en systèmes et logiciels informatiques
Forme juridique :
SA
Présidente :
Annie Combelles
Daf :
Véronique Gabillon
CA 2012 groupe :
20 M€
CA 2013 (prév.) groupe :
18,7 M€
Effectif 2013 :
130 salariés
EBITDA 2013 (prév.) :
1 M€

Florence Leandri

Indépendante depuis un peu plus de deux ans, Inspearit, spécialiste de la performance du SI et de l'optimisation des processus, a découvert la gestion prévisionnelle du cash. Technique, harmonisation et implication ont permis à la direction financière du groupe d'améliorer le BFR de 15 %.

Livres Blancs

Voir tous les livres blancs
S'abonner
au magazine
Retour haut de page