Guillaume Renard (Ultra Premium Direct) : « L'IA permettra aux Daf de jouer un rôle de "sparring partner" du dirigeant »
Rencontre avec Guillaume Renard, directeur administratif et financier de Ultra Premium Direct, une ETI de 250 salariés. Depuis 2023, la direction financière a mis en place l'automatisation de la gestion des dépenses et des factures. Comment les équipes finances intègrent-elles les outils IA ? Entretien.

Depuis votre arrivée, quels ont été les principaux changements opérés à la direction financière ?
Guillaume Renard : Un projet de transformation de la fonction finance a été initié en 2023, visant à moderniser nos outils et optimiser le temps de travail de nos équipes pour leur permettre de se concentrer sur des missions à plus forte valeur ajoutée. Ce projet inclut notamment le changement de ERP, dont la mise en place est en phase de finalisation après un an et demi de travail. Par ailleurs, un nouvel outil de trésorerie Payhawk a été implémenté en septembre 2023 pour remplacer les processus manuels basés sur Excel. L'objectif principal de cette transformation était de centraliser les dépenses en temps réel, de limiter les avances sur notes de frais et de pouvoir bloquer les dépenses si nécessaire.
Quels ont été les impacts pour vos équipes ?
G. R. : Cette automatisation s'accompagne d'une intégration directe des écritures dans notre ERP, ce qui représente un gain de temps considérable pour nos équipes financières, environ deux jours par mois pour la clôture et trois fois de moins de temps pour le collaborateur.
Autre chantier, notre entreprise a connu une augmentation significative des volumes de factures, avec une hausse de 45 % l'année dernière. Cette croissance s'est accompagnée d'une augmentation de 82 % des paiements par carte bancaire. Afin de rationaliser la gestion de ces flux, nous avons intégré les factures fournisseurs dans notre système de gestion des dépenses, permettant ainsi une centralisation et un suivi plus efficaces de l'ensemble des transactions financières. Cette refonte nous a permis de fluidifier ces processus, en les allégeant et en introduisant des critères de validation basés sur des seuils de montant, fonctionnalités qui n'étaient pas disponibles dans notre ancien système. Bien que nous n'ayons pas encore formalisé une évaluation précise, nous estimons que ces améliorations nous font gagner entre une demi-journée et une journée complète lors des clôtures comptables.
Pourquoi ce choix ?
G. R. : Notre entreprise étant actuellement en phase de transformation, l'évaluation précise des gains de productivité reste complexe. Certaines évolutions sont encore en développement, notamment l'allocation automatique des écritures comptables.
De même, notre outil de trésorerie Payhawk intègre désormais une intelligence artificielle capable, après une phase d'apprentissage, de reconnaître et catégoriser automatiquement les flux bancaires selon les catégories que nous avons définies. Cette avancée nous permettra également de générer des prévisions quasi-automatiques, apportant ainsi des gains significatifs en termes de productivité et de temps disponible pour l'analyse financière.
A votre avis, comment l'IA va-t-elle transformer les métiers de la finance en entreprise ? Quel est votre rôle ?
G. R. : Je pense que l'IA va profondément transformer la fonction finance, et plus particulièrement les métiers de la comptabilité et du contrôle de gestion. Les contrôleurs de gestion, déjà rompus à l'analyse, verront leur rôle évoluer, tandis que les comptables devront développer davantage leurs compétences analytiques. Cela va libérer nos équipes de tâches chronophages qui occupaient traditionnellement une grande partie de leur temps.
Mon rôle consiste à accompagner les équipes dans cette transition, en leur expliquant les raisons de la mise en place de ces nouveaux outils. Parallèlement, je m'attache à les faire progresser vers des missions à plus forte valeur ajoutée, notamment dans le domaine de l'analyse financière. Bien que cette compétence ne fasse pas encore pleinement partie de leur champ d'expertise actuel, elle suscite un intérêt parmi les collaborateurs. Cette évolution représente une opportunité pour eux de développer de nouvelles compétences et de contribuer de manière plus stratégique à la performance de notre organisation.
Quels en sont les enjeux ?
G. R. : Pour mes équipes, l'intérêt pour ces nouvelles technologies est bien réel. Nous intégrons déjà des solutions d'IA dans notre e-commerce, avec des algorithmes capables de guider les décisions d'achat de nos clients.
Par ailleurs, notre service client utilise des outils d'IA pour générer des réponses automatiques aux courriels standards, libérant ainsi du temps pour le traitement des demandes plus complexes nécessitant une intervention humaine. Ces applications concrètes démontrent le potentiel de l'IA pour transformer nos processus et améliorer notre efficacité opérationnelle.
Et pour les Daf ?
G. R. : Je pense que la fonction de Directeur Administratif et Financier est appelée à évoluer significativement, particulièrement au sein des petites et moyennes entreprises. Contrairement aux grands groupes, où les équipes sont plus nombreuses, les Daf des PME doivent souvent assumer un rôle plus opérationnel.
Dans mon expérience, ayant travaillé à la fois dans de grandes sociétés et dans des ETI en forte croissance (20 à 30 % par an), je consacre actuellement 80 % de mon temps à des tâches opérationnelles, laissant peu de place à l'analyse stratégique et à l'accompagnement du dirigeant dans la prise de décision.
L'intégration de l'IA devrait permettre de gagner un temps précieux sur ces tâches opérationnelles, offrant ainsi aux Daf la possibilité de prendre davantage de hauteur et d'assumer des responsabilités plus larges dans la gestion globale de l'entreprise.
La fonction du Daf est donc en pleine évolution. Pour quelle finalité à votre avis ?
G. R. : Cette évolution est cruciale, car le Daf doit avoir une vision globale des performances de l'entreprise, y compris des indicateurs opérationnels tels que ceux du service client. Aujourd'hui, par exemple, je n'ai pas encore eu l'opportunité d'analyser en détail les indicateurs du service client pour évaluer si les effectifs sont adaptés aux besoins.
Grâce à l'automatisation des tâches chronophages et à l'ordonnancement des données par l'IA, les Daf pourront se concentrer davantage sur l'analyse et la prise de décision stratégique. Cette transformation permettra aux Daf de jouer un rôle plus proche de celui de "sparring partner" du dirigeant, contribuant ainsi de manière plus significative à la performance globale de l'entreprise.
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