La direction financière est-elle menacée ou renforcée par l'IA ?
Lors de la journée « Foward Finance », organisée par Micropole à Paris ce mardi 24 juin, les enjeux de l'arrivée de l'IA dans les fonctions finances ont occupé les débats. L'occasion pour la rédaction de poser 3 questions sur ce sujet à Xavier Gardies, associé Finance chez Micropole.

Pour beaucoup de DAF l'accès à une donnée financière fiable est primordial. Comment les outils IA peuvent-ils y répondre ?
Eric Gadies : La focalisation quasi exclusive sur les aspects liés à la data et au pilotage reflète une tendance de marché significative. Nous sommes passés d'une ère où la technologie gravitait autour des systèmes transactionnels à une nouvelle ère centrée sur le pilotage de la performance et l'exploitation des données décisionnelles.
Cette transformation s'accompagne par le défi de la qualité des données. Les professionnels du chiffre se voient aujourd'hui contraints de piloter avec une précision et une réactivité accrues, tout en devant s'adapter rapidement aux exigences changeantes. Or, lorsqu'ils se tournent vers leurs outils d'analyse, ils constatent souvent que la qualité insuffisante de leurs données constitue un obstacle majeur à la réalisation des objectifs fixés par leur direction générale ou leurs actionnaires.
Cette situation, bien que prévisible, met en lumière une réelle difficulté opérationnelle. L'émergence de l'intelligence artificielle a engendré une prise de conscience collective de la nécessité cruciale de travailler la qualité des données. Les entreprises commencent seulement maintenant à s'attaquer sérieusement à cette problématique, alors qu'elle aurait dû être une priorité depuis déjà cinq à dix ans.
L'IA est souvent associée à un gain de productivité. Pour les directeurs financiers, l'enjeu est de savoir ce qu'elle va apporter de plus. Pourquoi à votre avis ?
E. G. : Les directeurs financiers privilégient ainsi une approche d'amélioration qualitative du travail réalisé, marquant un changement de paradigme des bénéfices potentiels de l'IA, de l'automatisation et de l'exploitation des données. Cette approche présente un intérêt certain, du point de vue humain et organisationnel, particulièrement dans le contexte de l'évolution démographique des entreprises. En effet, les technologies d'IA pourraient jouer un rôle crucial en permettant aux professionnels, notamment ceux moins familiarisés avec les outils numériques en raison de leur génération, de maintenir un niveau de performance élevé dans leurs métiers. Cette adaptation technologique pourrait ainsi contribuer à préserver la qualité du travail tout en facilitant l'adoption du numérique au sein des organisations.
Par ailleurs, cette approche pourrait avoir un impact positif sur le bien-être au travail et l'intérêt des collaborateurs pour leurs missions, tout en améliorant la qualité des données traitées. Elle suggère une orientation vers l'optimisation qualitative plutôt que vers la simple réduction quantitative des effectifs, ouvrant ainsi de nouvelles perspectives pour l'évolution des fonctions supports dans les entreprises.
Comment imaginez-vous la fonction « métier » du DAF en 2030 ?
E. G. : L'évolution technologique que représente l'IA soulève une interrogation fondamentale. Les directions financières vont-elles se limiter à leur rôle traditionnel de production comptable et réglementaire, ou vont-elles évoluer vers une fonction orientée décision stratégique ? Cette transformation potentielle pourrait conduire à une réorganisation profonde des équipes financières. Les tâches à faible valeur ajoutée, ainsi que les activités purement comptables et réglementaires, pourraient être largement automatisées. Dans ce cas, les collaborateurs financiers se concentreraient alors sur des missions à plus forte valeur ajoutée, comme le soutien à la décision, l'analyse stratégique et l'éclairage des instances dirigeantes, des actionnaires et des opérationnels. Elle suggère une transformation radicale des compétences requises au sein des directions financières, avec une réduction potentielle des effectifs dédiés aux tâches purement exécutives, au profit de profils davantage orientés vers l'analyse et le conseil stratégique, augmentés par les capacités de l'IA.
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