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Inflation, causes et enjeux

Marquées par la hausse de l'inflation et des prix des matières premières, les entreprises doivent agir pour conserver une bonne santé financière. Pour le directeur financier, cela passe par une gestion optimale du cash et un rapprochement avec la direction achats.

Publié par Florian Langlois le - mis à jour à
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Inflation, causes et enjeux

L'inflation est bien là. Même si la hausse des prix à la consommation en France a ralenti en septembre, à 5,6 % sur un an, elle est repartie à la hausse ét s'établit à 6,2 % en février 2023 selon ­l'Insee. L'optimisme n'est donc pas de mise concernant ce phénomène d'inflation. Si bien qu'une situation de stagflation est à craindre pour certains économistes.Toutefois, il importe de souligner que cette inflation n'a pas débuté avec la guerre en Ukraine, «il était en effet déjà possible d'observer un début de remontée des prix en 2021 liée à une reprise assez forte dans la demande post-confinement Covid, alors que l'offre avait du mal à s'ajuster» détaille Frédéric Wissocq, responsable de la souscription en Europe de l'Ouest pour Coface. Mais le conflit russo-ukrainien est venu exacerber cette tendance, notamment sur le prix de l'énergie et des matières premières. «Cette hausse de l'inflation est liée non pas au poids économique important de ces deux pays, mais plutôt à leur aspect stratégique dans les flux de matières premières, à commencer par les matières premières énergétiques et agricoles» poursuit Frédéric Wissocq.

L'énergie au coeur des débats

Les répercussions de cette hausse des prix ne se sont pas fait attendre et se sont répercutées très rapidement sur l'ensemble des entreprises. «Il y a tout d'abord un risque de dégradation des marges, explique Norbert Le Boennec, partner chez OnePoint. Le coût des matières premières augmente sans que les entreprises soient certaines de pouvoir répercuter cette hausse dans leurs prix de vente aux clients.» Une tâche plus compliquée qu'il n'y paraît. En effet, selon une étude Palatine-METI, ­seulement 9 % des ETI sont en capacité de répercuter totalement ces hausses sur leurs prix de vente.

Un autre effet direct de cette inflation, sans doute le plus gros, est la question de l'énergie. Xavier Cruchet, Daf de la coopérative agricole Prospérité fermière Ingredia, a très rapidement pu mesurer les conséquences de cette hausse des prix. «Nous avons tout simplement doublé nos coûts en énergie en 2022. Le constat sera très probablement le même en 2023.» Un directeur financier qui a dû faire face à de nouvelles problématiques, qui n'a donc pas eu le choix de se diversifier et d'étendre son périmètre. «J'ai dû m'intéresser à ce sujet de l'achat d'énergie, participer à des réunions pour me renseigner sur ce sujet, savoir si l'on devait acheter ou pas, ce qui n'est pas mon métier à la base.»

La gestion du cash, le nerf de la guerre

La conséquence directe de cette hausse des coûts est la difficulté pour le directeur financier de gérer sa trésorerie. «Certaines entreprises ne sont pas en mesure de répercuter cette hausse des prix. La plupart des sociétés ont entamé cette crise avec des trésoreries bien garnies, en ayant donc des marges de manoeuvre, en matière de trésorerie, pour pouvoir absorber elles-mêmes ces hausses des prix, dans le cas où elles ne pourraient pas les reporter sur leurs clients» analyse Frédéric Wissocq. Mais ces réserves de cash s'amenuisent. Une étude récente d'Allianz Trade montre ainsi que bien que, cette année, ces réserves de liquidités dépassent de 30 % les niveaux de 2019 en Europe, elles ne cessaient de diminuer.

Xavier Cruchet se retrouve, de son côté, confronté à de nouvelles problématiques, lui qui avait réduit son BFR de 17 millions d'euros en deux ans. «J'avais agi sur deux points principaux, nos clients et notre stock. Concernant les clients, étant donné qu'il y a un manque de matière sur le marché, ils vont vous payer. Sur la question du stock en revanche, nous sommes obligés de remonter nos stocks pour nous protéger. Car, aujourd'hui, avec cette crise, les fournisseurs ont la main et peuvent faire ce qui leur plaît. Ce qui fait que tous les jours, je me retrouve avec une déconvenue au sujet des marchandises que l'on achète.»

Se rapprocher de la direction achats

Sur cette question du stock, Frédéric Wissocq reconnaît également que ces réserves peuvent être amenées à sauver les entreprises. «Avoir des stocks permet de moins subir et de ne pas se réapprovisionner à des coûts mirobolants. Les entreprises qui avaient constitué des stocks peuvent ainsi tempérer, à leur niveau, cette hausse du prix des matières premières.»

Dans ce contexte très compliqué, le directeur financier a tout intérêt à se rapprocher du directeur achats au sein de son entreprise, afin d'identifier les meilleures stratégies pour limiter ­l'impact de cette inflation. «Le Daf doit avoir des modèles qui lui permettent de jouer différents scénarios et de prendre en compte la hausse des prix, les périodes et les trajectoires sur lesquels il fait ses anticipations. Il est important qu'il identifie dans l'entreprise les zones les plus impactées. Le secteur des achats en est forcément une. La relation avec le directeur achats est alors très importante dans le cadre d'achats de produits dont le prix est en forte hausse, comme les matières premières ou l'énergie» note Norbert Le Boennec.

Une idée qu'approuve forcément Frédéric Wissocq. «La grosse problématique stratégique des entreprises, aujourd'hui, est le poste achats. La solution peut être de surstocker pour éviter de prendre le risque de se retrouver obligé d'acheter des intrants encore plus chers que si on les avait stockés quelques mois auparavant. C'est un jeu d'équilibriste pour le financier et le directeur achats.»

Le directeur financier se retrouve alors très sollicité. «Tout va tellement vite, il faudrait que j'arrête toutes mes tâches quotidiennes pour voir ce qui est envisageable sur le poste achats, afin de discuter, d'avoir de nouvelles idées, de prendre des décisions sur des produits. On est plus sur du contrôle de gestion. Le Daf se retrouve une nouvelle fois au milieu des décisions, en sachant qu'il est obligé de regarder, d'intervenir sur la rentabilité, mais aussi sur le commerce pour s'assurer que celui-ci vend les ­produits au bon prix» reprend Xavier Cruchet. Il devient même un véritable acteur de ce processus d'achat. «Le Daf, aujourd'hui, participe même aux négociations, découvre des business models d'achat pour lesquels il était, jusqu'ici, seulement partenaire» conclut le Daf d'Ingredia.

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