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Financements bancaires : la situation se tend, mais les investissements résistent (encore)

En raison de la hausse des taux directeurs, les taux d'intérêt appliqués par les établissements bancaires à leurs clients professionnels sont à la hausse. En parallèle, soucieuses de réduire leurs risques d'exposition, les banques renforcent les demandes de garantie. Mais pour l'instant, pas de branle-bas de combat du côté des entreprises et de leurs conseils, les conditions restent correctes.

Publié par Stéphanie Gallo le - mis à jour à
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Financements bancaires : la situation se tend, mais les investissements résistent (encore)

« Il est certain que la situation se tend au niveau des financements bancaires. Non seulement les taux d'intérêt sont en hausse mais, en plus, les banques exigent actuellement des garanties plus élevées que les années précédentes ! Le parcours de demande de prêt devient beaucoup plus sportif que précédemment ! », constate Raymond Dorge, expert-comptable commissaire aux comptes et président du réseau GMBA. Le baromètre Bpifrance/Le Lab/Rexecode, appuyé sur un sondage réalisé début février, met ainsi en évidence une hausse des difficultés de financement des investissements : la proportion des dirigeants signalant une difficulté de financement s'affiche en augmentation de 5% ce trimestre pour atteindre une proportion de 20% (contre une moyenne de long terme de 17%).

Des taux d'intérêt en hausse

Cette tendance est confirmée par les dernières statistiques publiées, ce 10 mars, par la Banque de France et analysant les données à fin janvier 2023. « L'encours de crédit accordé aux sociétés non financières est toujours en croissance à fin janvier, sur un rythme annuel de +6,8% mais nous pouvons percevoir un ralentissement. Ce rythme, sur 12 mois glissants, était de +7 ,7% en novembre 2022 et +7,4% à fin décembre », détaille Jean-Pierre Villetelle, expert au sein de la direction statistiques monétaires et financières de la Banque de France. « Ce ralentissement est particulièrement perceptible sur les financements de trésorerie. La croissance annuelle était de +7,7% à fin novembre 2022, contre +4,6% à fin janvier ». Côté investissements, la croissance évolue, sur les mêmes délais, de +10,3% pour les dépenses d'équipement à +9,7% et de +5,1% à +4,3% pour les investissements immobiliers.

« Ce ralentissement est peu surprenant au vu de la remontée des taux d'intérêt », précise Jean-Pierre Villetelle. Ceux-ci sont passés en moyenne de 3,03% en novembre 2022 à 3,45% en janvier 2023 (3,64% en moyenne pour les PME, 3,44% pour les ETI et 2,92% pour les grands groupes). L'expert de la Banque de France explique que ces taux appliqués par les banques aux entreprises devraient poursuivre leur progression pendant encore quelques mois, par effet de diffusion des hausses des taux directeurs fixés par la banque centrale pour limiter l'inflation. « Selon nos projections, l'orientation de la politique monétaire devrait avoir pour effet de diviser par deux l'inflation d'ici la fin de l'année ce qui devrait permettre une stabilisation de la politique monétaire et donc, in fine, des taux d'intérêt appliqués aux entreprises».

Pas encore de signaux d'alerte

Malgré cette remontée des taux, pas encore de signal d'alarme notable de la part des entreprises, les rouages du financement bancaire semblent fonctionner correctement jusqu'ici. « Nous n'avons pas de remontées massives de la part de nos adhérents », note Germain Simoneau, le président de la commission financement de la CPME et associé de Carmine Capital.

Qui invite toutefois à prendre cette information avec précaution : « les entreprises sont actuellement plutôt confortables en trésorerie en raison des PGE et des aides liées au Covid. Près de 140 milliards de PGE ont été accordés par les banques, dont 90 n'ont pas encore été remboursés. Cela correspond à une année de financement bancaire. Le PGE a créé une bulle de financement qui fait que nous n'avons pas de tension actuellement. Certes, nous constatons une appétence moindre des banques sur des financements type LBO, BFR et financements immatériels divers mais la distribution des crédits est normale pour le moment».

Cela pourrait changer, prévient-il toutefois. « Les PGE ont fait grimper le ratio d'endettement des entreprises. Les PME sont donc désormais moins finançables. Et puis, de nombreuses inconnues viennent perturber les possibilités d'évaluation des banques quant à la solidité du modèle des entreprises sollicitant un crédit : l'inflation, le prix de l'énergie, etc. Ajoutez à cela, l'Etat qui demande aux banques de réduire leurs risques d'exposition, et vous avez un bel effet ciseau... ».

Dans un contexte d'inflation des matières, des salaires, de volatilité du prix de l'énergie, la hausse des taux d'intérêt représente du poil à gratter supplémentaire pour les entreprises. Mais elle ne constitue pas (pour le moment en tout cas) un frein réel à la demande de financement. « Il faut relativiser l'impact de la hausse des taux d'intérêt. En tout cas, pour les investissements des PME et ETI. Un financement à 100.000 euros sur 6 ans représente une échéance mensuelle de 1.752 euros pour un taux à 2%. Avec un taux à 6%, dont nous sommes encore loin, elle passe à 1.933 euros. Certes, c'est encore un coût supplémentaire que les PME digèrent difficilement mais cette différence ne remettra pas en cause un projet d'investissement ». Germain Simoneau signale néanmoins que l'impact est bien plus important pour les grands groupes, signant pour des demandes de financement aux montants très élevés. « La hausse des taux peut ralentir ces grands projets et donc, par effet domino, les commandes de ces grands donneurs d'ordre aux PME. Elles seront impactées au bout du compte ».

Dans cet environnement de financement bancaire plus contraint, le président de la commission financement de la CPME préconise aux entreprises de présenter des modèles offrant un maximum de visibilité aux prêteurs, avec une modélisation s'appuyant sur plusieurs hypothèses. « Il ne faut pas hésiter également à aller chercher des garanties (Bpi ou Banque de France par exemple), et pourquoi pas de solliciter une notation à une agence de notation ». Sans oublier de solliciter plusieurs établissements afin, non seulement de faire jouer la concurrence, mais aussi, si besoin, d'offrir des solutions à son établissement prêteur principal pour réduire son exposition.

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