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LBO : anticiper pour une sortie réussie

Les LBO durent en moyenne 5 ans. Cinq années pendant lesquelles il s'agit de réaliser le projet défini avec l'investisseur. Mais aussi de réfléchir à une stratégie pour l'après-LBO afin d'inscrire le développement de l'entreprise dans le long terme.

Publié par Eve Mennesson le - mis à jour à
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LBO : anticiper pour une sortie réussie

En 2017, 337 opérations de LBO ont été enregistrées en France (étude de Coller Capital). C'est 7 % de plus qu'en 2016 et 62 % de plus qu'en 2013. Et l'accélération se poursuit en 2018 : au premier semestre, près de 130 opérations ont été comptabilisées, soit deux fois plus qu'au cours des six premiers mois de l'année précédente.

Les explications de cet engouement sont sûrement à chercher du côté des conditions favorables d'endettement. Mais aussi du côté du marché, qui a fini de panser les plaies de la crise de 2008.

Mais est-ce une bonne nouvelle pour les entreprises ? Le LBO peut-il les aider à se développer, à aller de l'avant ? Oui, mais à condition de réussir la sortie du LBO. Une sortie qui se prépare le plus en amont possible.

LBO secondaire, rachat et entrée en bourse : les différentes sorties possibles

Après un LBO, les entreprises enchaînent souvent sur... un autre LBO ! " L'avantage de l'option LBO, c'est que tout est packagé : l'investisseur initial sait faire et sait assez précisément où il va. Le management, également, apprécie car cela lui apporte davantage d'indépendance qu'une cession industrielle. L'inconvénient, c'est que ce LBO secondaire génère de nouveau de la dette ", analyse Pierre Decré, directeur associé de Parquest Capital.

Pour que ce scénario fonctionne, il faut donc que l'entreprise dispose de suffisamment de leviers de croissance, de projets (conquête d'un nouveau marché, développement à l'international, lancement d'un nouveau produit ou service, etc...) pour que cette nouvelle opération d'endettement lui soit bénéfique.

Autres inconvénients : le risque de vision court-termiste et de "financiarisation " de la stratégie. " Avec des LBO successifs, l'entreprise a du mal à avoir une vision stratégique à long terme. Par ailleurs, une partie du cash flow sert à rembourser les prêteurs et le risque est grand de privilégier les critères financiers plutôt que le développement industriel ", met en garde Frédéric Zeitoun, associé chez Grant Thornton, qui invite à ménager les deux visions.

Conserver une vision long terme peut conduire, au final, à racheter l'ensemble des parts de son entreprise ou au moins à redevenir majoritaire. " Après plusieurs LBO successifs, certains dirigeants réussissent à prendre le contrôle de leur groupe avec leur management, en réinvestissant à chaque fois un peu plus la plus-value dans l'entreprise au lieu de l'encaisser ", observe Claire Revol-Renié, avocate associée au sein du cabinet Scotto Partners.

La deuxième option de sortie est le rachat par un industriel. " S'allier à un partenaire stratégique avec lequel créer des synergies peut être une belle opportunité si le management reste moteur et contribue au projet de rapprochement ", observe Maître Claire Revol-Renié.

Le risque est en effet la perte d'indépendance. " Pour le DAF, notamment, la revente à un grand groupe stratégique peut être assez stressante : on n'a potentiellement moins besoin de lui pour son expertise sur le financement, il se fait avaler par une direction financière internationale et peut rapidement se sentir à l'étroit ", pointe Claire Revol-Renié.

Enfin, la fin d'un LBO peut être marquée par une entrée en Bourse, bien que cela soit très rare dans les sociétés du mid-market. " C'est une belle fin de LBO : d'une part, parce que le management est central dans le processus d'IPO et que l'entrée en Bourse vient, en quelque sorte, consacrer le succès du LBO et de son management ; d'autre part, parce qu'il est d'usage qu'un plan d'intéressement soit mis en place sur l'entité cotée de façon à aligner les intérêts du management avec ceux des actionnaires ", indique Claire Revol-Renié.

Le management, valeur de l'entreprise

Mais au fond, le choix du scenario est avant tout une affaire d'argent. " Le choix d'un scenario de sortie dépend en premier lieu du montant des offres qui nous sont faites ", admet Rémi Carnimolla, directeur général de 3i France, qui étudie de près la crédibilité et la motivation de l'acquéreur potentiel et consulte, ensuite, le management.

" À valeur égale, oui, nous demandons aux managers leur avis et pouvons les associer dans notre étude des projets des candidats au rachat. " Plus le management a d'expérience en matière de LBO, plus il aura de chance de faire entendre sa voix. " Lorsqu'ils vivent leur 3e LBO, certains managers sont rodés et parviennent à négocier, d'emblée, un droit de regard sur une partie des conditions de sortie. Mais cela dépend beaucoup de l'importance que revêt le management au sein de la société ", confie Pierre Decré.

Cette importance se valorise tout d'abord par le montant du capital que détient le management : " Depuis 15/20 ans, le LBO s'est démocratisé. Les managers sont davantage initiés au mécanisme et prennent de plus en plus de parts dans le capital. Certains deviennent même majoritaires. Ils ont donc de plus en plus de pouvoir ", remarque Mathieu Wallich-Petit, associé KPMG responsable du secteur Private Equity.

Au-delà de ce critère d'actionnariat, l'importance du management se mesure à la valeur qu'il apporte à son entreprise : en cela, il contribue très directement à sa valorisation. Il est alors indispensable, pour l'investisseur, de nouer avec lui une relation de proximité et de confiance. " Le nouvel investisseur pourrait sinon penser que les leviers de transformation de l'actif reposent uniquement sur l'actionnaire, avec les risques que cela représenterait dans l'exécution ", avance Damien Allo, associé KPMG, responsable intégration, séparation et post-deal. La société perdrait de sa valeur.

" D'un point de vue strictement technique, un management minoritaire ne peut pas imposer son point de vue. Mais l'actionnaire sait qu'il doit être accompagné du management pour revendre la société dans des conditions favorables ", résume Frédéric Zeitoun (Grant Thornton).

D'autant que c'est l'équipe dirigeante, et notamment le DAF, qui prépare l'ensemble des données à transmettre aux futurs acquéreurs en vue de la sortie. " Le DAF est l'architecte et le maître d'oeuvre de tout cela. Il écrit le business plan et la stratégie avec le CEO et répond aux questions des investisseurs potentiels, va chercher à l'intérieur de l'entreprise les réponses qui lui manquent... ", énumère Rémi Carminolla (3i).

En cela, le DAF possède un pouvoir d'influence sur les chances de réussite de telles opérations car il contribue à sublimer la mariée... Une influence qui peut s'étendre jusqu'au choix de l'acquéreur. " Les CFO sont très souvent consultés sur le process de vendor due diligence, mais peuvent aussi être consultés sur la cession en elle-même ", observe Laurent Majubert, associé EY conseil en transactions.

Raconter une histoire

Il s'agit donc de tout mettre en oeuvre pour transformer ce pouvoir d'influence en force de proposition. À peine le LBO conclu, il faut déjà penser à la sortie. Damien Allo conseille d'identifier les sources de valeurs de l'entreprise. " Cela permet de bien positionner l'entreprise sur sa trajectoire de sortie. Car lorsque l'on se prépare à un autre LBO, il faut raconter une histoire, montrer sa capacité à transformer l'actif ", insiste-t-il.

Ce projet peut être partagé avec l'actionnaire, mais aussi et surtout les investisseurs futurs. " Le management doit avoir une démarche vendeuse, présenter son projet. Il peut arriver qu'il rencontre des investisseurs, ce qui renforce son pouvoir décisionnaire ", remarque Frédéric Zeitoun.

Et s'il faut anticiper, formuler un projet et le partager au plus vite, c'est pour éviter toute dérive de la part des porteurs initiaux. " Ils peuvent prendre peur et céder un peu vite et facilement. Le danger est de se retrouver avec des hedge funds qui vont acheter de la dette à un prix très bas pour la revendre rapidement ", pointe Patrick Daguet, directeur de programme Executive Mastère Spécialisé en Direction Financière à l'Ieseg.

Il n'y aura alors plus de projet, mais juste le désir de restructurer fortement l'entreprise. Ou pire de la liquider. Le LBO a ses travers qu'il s'agit d'éviter.

Kiloutou mise sur la confiance

Kiloutou a déjà vécu deux sorties de LBO, en 2011 et tout récemment, en 2017. À chaque fois, l'ensemble des directions s'est impliqué dans le projet, chacune dans leur domaine et de manière coordonnée. Au coeur des priorités : les équipes. Tout a été fait pour rassurer les collaborateurs, potentiellement déstabilisés par ces changements d'actionnaires." L'actionnariat évolue, mais le management est stable, à quelques mouvements près. C'est un facteur de confiance fort ", souligne David Lamiaux,directeur des ressources humaines de l'entreprise. Pour garantir cette continuité, la direction de Kiloutou s'assure que les hommes clés ne quittent pas le navire lors de la sortie du fonds. L'organigramme de succession est donc préparé 5 ans à l'avance à travers l'identification des hommes clés, les départs sont annoncés et les remplacements envisagés. " Ce travail est également important pour les investisseurs car ils achètent aussi une équipe ", ajoute David Lamiaux. Si l'organigramme est construit 5 ans à l'avance, Kiloutou élabore un projet d'entreprise à horizon 10 ans. Préparer en amont, ce projet d'entreprise permet d'échanger avec des investisseurs potentiels et de ne pas "subir " le process de vente. " Nous avons suffisamment discuté avec les candidats au rachat pour nous assurer que nous avons envie de travailler ensemble, que nous allons dans la même direction ", indique Jan-Luc Ambre, DAF de Kiloutou. La confiance est donc de mise avec les équipes, les futurs investisseurs, mais également les actionnaires actuels : " Les scénarios potentiels de sortie ont déjà été évoqués avec les investisseurs actuels alors qu'ils ne sont entrés au capital que depuis un an. On commence dans un climat de confiance, on finit dans un climat de confiance ", conclut Jan-Luc Ambre.

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