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[Avis d'expert] Comment devenir le DAF que tout le monde recherche?

De par sa position clé dans l'entreprise et l'évolution de sa fonction, le Daf doit développer ses compétences techniques, hard skills, autant qu'un savoir-être en adéquation avec son environnement, autrement dit ses soft skills. Le point de vue de Pascal Ferron et Céline Chicot de Walter France.

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[Avis d'expert] Comment devenir le DAF que tout le monde recherche?
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Sept entreprises sur dix trouvent difficile de recruter des talents financiers, selon le dernier baromètre DAF & Leaders financiers Michael Page. Cela s'explique par le fait qu'elles recherchent des profils qui ne soient pas seulement techniques, mais qui soient capables de s'adapter aux évolutions sociétales, de gérer des projets transversaux, d'être de bons managers.

> Des enjeux cruciaux pour la fonction financière

Le rôle du DAF évolue de plus en plus rapidement. Il doit être capable d'intégrer les évolutions économiques, commerciales, financières ; les modifications de la culture d'entreprise en sachant répondre aux attentes des salariés de son équipe et de l'ensemble de ses interlocuteurs ; les évolutions technologiques liées à l'intelligence artificielle en redéfinissant la valeur ajoutée de l'humain.

> Compléter ses hard skills par des soft skills

Le DAF doit bien évidemment continuer à cultiver ses compétences techniques - comptabilité, contrôle de gestion, gestion de la trésorerie, contrôle financier, gestion des risques financiers - mais il doit travailler de manière plus transversale, plus fluide avec les autres directions de l'entreprise. S'il rate ce virage, le DAF risque d'être vite remplacé... Et ce n'est pas facile pour cette profession encore considérée comme "traditionnelle" de comprendre cette disruption, cette rupture totale par rapport au monde d'hier. Pourtant la disruption peut être très positive si on sait se remettre en question, se réinventer, accepter de nouveaux challenges, innover, trouver des solutions et des comportements adaptés.

C'est d'ailleurs encore plus fondamental qu'il n'y paraît. Il s'agit d'accepter sa responsabilité individuelle, et de réfléchir à la manière dont on veut construire la société de demain, en commençant par redessiner son propre poste, puis les contours de son équipe, et enfin les inter-relations avec ses interlocuteurs au sein de l'entreprise, ses clients, ses partenaires, ses fournisseurs. Passer d'un mode hiérarchique à un mode collaboratif, où il faut expliquer, convaincre, faire adhérer n'est pas donné à tout le monde. Et pourtant ce n'est plus une option, mais une évolution incontournable.

> Imaginer de nouvelles complémentarités entre les financiers et les logiciels

Depuis 2004, les effectifs des employés de comptabilité ont diminué de 23 %, passant de 390 000 en 2004 à 300 000 actifs en 2016. Pour Céline Chicot, une citation de Daniel Cohen** résume très bien les enjeux : "L'avenir du travail humain, sa déqualification ou au contraire sa montée en gamme, dépendra de la manière dont la société sera capable d'imaginer de nouvelles complémentarités entre l'homme et les machines."

D'ici vingt ans, les travaux de saisie et de tenue de comptabilité n'existeront plus. Typiquement, l'avenir des équipes des directions financières dépendra de cette nouvelle organisation à inventer, intégrant les progrès de l'automatisation en matière comptable. Concrètement, le DAF devra réinventer la complémentarité entre les logiciels utilisés et son équipe : quelles tâches peuvent être effectuées par les logiciels ? Comment redéfinir les tâches à forte valeur ajoutée que ne pourra pas accomplir l'intelligence artificielle et comment faire monter ses équipes en compétence ? Et enfin, il appartiendra au DAF de communiquer, et de rassurer.

L'évolution actuelle du rôle du DAF le pousse à développer de nouvelles compétences relatives aux ressources humaines, aux systèmes d'information, aux affaires juridiques, à la fiscalité, au management des risques, aux études prévisionnelles et stratégiques, à la responsabilité sociétale des entreprises. Il sera de plus en plus souvent amené à participer, voire à piloter, des projets stratégiques. Pour 56 % des DAF et leaders financiers en France, la principale priorité au cours des douze prochains mois, après l'optimisation des coûts, est l'optimisation des process : mise en place de centres de services partagés, accompagnement de réorganisations (centralisation, décentralisation, externalisation ou internalisation de certaines tâches).

Très clairement, le DAF a l'opportunité de se positionner comme un stratège et un interlocuteur clé. Pour cela, il doit développer des soft skills.

> Quelles sont les soft skills à développer pour un DAF ?

Le directeur administratif et financier, comme tout responsable, doit être un bon manager, avoir du leadership, des capacités relationnelles, savoir gérer son stress et impulser une dynamique positive. Mais il devra en plus, pour devenir "le DAF que tout le monde s'arrache", développer essentiellement trois qualités :

- L'attention aux autres et la diplomatie ;

- La pédagogie : le lexique financier est souvent perçu comme une langue étrangère par les opérationnels et parfois même par la gouvernance ;

- L'adaptabilité, la souplesse et la créativité, pour inventer des solutions sur-mesure, en ne dupliquant surtout pas ce qui fonctionnait dans un précédent poste, en faisant des efforts pour comprendre le métier des opérationnels.

Pour obtenir la remontée de données fiables, il faut expliquer à quoi elles servent, et construire des tableaux de bord que les opérationnels ou les dirigeants comprendront immédiatement. Concrètement, être pédagogue, cela signifie vulgariser les concepts financiers, éclairer les managers et les opérationnels sur les enjeux financiers, expliquer les objectifs des demandes, produire des tableaux de bord lisibles pour la gouvernance.

> Comment acquérir ces soft skills ?

Pour Céline Chicot, il faut déjà prendre conscience de ses lacunes, et prendre du recul. Ensuite, ne pas hésiter à suivre des formations mais surtout à se faire coacher. Et enfin, prendre le réflexe de développer ses soft skills au quotidien : se mettre à la place de ses interlocuteurs, prendre le temps d'expliquer, de faire adhérer, et essayer de cultiver sa créativité pour inventer des solutions sur mesure sans jamais faire de "copier-coller".

Selon Pascal Ferron, pour devenir le DAF que tout le monde s'arrache, et alors que ce n'est pas nécessairement votre nature profonde, il faudra donc non seulement continuer à cultiver quelques compétences techniques, mais de manière plus générale, mais surtout développer des capacités de collaboration, de créativité, de curiosité et surtout de communication. Pour la technique, vous ne pourrez pas tout savoir, vous devrez plutôt vous entourer d'experts et constituer une équipe pluridisciplinaire autour de vous, et devenir un chef d'orchestre et un manager bienveillant : diplomate, attentionné, pédagogue, adaptable... tout un passionnant programme !

**Extrait de l'essai de Daniel Cohen : " Il faut dire que les temps ont changé... " Chronique (fiévreuse) d'une mutation qui inquiète, août 2018

NB : Pascal Ferron et Céline Chicot ont développé ce propos lors d'une conférence organisée par Walter France en partenariat avec la DFCG.


Pascal Ferron est vice président du réseau d'experts Walter France, expert comptable et commissaire aux comptes, il est aussi l'auteur de l'ouvrage "Reprendre une entreprise pourquoi pas moi" chez Dunod.


Céline Chicot est directrice de mission conseil en comptabilité finance au sein du réseau Walter France.


A lire également le retour d'expérience d'Emilie Céron d'IPSO :

Le Daf, ce manager bienveillant

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