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Trésorerie : digitaliser pour manager la performance

Digitaliser sa trésorerie permet d'opérer un véritable changement en matière d'organisation et de pilotage. Témoignages des daf d'Equans et de Fnac-Darty.

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Monetary concept and market analysing graph
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Digitaliser sa trésorerie est un chantier risqué à mener, mais qui peut conduire à de nombreuses améliorations. Ce fut le cas pour Equans, leader mondial des énergies et services, créé le 1er juillet 2021, qui a digitalisé sa trésorerie dans le cadre d'un spin-off, mais aussi pour Fnac Darty qui, à ­l'inverse, a profité de la fusion des trésoreries de deux groupes après rachat pour digitaliser le nouvel ensemble.

En matière de gestion de projets et sur le plan humain, il s'agit de deux histoires très différentes. Dans le cas de la fusion Fnac Darty, Stéphanie Constand, directrice financements et trésorerie du groupe, avait deux trésoreries en place avec des équipes et des systèmes différents. Cela nécessitait une migration et beaucoup de conduite du changement à mener pour réunir les équipes et adopter un nouveau système. Côté Equans, Grégory De Valck, directeur corporate finance, trésorerie et assurance d'Equans, avait, lui, tout à créer puisqu'il fallait, au contraire, sortir les activités liées aux services à l'énergie du groupe Engie pour créer une nouvelle structure autonome, Equans devenue filiale du groupe Bouygues le 4 octo­bre 2022. Il s'agissait de constituer une équipe, de mettre en place des process ainsi qu'une culture cash. « La manière d'aborder le projet a été très différente. Il y avait des priorités chez Grégory concernant les périmètres de contrats bancaires et un délai très court pour mener le spin-off que Stéphanie n'avait pas, se souvient Alexandre Sortais, directeur du service clients de Diapason qui a accompagné les deux projets. Les équi­pes de Fnac Darty ont eu à chercher dans l'existant, à nous expliquer leur manière de fonctionner, nous avons dû trouver des parallèles pour implémenter l'outil, trouver des manières de répondre à un besoin qui était en place. Alors que chez Equans, nous partions d'une page blanche qui nous a permis de mettre en place l'outil sans adaptation majeure. »

Des contextes très différents

En 2021, lorsqu'Engie a fait le choix stratégique de se séparer d'une partie de ses activités via un carve-out, il a très vite été décidé d'une autonomisation complète de l'ensemble de l'activité cédée. « Nous ne devions pas dépendre de contrats de service à long terme avec notre actionnaire une fois que celui-ci nous aurait vendu. Cela concernait également toute l'activité trésorerie et financements. Donc entre octo­bre 2021 et juil­let 2022, il a fallu se mettre en ordre de marche pour avoir des fonctions financières totalement autonomes de celles d'Engie afin qu'au moment de la vente à Bouygues (le 4 octo­bre 2022), nous ne dépendions plus des services et des outils d'Engie » détaille Grégory De Valck. Aujourd'hui, Equans compte 90 000 employés dans le monde pour 18 milliards de CA avec une présence dans une vingtaine de pays.

Chez Fnac Darty, le contexte est tout autre. Fnac a acheté Darty en 2016 et l'ensemble traite aux alentours de 10 milliards de flux de trésorerie à peu près équita­blement répartis entre Fnac et Darty, avec des opérations à 80 % en France et 20 % dans les pays européens. Fnac Darty compte 20 000 collaborateurs principalement français. La première décision post-rachat a été de ne pas fusionner les enseignes. « La valeur des deux marques et de leurs réseaux était telle qu'il a été décidé de ne toucher ni aux magasins ni aux sites Internet, mais de fusionner tout le reste, c'est-à-dire la logistique, les achats, les sièges sociaux, etc. Les fonctions financières n'ont pas été priorisées, car dans le retail, les marges sont très faibles, il était logique de fusionner en priorité ce qui était vital et générateur de synergies rapides » explique Stéphanie Constand. 2017-2019 est donc la période consacrée à la fusion de toute la partie vitale de l'activité. C'est seulement à partir de 2019 que le groupe décide d'ouvrir le chantier de fusion de la fonction finance. « La question s'est posée de savoir s'il fallait commencer par la comptabilité ou la trésorerie. Mon Daf a décidé de commencer par la trésorerie, car le besoin de visibilité sur le cash primait. » Le projet, lancé en janvier 2020, n'a réellement démarré qu'en jan­vier 2021, en raison de la Covid, et a duré pratiquement deux ans.

Changement de tempo

Pour Equans, les délais étaient très courts, tout devait être fait en 6 mois : la sélection du système de trésorerie a eu lieu fin décembre 2021, le début de projet le 15 janvier et la fin le 15 juil­let 2022. « Les sujets les plus sensibles étaient la constitution de l'équipe trésorerie et de l'équipe corporate finance, la vision en matière d'organisation et de digitalisation de la trésorerie et le choix d'un partenaire pour suivre notre trésorerie. J'ai pu bénéficier de l'appui managérial au plus haut niveau pour ce projet, considéré comme stratégique par le Comex d'Equans » relate Grégory De Valck. Le déploiement a eu lieu en priorité sur le périmètre France, Belgique et Canada qui utilisait des outils Engie.

Dans un projet de spin-off, tout se fait en même temps : la création d'un système, la nécessité d'avoir une vue quotidienne sur le cash, celle de pouvoir aider le management à prévoir où va le cash et à prendre les mesures nécessaires pour le récupérer. De même, la mise en place du système de trésorerie s'est faite en même temps que la mise en place d'une plateforme de trading, de nouveaux comptables et de contrôle de gestion. « Ce n'est pas forcément plus facile, mais nous partions d'une feuille blanche. Donc les logiciels de comptabilité, de consolidation, de trading... Tout cela est nouveau et a été mis en place en parallèle » relate Grégory De Valck. Quand, du côté de Fnac Darty, il a fallu passer par une importante phase d'état des lieux.

Aujourd'hui, Equans gère les comptes bancaires avec une équipe trésorerie corporate centrale pour la holding qui gère la centralisation du cash, le déploiement de l'outil Diapason dans sa globalité et l'animation de la filière des trésoriers pour l'ensemble du groupe. Des CSP en France, en Belgique et au UK, gèrent, pour le compte des filiales des différents pays, l'ensemble de la trésorerie quotidienne. « Nous pouvons maintenant faire des tableaux de bord de cash par business unit qui descendent jusqu'au niveau de ­l'entité juridique et que nous pouvons fournir au management de manière quotidienne. Nous avons testé des prototypes lors de la clôture du mois de juin et c'est assez prometteur ! » s'enthousiasme Grégory De Valck.

Chez Fnac Darty, la digitalisation a été un vrai changement bénéfique. Fnac n'ayant pas investi dans les outils de gestion de trésorerie de longue date. « Au moment de la fusion, nous nous sommes retrouvés avec un nombre très important de processus gérés manuellement. Alors bien sûr, lorsque vous passez à un logiciel conçu pour cela, c'est une révolution ! Nous avons maintenant un système moderne et agile » sourit Stéphanie Constand. L'avantage de Fnac Darty, par rapport à Equans, était les équipes en place. « J'avais des sachants. Je n'aurais pas pu faire cette transformation sans eux » souligne la directrice financements et trésorerie du groupe. En effet, il a fallu commencer par faire un bilan de l'existant, établir les contraintes comptables Fnac puis Darty et définir comment et jusqu'où il serait possible de faire converger les entités. Toute l'équipe a soit changé de département, soit changé de poste au sein de l'équipe trésorerie. L'équipe trésorerie gère aujourd'hui 900 comptes. Le projet de digitalisation a été l'occasion d'en fermer la moitié et de faire un important travail de rationalisation. « J'ai encore l'intention d'en fermer, mais pour le moment, je laisse l'équipe souffler. C'est important de limiter au maximum le nombre de comptes bancaires, car cela multiplie de fait les risques. »

Les apports concrets de la digitalisation

Outre la simplification des organisations, Stéphanie Constand et Grégory De Valck relèvent un progrès réel en matière de management de la performance. « Nous avons un crédit interne, une légitimité nouvelle. Lorsque j'ai repris l'équipe, elle dépendait de l'administration commerciale de Fnac Darty. Nous avons fait remonter cette équipe au niveau du Codir finance sous ma responsabilité, mais avant, l'équipe ne rapportait pas au Daf France. Aujourd'hui, nous avons une équipe qui gère de la performance avec un contrôleur de gestion cash qui participe aux comités cash, donne des reportings à la direction générale sur la situation financière et les prévisions pour les prochains mois. Il aide à piloter la performance exactement de la même façon que le ferait un contrôleur de gestion » appuie Stéphanie Constand. Donc au-delà de l'apport, en matière de compliance et de process, sur les organisations, une vraie valeur ajoutée en ce qui concerne l'accès à une information de qualité et d'aide à la prise de décision existe. Pour Grégory De Valck : « Sans système de trésorerie, il nous aurait été impossible de réaliser ce carve-out. Ce nouvel outil permet l'automatisation du système de remontée de cash vers le centre ainsi que la mutualisation du cash dans nos filiales pour pouvoir financer celles qui ont besoin d'argent, ce qui nous aide à réduire nos charges bancaires. Dans un contexte où les taux d'intérêt sont plus élevés, cela a énormément de valeur. » Lui aussi souligne l'intérêt d'offrir au management une vue claire et quotidienne sur le cash : « Pour piloter, le management doit avoir un tableau de bord constitué des données les plus fraîches possibles et pas 10 jours après la clôture mensuelle. Nous avons aujourd'hui des reportings plus robustes que sous Excel et quotidiens. Ce tableau de bord pourra être amélioré et enrichi sur base du retour de nos clients internes. »

Une fois ces outils en place, il est donc possible d'installer du contrôle de gestion cash, l'animation de la filière cash de manière dynamique ou encore la mise en place de systèmes d'anticipation et de prévision de trésorerie beaucoup plus fiables de manière à faire le relais avec les équipes financements pour prévoir et anticiper les besoins de financement externes. À ­l'inverse, lorsque le cash est excédentaire, c'est également un moyen précieux pour prévoir les possibilités de placements de trésorerie.

Les conseils des trésoriers pour réussir son projet de digitalisation

- Veillez à bien choisir l'équipe de l'éditeur. Regardez la façon dont ils sont organisés et structurés, cela jouera sur l'accompagnement lors du déploiement du projet.

- Demandez où sont stockées les données (en Europe ou ailleurs).

- Veillez à bien dimensionner l'équipe interne. L'activité trésorerie ne peut être interrompue, il faut donc une équipe dédiée au RUN et une équipe dédiée au projet de digitalisation qui paramètre et garde un lien constant avec l'éditeur et le consultant intégrateur.

- Assurez-vous d'avoir le soutien plein et entier du management, sinon vous n'aurez pas les budgets nécessaires. De plus, il s'agit de projets très structurants et risqués en matière d'exécution, le management doit en avoir conscience.

- N'oubliez pas qu'un système de trésorerie fonctionne par transfert de cash, donc veillez à impliquer vos banques. La capacité de réactivité des équipes bancaires lors de la mise en place des connectivités bancaires est clé !


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