Comment faire face à la hausse des prix ?
La volatilité des prix de l'énergie et des matières premières impacte lourdement les entreprises. Ces dernières doivent revoir leur stratégie pour faire face à l'instabilité mondiale. Fort de ce constat, PwC a organisé un webinaire le 14 octobre 2022. Le but ? Fournir des pistes aux directions stratégiques pour dégager des marges de manoeuvres, notamment financières.
"En cet automne 2022, nous connaissons la pire crise énergétique que le monde ait connu depuis cinquante ans et les chocs pétroliers", a constaté Philippe Chalmin, économiste et spécialiste des matières premières, en préambule du webinaire de PwC. Contrairement aux années 70, la crise est aujourd'hui liée au marché du gaz naturel, dont les prix ont été multiplié par 20, entraînant une flambée du prix de l'électricité. "Nous observons aussi une crise, qui commence à s'atténuer mais que nous avons lourdement subi, sur l'ensemble des marchés des matières premières, notamment les matières premières industrielles et agricoles", rappelle Philippe Chalmin. Pour l'expert, l'économie est actuellement confrontée à quatre crises majeures : énergétique, logistique, agricole et industrielle. Ce qui aura forcément des conséquences dans les mois à venir. "En 2023, la croissance devrait être nulle en Europe, voire en récession dans un certain nombre de pays", estime Philippe Chalmin.
Des incidences financières
Ces différentes crises ont des répercussions directes sur les entreprises, notamment sur le plan financier. Grâce aux aides de l'État, la trésorerie des entreprises était plutôt favorable durant la reprise d'activité en 2021. De fait, de nombreuses sociétés ont constitué des stocks tampons, pour être en capacité de livrer, et des stocks de matières premières, pour pallier la hausse des coûts. "Dans les deux cas de figure, le coût de ces stocks a une incidence financière et doit être analysé comme un coût d'immobilisation", informe Marie-Laure Tuffal Quidet, directrice financements et restructuration au sein du groupe Philippe Hottinguer. A noter que ces mesures ont été prises dans le cadre d'un prévisionnel dans un contexte de reprise d'activité. Ce qui n'est plus le cas actuellement. "Il faut aujourd'hui que les entreprises modifient leur modèle en tenant compte de la récession", indique Marie-Laure Tuffal Quidet.
Par ailleurs, les dispositifs du "quoi qu'il en coûte" ont tiré leur révérence. "Il va falloir intégrer un nouveau coût : celui du remboursement de ces aides antérieures", note Marie-Laure Tuffal Quidet. Enfin, La pérennité d'un certain nombre de secteurs, comme le BTP, l'ingénierie ou les promotions immobilières, est actuellement menacée. Les entreprises de ce secteur ne peuvent pas forcément répercuter les hausses de coûts sur leur client. "En conséquence, c'est leur propre rentabilité qui est atteinte. Lorsqu'elles demandent à des organismes bancaires ou de caution d'émettre des garanties pour la nécessité de la continuation de leur activité, elles peuvent se retrouver dans une impasse qui a une incidence sectorielle énorme", analyse la directrice financements et restructuration.
Une réactivité à toute épreuve
Pour redresser la barre, les entreprises doivent faire preuve de réactivité. "A court terme, le principe directeur est de retrouver une agilité opérationnelle en raccourcissant notamment les temps de réponse de l'entreprise", explique Arthur Wastyn, associé Cash Flow and Working Capital chez PwC France & Maghreb. Cela implique de réaliser, en amont, un diagnostic élargi des criticités de l'entreprise et des zones d'opportunités. "Ce diagnostic va d'abord porter sur la vulnérabilité de la supply chain, via une cartographie des flux et des fournisseurs de rang 1, 2, 3 et 4", souligne Arthur Wastyn. Il convient également d'analyser les fluctuations des prix de l'énergie et les marges de manoeuvre contractuelles et concurrentielles en matière de hausse de prix. Le dernier point du diagnostic est celui de la liquidité. "L'enjeu clé est de maîtriser la liquidité. Il est indispensable de définir un plan d'action de maîtrise des coûts fixes et un plan de visibilité et de pilotage du cash afin d'avoir une capacité de réaction", détaille Arthur Wastyn.
Au niveau de la supply chain, de nombreuses entreprises adoptent des stratégies de re-sourcing et multisourcing pour sécuriser leurs approvisionnements. "Nous voyons aussi se développer des solutions de mutualisation des achats à l'échelle d'une filière, ce qui est notamment le cas dans la plasturgie. Cela permet de négocier de façon beaucoup plus opérante", note Arthur Wastyn. Les adaptations opérationnelles comme la remise à plat du système de commande ou encore le raccourcissement de la cadence des processus SNOP ou de planification représentent également des éléments clés. "Il est essentiel, par ailleurs, d'avoir une agilité sur les prix de vente, avec une révision hebdomadaire des prix et une systématisation des clauses de révision", pointe Arthur Wastyn.
Du retard en matière de partenariat avec les fournisseurs
Sur un plus long terme, les entreprises ont plusieurs cartes à jouer. Aujourd'hui, elles travaillent en priorité sur deux axes : sécuriser leurs opérations et faire face à l'inflation. Le premier point passe par des partenariats stratégiques, en particulier avec les fournisseurs. "En France, nous avons un peu de retard par rapport aux anglo-saxons. Nous avons eu tendance à traiter les fournisseurs, y compris stratégiques, comme des fournisseurs de commodités", constate Arthur Wastyn. Aujourd'hui, les entreprises reviennent à des modes de fonctionnement plus partenariaux, ce qui implique de partager et donner de la visibilité sur les commandes mais aussi de vérifier la capacité du fournisseur à suivre. "Nous constatons aussi une recentralisation des négociations fournisseurs à un niveau groupe plutôt qu'à une échelle régionale ou locale, ce qui permet de sécuriser les approvisionnements et de bénéficier de prix de marché", remarque Arthur Wastyn. Enfin, le mouvement de relocalisation est en marche. Les directions des achats ont désormais tendance à rapprocher le sourcing des lieux de production, ce qui permet de s'affranchir des difficultés de transports, de raccourcir le lead time et d'éviter d'avoir des stocks de sécurité trop important.
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L'accélération de la digitalisation est également un enjeu clé pour les entreprises. "Les nouvelles technologies offrent des moyens extraordinaires pour faire face aux instabilités et augmenter la performance de l'entreprise", commente l'associé de chez PwC. Concernant la maîtrise de l'inflation, la mise en place de contrat groupe présente des effets vertueux. Il est aussi important d'avoir un process et une équipe dédiée pour répondre aux demandes de hausse des prix de la part des fournisseurs. "Cela permet de chercher des compromis cohérents au niveau de la famille de produit et d'éviter que la décision d'accepter ou non l'augmentation des prix ne se fasse que dans le cadre d'un rapport de force", précise Arthur Wastyn. Autre piste évoquée pour limiter l'impact de l'inflation : accélérer la rotation des produits. "Aujourd'hui, on reparle de juste-à-temps (JAT) et de supply chain à flux tendu et c'est bien un grand défi dans l'environnement instable auquel nous sommes confrontés", conclut Arthur Wastyn.
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