DossierInnovation : quelles responsabilités pour le Daf ?
3 - [Zoom] CIR : quelles nouvelles possibilités en 2013 ?
Outil très prisé des PME innovantes, le crédit d'impôt recherche (CIR) a désormais une déclinaison : le crédit d'impôt innovation. Censé couvrir de nouvelles dépenses, ce dispositif doit être manié avec précaution...
Le crédit d'impôt recherche, calculé annuellement, permet aux entreprises qui consacrent une part de leurs ressources à la R&D de profiter d'un remboursement de 30 % sur ces dépenses. Il prenait en compte quatre critères : l'originalité des travaux par rapport à l'état de l'art, leur complexité, la qualification des personnels concernés et, enfin, le progrès qu'ils apportent par rapport aux pratiques de connaissances antérieures. En 2010, les PME innovantes ont perçu un crédit cumulé de 1,4 milliard d'euros pour 4,5 milliards de dépenses engagées. Adoptée le 20 décembre 2012 et parue au JO du 29, la loi de finances pour 2013 instaure un crédit d'impôt innovation. Réservé aux PME, il interviendra en complément du CIR, et couvrira 20 % du montant de certains frais d'innovation. Les dépenses prises en compte seront plafonnées à 400000 euros par an.
Une extension des dépenses prises en charge
Les dépenses d'innovation que vise le nouveau crédit d'impôt sont celles réalisées dans le cadre de travaux prenant place en aval de la phase de R&D, telles que les activités de conception de prototypes de nouveaux produits ou installations pilotes de même nature. Sera considéré comme "nouveau produit" un bien corporel ou incorporel, qui devra cumuler plusieurs conditions :
- le produit ne devra pas être encore mis à disposition sur le marché ;
- il devra se distinguer des produits existants ou précédemment mis en place par des performances supérieures sur le plan technique, au niveau de l'éco-conception, de l'ergonomie ou de ses fonctionnalités ;
- enfin, le prototype ou l'installation pilote devra être utilisé comme modèle pour la création d'un nouveau produit, et non destiné à être commercialisé.
En théorie, cette "extension" du crédit impôt recherche à l'innovation doit donc permettre d'élargir l'assiette des dépenses prises en compte. " Il s'agit d'une très bonne initiative. Nous ne pensions pas que ce projet serait mis en avant aussi rapidement, apprécie Charles-Édouard de Cazalet, cofondateur et directeur de la société de conseil en financement public Sogedev. Le crédit innovation a une indéniable utilité : les entreprises françaises savent faire de la R&D, mais elles manquent de savoir-faire en ce qui concerne la mise sur le marché des produits qui en sortent. Cette nouvelle aide va servir à cela. "
L'enjeu majeur pour l'entreprise sera de déterminer les dépenses éligibles. Pour ce faire, les experts préconisent d'attendre la publication des textes d'application. " La différence n'est pas claire entre ce qui sera considéré comme de la recherche et développement et entrera donc dans le cadre du CIR, et ce qui sera considéré comme de l'innovation ", remarque Fabien Sintes, fiscaliste au cabinet Leyton, conseil en réduction des charges et des coûts. " Il faudra scruter avec attention l'instruction fiscale qui devrait préciser dans les mois qui viennent quelles sont précisément les dépenses éligibles ", estime, de son côté, Léa Faulcon, avocate associée chez Blackbird Associés.
Une source d'insécurité fiscale ?
Si le crédit d'impôt innovation vient, en théorie, compléter le CIR en ciblant des dépenses supplémentaires, certains y voient une possible source d'insécurité fiscale. " Le gouvernement avait annoncé la création de ce crédit d'impôt comme quelque chose qui viendrait s'ajouter au CIR, ce qui serait une très bonne chose. Mais à y regarder de plus près, la réalité est floue, s'inquiète Larry Perlade, directeur associé et fondateur de Neva, spécialiste du financement de l'innovation des PME-PMI . Il est difficile de savoir ce que le crédit d'impôt innovation recouvrira concrètement. "
De fait, certaines entreprises incluent d'ores et déjà dans leur déclaration de CIR les éléments qui pourraient s'inscrire dans la procédure de crédit d'impôt innovation. Elles courent donc le risque d'un reclassement de ces dépenses par l'administration fiscale en crédit impôt innovation. Or, une telle requalification serait préjudiciable à ces entreprises, le crédit d'impôt innovation étant, contrairement au CIR, plafonné à hauteur de 400 000 euros de dépense. Il est, par ailleurs, sujet à un taux de 20 %, contre 30 % pour le CIR. " Une entreprise qui déclare 2 millions de dépenses au titre du CIR bénéficiait, l'an dernier, d'un crédit de 600 000 euros. Si, cas extrême, ces dépenses sont intégralement requalifiées en crédit d'impôt innovation, elle ne touchera plus que 80 000 euros ", illustre Larry Perlade (Neva).
Peut-on évacuer ce risque de déclassement? La réponse est non, tout comme il est difficile de sécuriser l'éligibilité des dépenses, donc le montant de son éventuel crédit d'impôt. Pourtant, il existe un outil pour limiter les risques, le rescrit fiscal, qui permet à une entreprise qui s'interroge sur la réglementation applicable à un projet futur d'obtenir une décision explicite de la part de l'administration fiscale.
Le recours au rescrit peut limiter les risques
Pour éviter le risque d'un contrôle ou d'un reclassement, qui nécessite de se lancer dans des procédures de défense complexe, certaines sociétés choisissent de recourir au rescrit fiscal. Ce système de validation en amont prévoit que l'entreprise sollicite l'avis de l'administration fiscale, directement auprès d'elle ou via l'Agence nationale de la recherche ou Bpifrance, pour déterminer si un projet est éligible ou non au CIR et désormais au crédit d'impôt innovation. Cette demande doit impérativement se faire avant l'engagement des dépenses. " Une exigence paradoxale pour un dispositif comme le CIR, où les améliorations sont appréciées en fin d'année ", estime Fabien Sintes (Leyton).
Les entreprises qui envisagent de s'engager financièrement dans des opérations de R&D peuvent déposer une demande d'entente préalable ou rescrit fiscal directement auprès de l'administration afin d'obtenir un avis sur leur éligibilité au CIR. En cas d'absence de réponse dans un délai de trois mois, l'accord est réputé acquis. À noter que les règles du jeu en la matière ont changé avec la loi de finances pour 2013. Auparavant, le législateur disposait d'une durée de six mois pour se prononcer, et une absence de réponse signifiait un refus. Aujourd'hui, une absence de réponse pendant une durée de trois mois représente de facto un accord.
Si la position quant à l'éligibilité de l'opération au crédit d'impôt figurant dans le rescrit est opposable, cette méthode n'est toutefois pas dénuée de risques. " Le rescrit peut permettre de sécuriser les choses en amont, mais il y aura toujours un flou. Une dépense peut être considérée comme éligible à un instant T, mais trois ans plus tard, l'administration peut considérer que les travaux de ne respectent finalement pas les objectifs, et ne peuvent donc finalement pas être pris en compte dans le calcul ", explique Fabien Sintes (Leyton).
Et la loi peut changer... Si, in fine, le Daf est informé d'un redressement fiscal, " il est essentiel de répondre dans le mois, par écrit, et en expliquant point par point les désaccords par rapport à l'analyse des impôts, quitte à venir apporter des éléments de clarification si l'expert n'avait pas pu saisir la nature des travaux ", explique Jérôme Halary, consultant en financement de l'innovation au sein d'In'Voxa. Outre le fait qu'il existe une possibilité d'extension de 30 jours, soit deux mois au total, pour répondre, il ne faut pas craindre l'échange avec l'Administration. " Car l'expert peut parvenir à la conclusion qu'au regard des textes, vous aviez eu raison d'intégrer certaines dépenses dans les calculs. " Le dossier doit être le plus complet possible pour que l'Administration revienne sur son premier jugement. Cette procédure peut être longue, puisque l'échange se fait essentiellement par échange de pièces, et sans discussion contradictoire avec l'expert.
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