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DossierInnovation : quelles responsabilités pour le Daf ?

Publié par Bénédicte Gouttebroze le

2 - Financement de l'innovation : 6 pistes à explorer

La France est, selon les experts, un paradis en matière d'aides au financement de l'innovation. À condition de savoir frapper à la bonne porte. Tour d'horizon des dispositifs.

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Manque de temps, manque de compétences en interne : les possibilités d'aide au financement de l'innovation sont si nombreuses que choisir le guichet vers lequel se tourner n'est pas toujours chose simple. Selon une enquête de Lowendalmasaï publiée en octobre 2011, environ la moitié des entreprises utilisent des aides extérieures pour financer leurs projets d'innovation.

Mais ce que met en valeur cette enquête, c'est surtout la sous-utilisation des dispositifs publics tels que le CIR ou les subventions. Ainsi, alors que 18 % des sondés souhaiteraient recourir à des subventions publiques, ils ne sont que 13 % à en avoir effectivement bénéficié. Un décalage attribué à la lourdeur de la constitution des dossiers... mais aussi au refus des organismes financeurs.

Environ 40 % des entreprises financent leurs innovations sur leurs fonds propres. En effet, les banques sont généralement peu enclines à soutenir des projets innovants, qui sont par nature risqués : leurs financements interviennent plutôt lors de la phase finale d'industrialisation.

Quant aux aides publiques de financement de l'innovation, elles sont très nombreuses et la plupart des entreprises ne maîtrisent pas l'ensemble du panorama des allégements fiscaux, subventions, avances remboursables, ou garanties de crédit... " Avant de se tourner vers un guichet, il est primordial d'étudier précisément le besoin de financement, sachant que, dans la majorité des cas, l'aide accordée couvrira environ 50 % des dépenses engagées ", recommande Abbas Djobo, directeur du pôle innovation d'Alma Consulting Group.

1. Le CIR, dispositif préféré des entreprises innovantes

En matière de financements externes, le crédit d'impôt recherche (CIR) constitue de loin la forme la plus importante de financement de l'innovation. Créée en 1986, cette mesure-phare a coûté environ 4,5 milliards d'euros à l'État en 2010. " Près de 15 000 entreprises en ont bénéficié, le tiers du montant des économies d'impôts ayant profité aux PME ", indique Charles-Édouard de Cazalet, directeur associé de Sogedev, spécialiste du financement public.

Le dispositif, qui permet d'obtenir un financement partiel des travaux de R&D pouvant aller jusqu'à 40 % des dépenses engagées, a incité les entreprises à augmenter leurs effectifs dans la recherche. Ainsi, grâce au CIR, Aston, entreprise spécialisée dans la conception et la fabrication de produits liés à la télévision numérique et qui finance sa R&D sur fonds propres exclusivement, a pu embaucher trois ingénieurs supplémentaires au sein de sa cellule dédiée, désormais constituée de dix chercheurs.

Bien que le CIR soit plébiscité par les entreprises, ce dispositif a été "raboté" par la loi de finances 2011, qui a fait passer le forfait de frais de fonctionnement sur les dépenses de personnel de 75 % à 50 % et réduit de 50 % à 40 % les taux de crédit d'impôt dont peuvent bénéficier les entreprises au cours des deux premières années. Toutefois, le gouvernement s'est prononcé en faveur de la stabilité du dispositif jusqu'en 2013, date à laquelle une nouvelle déclinaison, le crédit d'impôt innovation, a été créée.

Mais dans un contexte de réduction des déficits publics,l'administration a renforcé les contrôles fiscaux auprès des entreprises bénéficiaires du dispositif : selon une enquête de Lowendalmasaï parue en décembre 2011, ils auraient augmenté de 67 % entre mai et septembre 2011. Pour sa part, Charles-Édouard de Cazalet (Sogedev) prévient que " le formalisme des dossiers devient de plus en plus lourd. En cas de contrôle fiscal, le dossier scientifique constitue la pièce maîtresse, alors que, bien souvent, le Daf sollicite un CIR sans avoir rassemblé l'ensemble des pièces justificatives ". Gare aux négligents, qui risquent un redressement sur la totalité e leur crédit d'impôt.

À noter également qu'une instruction fiscale, mise en consultation publique en juillet 2011, a harmonisé les critères d'analyse de l'éligibilité des dépenses de R&D, qui, jusqu'à présent, divergeaient selon les différents acteurs du dispositif, à savoir l'administration fiscale, le ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche et les entreprises.

2. Le statut jeune entreprise innovante : un accès restreint

Créé en 2004, ce statut fiscal qui a concerné 2400 entreprises en 2010, permet à des dirigeants de passer le cap difficile des premières années, en leur conférant des exonérations fiscales et un allégement de charges sur les salaires des chercheurs et salariés liés à la R&D.

Si les conditions pour en bénéficier sont stables, à savoir être une PME indépendante de moins de 250 salariés, âgée de moins de huit ans, et consacrer au moins 15 % de son CA à la R&D, la loi de finances de 2011 a réduit la durée de l'exonération totale des charges patronales sur les salaires de huit à quatre ans et prévoyait aussi une dégressivité de l'exonération. Après les vives critiques suscitées par ces modifications, le Parlement a voté, en décembre 2011, un assouplissement, entré en vigueur au 1er janvier 2012 : la dégressivité des allégements de charges a été légèrement adoucie. Ainsi, les charges sociales sont désormais déductibles à 100% durant les quatre premières années, puis à 80%, 70%, 60% et 50% les années suivantes (contre 70%, 50%, 30% et 10% en 2011).

3. Les aides aux projets collaboratifs des pôles de compétitivité

Mis en place en 2005, le concept de pôle de compétitivité compte déjà 71 entités dans l'Hexagone. Elles rassemblent entreprises, universités et laboratoires de recherche pour favoriser l'émergence de filières autour de différentes thématiques scientifiques et industrielles. Pour la période 2009-2011, une enveloppe de 600 millions d'euros a été allouée par le Fonds unique interministériel au financement des projets de R&D collaboratifs des pôles de compétitivité.

Des aides financières sont ainsi octroyées aux meilleurs projets d'innovation et de R&D, sélectionnés via les appels à projets du Fonds unique interministériel (deux appels à projets par an, consultables sur http://competitivite.gouv.fr). Ce dispositif finance des projets dont le budget total s'échelonne entre 3 et 6 millions d'euros, et les participants reçoivent individuellement des financements allant de 100 000 à 500 000 euros. Pour y prétendre, il faut avoir fait labelliser son projet par au moins un pôle de compétitivité, puis déposer son dossier sur le site de Bpifrance. Les projets sont ensuite sélectionnés en fonction de leur contenu technologique innovant, de leurs retombées en termes de créations d'emplois et de la crédibilité de leurs objectifs commerciaux.

Dans le cadre des investissements d'avenir, les pôles de compétitivité disposent aussi d'une enveloppe de 300 millions d'euros pour des projets de R&D destinés à structurer ou à faire émerger de nouvelles filières industrielles et sélectionnés selon une procédure similaire à celle des projets collaboratifs. Les financements vont de 8 à 50 millions d'euros.

Pour une PME, il semble parfois complexe de travailler avec plusieurs partenaires, notamment en raison des spécificités juridiques liées au partage de la propriété industrielle. Pourtant, " les projets collaboratifs, les projets structurants des pôles de compétitivité, voire les projets européens sont l'occasion pour des PME de créer des réseaux. Cela fait partie des retombées du processus d'innovation ", souligne Abbas Djobo (Alma Consulting Group). Et peut permettre à une petite structure de se positionner comme apporteuse de solutions auprès de ses grands donneurs d'ordres.

4. Bpifrance Financement : une porte ouverte sur le financement et les conseils

Plébiscité par l'ensemble des acteurs, entreprises ou fonds d'investissements, Bpifrance Financement, anciennement Oséo, joue un rôle incontournable dans le financement de l'innovation. " Cet organisme apporte un coup de pouce complémentaire souvent décisif pour parvenir à la mise sur le marché d'un produit ", témoigne ainsi Hugues Lisan, associé d'ASC Consulting, qui accompagne les entreprises innovantes dans leur structuration financière.

Les aides de Bpifrance prennent la forme d'avances remboursables, de subventions, de prêts à taux zéro ou encore de garanties bancaires. Au total, en 2010, les trois grands programmes concernant l'innovation (Aide à l'innovation, Innovation stratégique industrielle et Fonds unique interministériel) gérés par l'organisme ont permis de déployer 650 millions d'euros d'aides au profit de 3100 entreprises. Les formes d'aides proposées sont multiples : aide à la création d'entreprise innovante, études de faisabilité de projets innovants, qualification "entreprise innovante" pour accéder aux FCPI, conseil et aides à la participation à des partenariats technologiques ou à des projets collaboratifs impliquant des organismes de recherche, des universités et des entreprises.

Les entreprises doivent donc être accompagnées, d'oùdes interlocuteurs dédiés au sein de chacune des directions régionales, qui les conseillent sur l'ensemble des aides dont elles peuvent bénéficier, quelle que soit leur source : Bpifrance, collectivités territoriales ou ministères. " L'avantage pour l'entreprise est de bénéficier de multiples points d'entrée, avec un interlocuteur qui l'oriente vers les sources de financement adaptées sans avoir à déposer plusieurs dossiers. Nous misons sur cette intelligence collective et des processus coordonnés plutôt que sur la mise en place d'un guichet unique ", explique Laure Reinhart, directrice générale déléguée d'Oséo au sein de Bpifrance. Car l'organisme veille à la cohérence économique des projets innovants et le Daf sera mis à contribution pour apporter les éléments chiffrés du dossier : compte de résultat prévisionnel, plan de financement et détail des dépenses prévues. " Il arrive que des projets ne soient pas financés, lorsque nous les jugeons trop risqués pour l'entreprise elle-même ", souligne Laure Reinhart.

5. Les fonds de capital-risque : un impact significatif sur le mode de gestion

Nombre de start-up innovantes se tournent vers les capitaux privés pour renforcer leurs fonds propres. Mais cette décision n'est pas du ressort du seul Daf : " C'est avant tout une décision d'actionnaire ", rappelle Bernard Maître, président du directoire du fonds d'amorçage Emertec. Les fonds d'amorçage interviennent aux tout premiers jours des entreprises, pour les accompagner durant cinq à dix ans, avant de céder leurs participations.

Le secteur du capital-risque privilégie les domaines à forte composante technologique (TIC, biotechnologies, secteurs en forte croissance). Généralement, plusieurs levées de fonds interviennent au fil du développement de l'entreprise. Mais la décision impactera fortement son mode de gestion, les fonds d'investissement y étant particulièrement attentifs, en contrepartie de l'investissement et de l'expertise qu'ils apportent à l'entreprise.

6. Les programmes européens : osez l'international !

Les PME innovantes peuvent également se tourner vers les financements européens. Le principal programme de financement de la recherche en Europe est le PCRDT (Programme cadre de recherche et développement technologique). Dans ce cadre, des appels à projets sont émis selon le programme élaboré par la Commission européenne.

Les PME souhaitant postuler doivent savoir que le délai entre la réponse à l'appel à projets et le démarrage du projet varie de 12 à 18 mois, et que les projets financés exigent une collaboration internationale et sont souvent consommateurs de ressources. À réserver donc aux PME déjà expérimentées dans la gestion de programmes collaboratifs !

Plus facile d'accès, le programme Eureka permet aux petites entreprises d'obtenir un label et un financement pour des projets collaboratifs de recherche et développement-innovation (RDI). Si les consortiums sont européens, les financements sont accordés au niveau national, en l'occurrence, en France, par Bpifrance. Quant au programme Eurostars, destiné à répondre spécifiquement aux besoins des PME, il permet de financer des projets d'une durée inférieure à trois ans. Autant de voies à explorer pour les entreprises prêtes à s'engager dans des partenariats internationaux...

Et si vous faisiez appel à un "chasseur de financement" ?

Lorsqu'une PME souhaite bénéficier du CIR, elle peut solliciter un cabinet qui réalisera un audit des dépenses et déterminera si elles sont éligibles. Pour une entreprise ne maîtrisant pas la complexité et le formalisme des dossiers, cette solution permet de gagner du temps. Le cas échéant, les prestataires se chargent de la rédaction des dossiers et de la justification des dépenses. Leur prestation inclut également la fourniture d'éléments complémentaires en cas de contrôle. Quant à leur rémunération, elle peut faire l'objet d'un "success fee" versé au moment où l'entreprise bénéficie de l'avantage fiscal, selon un pourcentage de la créance de CIR obtenue ou d'un forfait.

Le traitement fiscal des dépenses liées à ces prestations de conseil varie selon leur mode de calcul : à compter du CIR calculé au titre de l'année 2011 et déclaré en 2012, la rémunération des cabinets qui aident les entreprises à bénéficier de ce dispositif est déduite de l'assiette des dépenses éligibles au CIR, en totalité lorsqu'elles sont calculées en "success fees", et, lorsqu'elles sont calculées forfaitairement, à concurrence du montant le plus élevé entre 15 000 euros HT et 5 % du montant HT des dépenses de R&D éligibles.

Cette mesure, adoptée dans le cadre de la loi de finances 2011, vise à réguler les pratiques des prestataires de conseil et à fixer leur rémunération aux alentours de 15 % à 16 % du CIR.


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